L’anguille est à nouveau présente dans les cours d’eau bretons où elle vient grandir. Les pêcheurs restent vigilants pour protéger ce poisson migrateur particulièrement vulnérable. Des opérations de comptage sont menées sur certains cours d’eau, comme sur le Gouessant.
L’espèce est fragile et a même failli disparaître. Mais aujourd’hui, l'anguille de Gouessant refait surface dans les cours d'eau bretons ! Le lieu est bucolique. Le barrage de Pont-Rolland est caché dans les arbres et la verdure, et à ses pieds, le Gouessant serpente au milieu des rochers.
Le barrage a été construit en 1937 à une époque où les préoccupations environnementales ne faisaient pas parties des priorités des autorités ou des citoyens, à une époque où le cours d’eau de toute façon regorgeait de poissons. Qui se souciait alors du sort des anguilles qui, bloquées par l’édifice ne pouvaient remonter le cours de la rivière pour aller grandir en amont, dans les eaux claires du Gouessant.
Il aura donc fallut attendre le début des années 2000 pour que pécheurs, écologistes et autorités s’inquiètent enfin du sort d’une espèce bel et bien menacée de disparition à grande échelle en raison de la surpêche, de la pollution, ou du réchauffement climatique. Sans compter un vilain virus qui décime 90% des poissons.
L’installation d’une passe-piège
En 2004, une passe-piège est installée au pied du barrage, en aval. Ainsi, les anguillettes qui arrivent jusque-là, attirées par le flux d’eau généré par le piège, se faufilent sans difficultés dans le tapis brosse avant de retomber dans la cuve, captives. Ne reste plus alors qu’à les récupérer, les compter et les relâcher en amont du barrage, dans la vaste étendue d’eau de 25 ha. C’est la mission que se sont donnés l’Association de pêche et de protection des milieux aquatiques de Lamballe, les gardes-pêches et de la Fédération de pêche alors que les anguilles avaient presque totalement disparu des rivères bretonnes.
L’opération se déroule trois fois par semaine entre mi-mai et mi-aout, alors que les toutes jeunes anguillettes (elles ont entre 6 mois et un an) viennent d’accomplir leur périlleux voyage depuis les Antilles, et plus précisément la mer des Sargasses où elles naissent toutes. Un périple de 4000 km et un voyage de deux ou trois mois, parfois plus que beaucoup de larves ne pourront mener à bien.
Les poissons vont ensuite passer entre 7 et 20 ans parfois (selon leur sexe, leur habitat, leur nourriture etc..) dans les cours d’eau bretons et européens, le temps de devenir adulte et d’atteindre leur maturité sexuelle. Puis elles reprendront le chemin des Tropiques pour aller pondre leurs œufs et mourir dans la mer des Sargasses. Un cycle biologique qui reste encore très mystérieux et que les scientifiques ne sont toujours pas parvenus à véritablement comprendre et expliquer.
Un résultat très positif
Depuis 2004, un million d’anguillettes ont ainsi été capturées dans la passe-piège de Pont-Rolland et remontées en amont du barrage. Une opération qui a permis de repeupler le cours d’eau. Aujourd’hui, les anguilles ont recolonisé toutes les rivières bretonnes. En 2012, on estimait leur nombre à 170 000 (soit 6% de la production française).
Pour autant, la pêche est interdite en rivière et la pêche des civelles (les jeunes larves) très sévèrement réglementée même si elles font régulièrement l’objet d’opérations de braconnage. Malgré les progrès, l’anguille européenne est considérée en danger critique d’extinction par l’Union Internationale de la Conservation de la Nature. Le stock est divisé par deux tous les cinq ans. Les scientifiques indiquent que la quantité actuelle de civelles ne représente plus que 10% des arrivées d’avant 80.