La maman d'Alexie et Raphaël témoigne : "J’ai fait tout ce que je pouvais pour les sauver et personne ne m’a entendue"

Une marche blanche est organisée mercredi à Chappes, dans le Puy-de-Dôme en mémoire d'Alexie, 9 ans, et Raphaël, 8 ans, deux enfants retouvés morts, calcinés, dans un camping-car le 25 mai, à côté de leur père. Il était séparé et en conflit avec la maman. Elle témoigne aujourd'hui.

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Dans la nuit du 24 au 25 mai, les corps d'un père et de ses deux enfants, originaires du Puy-de-Dôme, ont été retrouvés carbonisés dans leur camping-car sur la commune de Puy-Saint-Gulmier, dans le Puy-de-Dôme. Il s'agissait d'un homme âgé d'une cinquantaine d'années et de ses deux enfants, une fille, Alexie, 9 ans, et un garçon, Raphaël, 8 ans.

Une semaine après ce drame, la maman des deux enfants, qui vivait séparée de cet homme, a accepté de témoigner. Le père de famille avait ce week-end la garde d’Alexie et Raphaël, il ne les a pas raccompagnés au domicile de la mère, dimanche soir, comme prévu. Aujourd’hui, Corinne Serre crie sa douleur et sa colère. Elle ne comprend pas que l’alerte enlèvement n’ait pas été déclenchée malgré les menaces que l’homme avait proférées à plusieurs reprises. Entretien.

Brigitte Cante : qu'attendez-vous de cette marche blanche à laquelle vous allez vous-même participer mercredi ?
Corinne Serre : Cette marche blanche est très importante pour moi. Il y aura tous les amis de mes enfants qui veulent exprimer leur douleur, leur incompréhension. Aller dire à ces enfants que la place d'Alexie et Raphaël restera définitivement vide...(pause)...C'est très compliqué. Comme c'est très compliqué pour une maman de n'avoir plus que des doudous à serrer contre soi, qui ne sont pas mes enfants. Mes enfants, c'était la vie, c'était l'espoir d'un avenir.

C'est très compliqué pour une maman de n'avoir plus que des doudous à serrer contre soi.

Vous parlez d'incompréhension, il y a également de la colère ?
Oui, beaucoup de colère. J'ai crié mon désarroi. J'ai crié au secours pour qu’on sauve mes enfants. J’ai posé des preuves et des mots sur ce qui se passait. On m’a entendue, certes, entendue ou écoutée, je ne sais pas quel terme il faudra choisir, mais on n’a pas agi assez. J’ai alerté depuis le vendredi. Depuis le vendredi, il y a avait des anomalies. On a tenté de me rassurer. On n’est pas rentré vraiment dans le vif du sujet. J’ai dû attendre tout un week-end et quand j’ai alerté à 17 heures, dimanche soir, que les enfants n’étaient pas de retour, j’ai pris toute la mesure de la gravité de leur absence. J’avais plus que des doutes bien en amont. J’ai fait le 17. On m’a dit qu’il fallait attendre le lundi matin, qu’il pouvait les amener à la rentrée des classes, que c’était leur père, qu’il avait le droit de les avoir. Mais il avait dépassé l’heure où il ne devait plus les avoir. Son attitude était très inquiétante depuis longtemps.
 
Vous aviez des signes ?
Plus que de signes puisque j’avais de menaces. Des menaces d’abord à l’encontre de mon nouveau compagnon. Des menaces de toutes sortes, sans arrêt, incessantes. Il me faisait croire que les enfants devaient vivre, que je devais vivre, que tous les gens autour de moi devaient mourir. Je n’avais pas droit aux amis. Mes enfants n’avaient pas droit aux amis. Il me coupait du monde.
 
Qu’auriez-vous souhaité dimanche soir comme réaction ?
Une réaction immédiate. J’avais communiqué tout ce que je pouvais. Il y avait les plaintes, les mains courantes. Dans les commissariats ou les gendarmeries, il y a des hommes de loi, ils doivent nous venir en aide. Quand on sait qu’il faut trois semaines pour qu’une simple plainte passe de Cournon-d’Auvergne à Pont-du-Château… Vous savez ce qui peut se passer en trois semaines ? Je n’avais pas fini cette phrase que, certainement, déjà, mes enfants n’étaient plus. L’incompréhension, elle est dans l’inaction, dans le temps de réaction. On est dans quel monde ?
 

J’ai perdu la suite de mon histoire, je n’ai plus mes parents, je n’ai plus mes enfants. Mon fil s’est coupé à cet instant quand mes enfants sont morts.


Vous auriez aimé le déclenchement d’une alerte enlèvement ?
Je pense que les gendarmes font leur métier, qu’ils le font très bien. Je pense que les gens qui le chapeautent commencent à s’endormir dans leur fauteuil commencent à s’endormir et un peu trop. Il ne faut pas avoir peur de le dire et je n’ai pas peur de le dire. Est-ce que c’est difficile de prendre une plume et de dire : j’accorde le déclenchement de l’alerte enlèvement… Est-ce qu’on a peur de se tromper ? Je suis un être humain, je me trompe. Mais là, on n’a pas le droit à l’erreur. C’est deux vies, de deux enfants. C’est nous les adultes qui sommes responsables de leur vie. C’est à nous d’agir. Ce n’est pas compliqué de lancer une alerte enlèvement. Peut-être qu’il se serait trompé ce cher monsieur s’il l’avait fait, et alors ? A ce moment-là, il pouvait encore se regarder dans une glace. Il se serait dit : j’ai juste fait une erreur inutile, mais là je n’ai bougé personne et deux enfants sont morts. Alexie et Raphaël, ce sont mes enfants, deux êtres chers, la chair de ma chair, mon sang. J’ai perdu la suite de mon histoire, je n’ai plus mes parents, je n’ai plus mes enfants. Mon fil s’est coupé à cet instant quand mes enfants sont morts. (…) La marche blanche est là pour crier. Que le monde bouge !
 
Acceptez-vous le terme de « drame familial » ?
Non ! Je le refuse, je le dénonce. Il n’a rien à faire dans les journaux. Ce n’est pas un drame familial. Leur père se servait de moi et de ses propres enfants qui avaient peur de lui. Ses enfants à qui il faisait du mal, moralement, c’était sa façon d’être. Il trompait énormément les gens. Il a même réussi à tourner ma famille contre moi. (…) J’ai fait tout ce que je pouvais pour les sauver et personne ne m’a entendue. Ça ne doit plus jamais arriver. Si, les petites fourmis que j’ai vu travailler dans la gendarmerie, elles ont encore un cœur, mais quand on monte dans le pouvoir, je ne sais pas. Pouvoir et cœur, ça ne doit pas être compatible. Il y a eu une alerte enlèvement cette même semaine. Elle a été déclenchée parce qu’une femme est morte. Est-il nécessaire d’avoir des morts pour agir ? 

 

Le procureur prêt pour une rencontre avec la maman d'Alexie et Raphaël
Contacté par nos soins, le procureur de la République de Clermont-Ferrand a indiqué vouloir rencontrer Corinne Serre. Pierre Sennès souhaite présenter à la maman d'Alexie et Raphaël le processus précis de déclenchement de l'alerte-enlèvement dans les prochains jours.
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