Le "sniper" présumé de Varces s'est suicidé

Le "sniper" de la prison de Varces devait comparaître à partir d'aujourd'hui devant les assises du Rhône. Il s'est donné la mort. 

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Le procès du "sniper" de la maison d'arrêt de Varces s'ouvre ce vendredi 27 avril devant la cour d'assises de Lyon. C'était la première fois en France qu'un détenu était abattu depuis l'extérieur d'une prison. Cette affaire s'inscrit dans ce qu'on appelle la guerre de gangs de Grenoble.

Marcel Egéa a mis fin à ses jours la nuit dernière dans la maison d'arrêt de Lyon-Corbas. Accusé d'avoir tué par balle un détenu dans la cour de promenade de la maison d'arrêt de Varces en septembre 2008, son procès devait débuter ce vendredi 27 avril à Lyon.

Il ne se sera résumé qu'à une brève audience ce matin: juste le temps pour le président de la Cour d'annoncer "le renvoi de l'affaire à une session ultérieure".

 

Marcel Egea, 61 ans, devait être jugé au côté du commanditaire présumé et de deux autres prévenus. L'action publique le concernant est éteinte.

Comment s'est-il suicidé?

Ce sniper présumé se serait pendu avec un câble de télévision. D'après la CGT, les gardiens effectuant des rondes régulières ont trouvé au petit matin le judas de sa cellule obstrué. N'ayant pas eux-mêmes le droit d'y pénétrer la nuit, ils ont appelé leur supérieur qui a lui-même découvert le corps.

On ignore si le prévenu a laissé un message dans sa cellule à l'isolement à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas. Une enquête sur les circonstances de cette mort est lancée.

En détention depuis presque 4 ans

En détention depuis son arrestation immédiatement après les faits le 28 septembre 2008, l'accusé avait été placé à l'isolement et faisait l'objet de rondes toutes les deux heures.

Nombre d'éléments matériels l'accablaient: il avait été arrêté un quart d'heure après la fusillade de Varces, en Isère, sur une moto volée, portant un fusil de chasse dont le canon était encore chaud. A son domicile, des munitions, des jumelles et un trépied pour arme longue avaient été retrouvés.

De plus, il s'était vanté lors de parloirs qui avaient été enregistrés d'avoir touché avec précision depuis une colline Sghaïr Lamiri, 29 ans, qui se trouvait dans la cour de promenade. Mais devant les enquêteurs et le juge d'instruction, il a toujours prétendu ne pas être mêlé à cette affaire et être passé par là pour cueillir des champignons.

Les réactions au suicide

Selon son avocate, Morgane Gibert, qui l'a encore vu jeudi midi en détention, "il n'attendait plus rien" et "ne voulait pas assister à son procès". Pour Me Florent Girault, qui assurait sa défense auparavant, "son espoir de quoi que ce soit était vain", d'autant qu'il était en état de récidive légale, ayant déjà été condamné en 1978 à 20 ans de réclusion pour tentative de meurtre lors d'un braquage.

Me François Heyraud, un des avocats de deux autres prévenus accusés d'avoir servi d'intermédiaire avec le commanditaire présumé, a pointé du doigt un possible défaut de surveillance, évoquant des précédents suicides d'accusés notoires comme Jean-Pierre Treiber: "dès le début de sa détention il a menacé plusieurs fois de se foutre en l'air, pourquoi n'a-t-il pas été mieux surveillé ?".

Bertrand Arnoud, responsable CGT à la prison de Corbas, a rejeté toute responsabilité du personnel. Selon lui, "on ne peut mettre en cause les surveillants; quelqu'un qui veut se suicider, il y arrive".

Me Ronald Gallo, l'avocat de la famille Lamiri, partie civile, a laissé éclater sa colère : "la maison d'arrêt de Varces a laissé faire lorsque Sghaïr a été visé, et là, on a aussi laissé faire ce suicide". "On a tué un homme, Marcel Egea, qui était déjà condamné. Et ceux qui peuvent se frotter les mains sont les commanditaires" puisqu'il ne les dénoncera jamais, a-t-il ajouté.

La défense de Mourad B., soupçonné d'être le commanditaire, n'est pas du même avis : leur client "est en détention provisoire, dans l'attente de son jugement", selon Me Denis Dreyfus. Et ce suicide "ne fera qu'instiller plus de doute" dans la tête des jurés qui se pencheront sur le dossier dans quelques mois, d'après lui.

Me Pascal Winter, avocat d'une surveillante de la maison d'arrêt qui a perdu le bébé qu'elle portait du fait du stress engendré par cette fusillade, a aussi déploré qu'elle ne puisse plus "voir en face" l'auteur.

Rappel des faits

Le 28 septembre 2008, peu avant 17H00, Sghaïr Lamiri, 29 ans, recevait cinq balles alors qu'il se trouvait dans la cour de promenade et mourait quasiment sur le coup. Nordine Aguaguena, autre détenu qui se portait à son secours, était grièvement blessé au poignet gauche.

Les tirs provenaient d'un tireur embusqué positionné sur une colline surplombant l'établissement pénitentiaire. Un quart d'heure après les faits, Marcel Egea, alors âgé de 58 ans, était arrêté sur une moto volée, repérée peu avant la fusillade par des gendarmes, qui avaient placé l'engin sous surveillance.

L'homme portait sur lui un fusil de chasse à lunette Remington dont le canon était encore chaud et était vêtu d'une tenue de camouflage. Il prétendait être venu cueillir des champignons.

L'enquête de voisinage montrait qu'il s'était rendu régulièrement sur les lieux auparavant. A son domicile, des munitions, des jumelles et un trépied pour arme longue étaient retrouvés.

Un épisode de la guerre des gangs

Sghaïr Lamiri, qui purgeait une peine de huit années d'emprisonnement pour vols à main armée, était lié à l'un des clans s'affrontant dans des règlements de comptes sanglants dans l'agglomération grenobloise depuis plusieurs années. Son frère Lasaad Lamiri, trafiquant notoire, avait été tué en 2003.

D'après des informateurs de la police, Sghaïr Lamiri était tenu pour responsable d'un guet-apens monté en avril 2007 en Isère, à Champagnier, dans lequel un homme était mort et un autre avait été blessé grièvement. Un certain Mourad B. en avait réchappé.

Rapidement après la fusillade de Varces, des renseignements anonymes désignaient Mourad, alors âgé de 23 ans, comme le commanditaire de cette opération inédite. Des interceptions téléphoniques permettaient de faire le lien entre le jeune homme et Marcel Egea.

Dans des conversations enregistrées au parloir, le tireur présumé évoquait aussi avec deux amis des remises d'argent par "Mourad" en paiement du meurtre, dont des traces ont été retrouvées. Ces amis remettaient en outre à Egea de la résine de cannabis et des vêtements Lacoste, qui se sont avérés avoir été achetés par le commanditaire présumé.

Placés en garde à vue, les deux amis reconnaissaient avoir servi d'intermédiaire.

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