Des milliers de touristes ont beau le fréquenter chaque été, le petit village de Ceresole Reale (Piémont) doit lutter sans relâche pour la survie de son école primaire. Avec 160 habitants à l'année, difficile de maintenir l'établissement ouvert.
"Un village sans école est un village fantôme." En ce jour de rentrée des classes - fixée au lundi 12 septembre dans les écoles du Piémont -, Alex Gioiannini, le maire de Ceresole Reale, répète à qui veut bien l'entendre la maxime qui lui tient lieu de devise.
Au rez-de-chaussée de sa mairie dont le fronton est frappé du blason royal de la maison de Savoie, alors que les trois écoliers s'installent en classe, il rappelle son engagement, comme celui de ses prédécesseurs, pour le maintien de la petite école du village.
"Avec l'arrivée d'un nouvel élève cette année, on a retrouvé le même nombre d'écoliers que nous avions il y a 25 ans, lorsque j'étais moi-même élève ici. Il y a toujours eu une école à Ceresole. Et on fera toujours le maximum pour ça ne change jamais", martèle l'édile.
La première école à une demi-heure de route de montagne
Pour donner envie à un enseignant de venir vivre ici, à plus de 1 600 mètres d'altitude, tout en haut de l'étroite vallée de l'Orco, la mairie a même mis à disposition un logement. "Mais c'est la région Piémont qui prend en charge les 18 000 euros annuels que coûtent l'école et le salaire de l'institutrice, surtout, qui représente la charge la plus importante", précise Mauro Durbano, le maire adjoint de Ceresole.
Dans la salle de classe, au rez-de-chaussée de la mairie, Ylenia est déjà au tableau noir. C'est sa seconde rentrée ici et elle se félicite, elle aussi, d'accueillir un élève de plus. "Raffaele est en fait le petit frère d'Emanuele, mon élève de CE1. Quant à Guglielmo, dont c'est la dernière année ici, c'est tout simplement leur cousin", s'amuse l'institutrice.
Une école de famille en somme, qui peinerait à demeurer à Ceresole si un mauvais sort faisait disparaître l'école du village. "Moi, je viens de Cuorgnè, à une quarantaine de minutes de route d'ici, plus bas dans la vallée", ajoute-t-elle.
Cuorgnè, c'est là où devraient se rendre, tous les matin, les trois écoliers si d'aventure l'école de Ceresole fermait. "La présence de l'école, c'est indispensable pour que l'on continue à vivre toute l'année à Ceresole, explique Stefano, le papa de Guglielmo. Moi, je suis maçon et je me déplace beaucoup. Faire une heure et demie de route en plus chaque jour pour aller conduire et rechercher mon fils à l'école, ça serait intenable. Non, si on n'avait pas cette école, on serait obligé de déménager."
Un test pour être admis au collège
Une perspective qui fait frémir jusqu'au maire de ce village de 160 habitants à l'année. "Si on perd l’enfant, on perd la famille. Parce que dans la plupart des cas, quand une famille part avec des enfants en primaire, elle ne revient pas quand ils grandissent."
Pourtant, l'année prochaine, l'école perdra à coup sûr l'un de ses élèves. En CM2, Guglielmo partira pour le collège, loin dans la basse vallée. Après cinq ans passés dans le nid douillet de la petite école de montagne, avec son institutrice. "Je suis bien contente de pouvoir travailler ici, assure Ylenia. Même avec trois niveaux différents, on peut faire plein de choses. Et puis, on évolue ici dans un cadre apaisé, tranquillisant".
Un cadre trop paisible pour être parfait, peut-être ? Dans les vallées piémontaises, il existe deux à trois autres écoles de ce type. Aucune n'est aussi petite que celle de Ceresole. Mais à peine plus grandes, et fonctionnant uniquement grâce à la participation financière de la région.
"En dessous de sept élèves, normalement, le ministère de l'éducation ferme l'école, explique Antonijeta Strollo, l'inspectrice de l'éducation nationale de la vallée de l'Orco. Le système de la micro école de montagne comme celle de Ceresole a ses avantages et ses inconvénients. Si, d'un côté, le suivi individuel de chaque élève est bien meilleur que dans une classe polaio (poulailler, NDLR) de 30 élèves, une si petite structure rend évidemment impossible toute activité de groupe telle que des sorties scolaires. Quand ils arrivent dans les collèges de la basse vallée après avoir passé cinq années d'école primaire dans leur classe, nous leur faisons passer des tests. Pas tellement sur leurs connaissances, qui dépendent de leur capacité d'apprentissage individuel, mais pour savoir sur quels points agir pour les intégrer au mieux".
La plus petite école d'Italie retombera donc à deux élèves pour l'année scolaire 2023-2024. A moins qu'une nouvelle famille n'arrive ? Un tel événement permettrait de faire remonter les effectifs. Et pour le maire d'attendre plus sereinement l'entrée à l'école du bébé qui doit arriver d'ici quelques semaines dans l'un des foyers de Ceresole.