18 février 1984 : que reste-t-il de cette mobilisation exceptionnelle ?

Le 18 février 1984, à Rennes, 300 000 manifestants défilaient à Rennes pour s'opposer à la réforme de l'enseignement libre. Aujourd'hui, Frédéric Le Moigne, maître de conférences à l'UBO, spécialiste du catholicisme et des questions scolaires, revient pour nous sur cette mobilisation exceptionnelle.

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Maître de conférences d'histoire contemporaine à l'Université de Bretagne Ouest (UBO) et membre du Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC), Frédéric Le Moigne a publié de nombreux ouvrages sur le catholicisme français et la question scolaire. Dans "Le catholicisme en chantier" (collectif aux Presses Universitaires de Rennes) il aborde la question des grandes manifestations catholiques de l'ouest dont celle du 18 février 1984 à Rennes...

La manifestation du 18 février 1984 a-t-elle été l'une des plus importantes de France ?

"La manifestation de Rennes de l'hiver 1984 s'inscrit, en effet, dans une phase d'intensification de la mobilisation contre le projet de loi Savary. Au même titre que d'autres grandes villes de province (Lille et Bordeaux), Rennes constitue une étape indéniable sur le chemin de Paris (24 juin 1984), notamment par l'implication des masses, l'équilibre complexe entre hiérarchies catholique (ici, le cardinal Gouyon), soutiens politiques, relais médiatiques et rôle moteur des associations de parents d'élèves. J'ajoute que Rennes, bien que marquée par une tradition de la démonstration de masse catholique (manifestation de 1925, fête des écoles jusqu'en 1969) entretient un rapport plus complexe qu'il n'y paraît avec la manifestation catholique. Ainsi convient-il de souligner l'hostilité du cardinal Roques, proche du MRP, à toute manifestation bretonne prônant la grève de l'impôt en 1950. 1984, qui d'ailleurs, recouvre la mémoire des années 1950, s'inscrit comme une revanche de ce temps".

La Bretagne a-t-elle joué un rôle particulier dans ce mouvement qui opposait l'école libre à l'école publique ?

"Je préférerais sur ce point ne pas détacher la Bretagne de l'Ouest en général. Les mécanismes de défense sont, en effet, communs : le terreau du maillage scolaire catholique génère un fort militantisme des parents d'élèves (APEL). Le maintien d'une visibilité catholique, dans une réaction qui dépasse la défense confessionnelle (la liberté scolaire a une dimension de « modernité » libérale dans l'air des années 1980), s'inscrit en réaction aux mutations profondes de l'Ouest, en particulier la décomposition du modèle de chrétienté comme l'a montré Yvon Tranvouez (La décomposition des chrétientés occidentales 1950-2010). L'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 est vécue comme un traumatisme d'autant plus fort qu'il succède aux victoires du PS dans l'Ouest lors des municipales de 1977. Le rejet du projet de loi Savary, qui est perçu comme l'application des propositions du « candidat » Mitterrand, permet en outre de retrouver une ligne commune dans l'enseignement privé dont une partie du personnel enseignant (CFDT) soutient le réformisme de la deuxième gauche".

Que reste-t-il, selon vous, de ce mouvement 30 ans plus tard ?

"Le succès des manifs de 84, surtout celle du 24 juin à Paris, constitue assurément une étape importante dans l'histoire de la Ve République. Le camp laïc, lui-même, a été contraint de s'y référer et sa mobilisation de 1993 contre la loi Bayrou se veut une réponse de masse et une imitation de forme. Il n'en reste pas moins que sur la question de l'école et du statut de l'école privée la loi Debré de 1959 est le cadre de référence jusqu'à aujourd'hui. Celui-ci revêt un aspect contractuel et négociateur qui est la norme des relations entre l'État et l'enseignement catholique. En 1984, les négociations n'ont jamais cessé. Il est intéressant de constater que lors des récentes manifestations contre le mariage pour tous, plusieurs dirigeants catholiques ont invoqué le souvenir de la période Mitterrand pour regretter l'absence de pourparlers directs avec François Hollande et son gouvernement. Il peut être intéressant de comparer les deux mobilisations".
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