Le Mont-Saint-Michel a beau attirer plus de deux millions de touristes par an, la restauration de son caractère maritime peine à trouver des financements: un bras de fer est engagé entre Etat et collectivités, en désaccord sur leurs contributions respectives.
Le gouvernement s'est "réjoui" de la création au 1er janvier d'un établissement public national à caractère industriel et commercial (Epic) pour le monument le plus visité de France hors Paris, annoncé il y a plus de deux ans. L'Epic, où l'Etat disposera de la majorité des sièges, doit marier l'abbaye, gérée par l'Etat, et les infrastructures gérées par les collectivités : un barrage et les navettes transportant les touristes de la côte jusqu'au rocher depuis la suppression du parking au pied du Mont. Mais selon le sénateur LR Philippe Bas, interrogé par l'AFP, "pour l'instant, c'est une coquille vide".
L'Etat a certes annoncé qu'il allait "quasi tripler" à 2,8 millions d'euros sa contribution versée au syndicat mixte (Normandie, Bretagne et département de la Manche) dont l'Epic doit prendre le relais. Mais "à partir de 2020 il est demandé aux trois collectivités" de porter leurs efforts annuels de 0,4 à 0,6 million pour participer au financement du "futur déficit structurel" lié à l'entretien du caractère maritime du Mont (5 millions sur les 5 ans à venir), selon Christophe Beaux le préfigurateur de l'Epic chargé de dessiner son budget. "Nos collectivités n'accepteront pas que la constitution de l'Epic (..) conduise à un accroissement de leur effort financier", ont averti dans un courrier envoyé le 26 décembre à Matignon les présidents des trois collectivités.
Pour que l'Epic devienne une réalité, il faut d'abord que les collectivités dissolvent le syndicat mixte. "Pour l'instant, je ne dissous rien du tout", assure à l'AFP l'ancien ministre Hervé Morin (Les Centristes), président de la Normandie et du syndicat mixte.
"Vache à lait" des monuments nationaux
M. Beaux a prévu un plan B : une contribution constante des collectivités mais pour un budget global qui passerait de 6,5 millions dans la première hypothèse à 5,3 dans la seconde. Dans les deux cas, l'Etat continue à financer le barrage qui, par ses lâchers d'eau, chasse les sédiments autour du Mont, pour que l'eau puisse l'entourer aux grandes marées.
Et l'abbaye met 1,7 million (sur ses 6 millions de bénéfice net), une première car elle ne verse rien jusqu'à présent. Une somme que les collectivités jugent "marginale" eu égard aux recettes annuelles de l'abbaye, d'autant qu'elle va être en grande partie absorbée, estiment-elles, par le budget sécurité. "C'est un début", assure à l'AFP Christophe Beaux, qui le 1er janvier aura quitté le Mont classé par l'Unesco pour prendre la direction générale du Medef. Gestionnaire de l'abbaye, le centre des monuments nationaux (CMN) "n'a que trois ou quatre monuments qui remplissent les caisses sur la centaine qu'il gère", ajoute-t-il.
"Seule vache à lait du centre des monuments nationaux (...), le Mont voit ses perspectives obscurcies parce que les recettes servent à autre chose qu'à son développement", déplore Philippe Bas. Le Sénat avait adopté à l'unanimité en septembre un amendement afin qu'au moins la moitié du résultat d'exploitation de l'abbaye reste au Mont. Mais l'Assemblée nationale l'a supprimé.
Les différents scénarios ne valent que pour 2020. Ils incluent ainsi un million de reliquat de subvention qui ne sera plus là les années suivantes. De son côté, M. Morin attend 2022, la fin de la délégation de service public (DSP) des navettes, déficitaires, attribué en 2012 à Transdev, pour augmenter leurs tarifs de façon à "couvrir les dépenses", ce que ne permet pas la DSP actuelle.
Le prix du parking, qui inclut l'accès aux navettes mais pas à l'abbaye, est de 14 euros en haute saison (9 en basse). En 2012, il était de 8,50 euros en toute saison.