Ils ont dû prendre l'hélicoptère ou le bateau pour se rendre au travail, faire des dizaines de kilomètres de détour... Mais le calvaire des usagers du tunnel du Chambon a pris fin hier : un nouveau tracé leur permet enfin de rallier Briançon dans de bonnes conditions.
"Une bouffée d'oxygène": dans les Hautes-Alpes, habitants et commerçants de La Grave accueillent avec soulagement la réouverture du tunnel du Chambon, dont la fermeture pour travaux pendant vingt mois a coupé cette station touristique d'une grande partie de sa clientèle.
Situé près d'un barrage sur la route départementale reliant Grenoble à Briançon, l'ouvrage avait été fermé au trafic le 10 avril 2015 pour raison de sécurité, devant le risque d'éboulement imminent de 600.000 mètres cubes de roche.
L'infrastructure, qui draine habituellement 2.300 véhicules par jour, a été rouverte vendredi soir après huit mois de travaux. Dans l'intervalle, une route de secours avait été aménagée dans l'urgence, permettant aux habitants des villages alentours, travaillant d'un côté comme de l'autre côté du tunnel, de ne pas perdre leur travail.
Cette route d'appoint va servir de nouveau en mars, "après la saison hivernale" afin que soient menés de nouveaux travaux d'aménagement du tunnel, qui sera terminé en décembre 2017. Son coût avoisinera alors les 25 millions d'euros.
La réouverture est "une très bonne nouvelle, car à La Grave, cela fait plusieurs mois qu'on serre les dents. On a eu peur de tomber encore plus bas financièrement", souligne Marivy Agudo, qui tient un gîte en bord de route depuis 15 ans.
La responsable explique que cette période difficile l'a contrainte à "se poser des questions sur la viabilité de son activité", qui a enregistré "30% de baisse
de chiffre d'affaires en un an".
"C'est énorme, même si nous avons reçu des aides des assurances et de l'État. Mais les habitués qui n'avaient pu venir l'an dernier nous contactent de nouveau", ajoute-t-elle, précisant que la création de la route de secours "n'avait pas motivé les gens".
À quelques centaines de mètres de là, au bureau des guides de montagne, le personnel se réjouit de la "bouffée d'oxygène" que le retour de la circulation automobile va - paradoxalement en cette période de pollution des vallées alpines - apporter au sein de ce village situé à 1.450 mètres d'altitude. Mathieu Detrie, guide de haute montagne, rappelle à quel point sa structure "a souffert" de la fermeture du tunnel notamment avec la mise en chômage partiel des deux secrétaires du bureau au printemps et à l'été 2015.
"On a drainé beaucoup moins de nouveaux clients, ceux qui sont de passage dans le village et qui recherchent des activités de découverte", explique le jeune homme.
L'ensemble des guides employés ont mis la main à la poche pour aider le bureau à passer cette période difficile.
Faire revenir les touristes
"On est tous dépendants de cette route. La grande majorité de la clientèle du bassin vient de Grenoble", de l'autre côté du tunnel, détaille-t-il.
L'office du tourisme de la station espère qu'il ne sera pas trop difficile "de faire revenir la clientèle perdue, et qui a probablement dû se tourner vers d'autres stations".
"L'an passé, nous n'avons eu personne, que ce soit du point de vue du passage ou des réservations", explique une employée. Elle pointe la disparition, depuis, de deux commerces dans le village.
"Il va maintenant falloir faire revenir les touristes ! Et je ne pense pas que ça va être si simple", confirme un habitant.
Le département de l'Isère, sur le territoire duquel est situé le tunnel, a lancé une grande campagne de communication à cet effet auprès des acteurs économiques locaux, régionaux et internationaux.
Sur les 600.000 m3 de roche risquant de tomber, 200.000 menacent toujours de céder. "Toute la montagne n'est pas tombée, mais le tunnel est à l'abri de la roche qui bouge encore", rassure un expert.
Le tunnel du Chambon en quelques chiffres :
- 8 mois de travaux.
- Des équipes de 50 hommes mobilisés 7j/7 - 24h/24.
- 25 millions d’euros débloqués.
- 500.000 voitures ont emprunté la route de secours.