La difficile position d'Yves Rocher dans l'affaire Navalny en Russie

Le groupe Breton s'était imposé comme un modèle de réussite français dans la Russie post-soviétique. Yves Rocher est aujourd'hui un nom associé à l'affaire qui a valu la condamnation de l'opposant au régime de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny.

Le siège du groupe Yves Rocher est à la Gacilly, dans le Morbihan, là où l'entreprise devenue multinationale a démarré. Et c'est bien loi de ce village breton, en Russie, que la marque française de cosmétique est au coeur d'une affaire politique.

Cela remonte au mois de décembre 2013. La direction d'Yves Rocher Vostok portait plainte contre une entreprise de transport, soupçonnée d'avoir détourné 26 millions de roubles (592 000 euros)  à ses dépens. A sa tête, les frères Navalny, le blogueur et militant Alexei, en prison depuis ce mardi 30 décembre, à l'issue de son procès.

Avec cette affaire, c'est aussi la mise sous les verrous du principal opposant au régime de Vladimir Poutine. Et depuis un an, ses partisans appellent au boycott des produits Yves Rocher, qui aura été présente de bout en bout dans les débats de ce procès très controversé.

Les partisans de M. Navalny, particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, se déchaînent sur la page Facebook de la marque: "Brûlez en enfer", "monstres", "que votre entrepôt brûle", voire en français: "Je vous souhaite de faire faillite le plus vite possible".


Victime dans une affaire dont les implications la dépasse? Manipulée par les autorités? Soucieuse de plaire aux au pouvoir dans un marché clé? "Pas de commentaire", s'est contenté de réagir un porte-parole de la société familiale bretonne après l'annonce de la décision du tribunal de Moscou.

Dans cette affaire, la société marche sur des oeufs. Elle jure ne pas être à l'origine de la procédure et n'avoir déposé plainte que pour défendre ses intérêts et avoir accès au dossier lorsque les enquêteurs russes ont commencé à s'interroger en 2012 sur le contrat la liant à la société de transport des frères Navalny, Glavpodpiska, soupçonnée de surfacturation. Elle a d'ailleurs finalement retiré sa plainte après avoir constaté que les tarifs pratiqués étaient bien compétitifs et qu'elle n'avait pas subi de "dommages". Mais elle "s'interroge", selon un porte-parole début décembre, sur certains témoignages qui indiquent que la Poste russe (où Oleg Navalny disposait de responsabilités) aurait pu augmenter ses capacités localement, permettant à l'entreprise de se passer d'un prestataire privé.

L'enjeu est considérable pour Yves Rocher. La Russie représente son deuxième marché après la France et sa filiale en Europe de l'Est compte pour 15% de son chiffre d'affaires (plus de deux milliards d'euros). 


Appels au boycott 

Longtemps silencieuse, l'entreprise a défendu sa version après l'apparition d'appels au boycott très virulents lancés par des militants de l'opposition russe dès début 2013 via des groupes sur les réseaux sociaux. "Ne pensez-vous pas prêter la main à une entreprise de déstabilisation d'un opposant notoire?" interpelait alors Alexis Prokopiev, président de l'association française Russie-Libertés, dans une lettre ouverte publiée par le site Mediapart.

Le traducteur réputé de littérature russe, le Rennais André Markowicz a jugé mardi sur Facebook "évident que le piège dans lequel sont tombés les frères Navalny a été organisé par Poutine avec l'accord, actif ou du moins passif, d'une entreprise dont les intérêts stratégiques impliquent de favoriser (...) l'instauration ou la consolidation de pouvoirs qui jugulent toute opposition, politique et sociale.".


Le PDG d'Yves Rocher Vostok, Bruno Leproux, a depuis quitté l'entreprise.

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