Jeanne, la couturière bretonne à qui l'on doit Brassens

Sous l'occupation à Paris, Georges Brassens cherche une planque pour échapper au STO. C'est Jeanne Le Bonniec, couturière bretonne du 14e arrondissement, qui lui ouvre sa porte. Cette rencontre va bouleverser sa vie. Et lui inspirer quelques unes de ses plus belles chansons.

Georges Brassens aurait eu 100 ans ce 22 octobre. Partout en France, les hommages, les concerts, se multiplient. A Sète évidemment, la ville natale, mais en Bretagne aussi, là où il avait pris l’habitude de faire escale dès la fin des années 50, et où il s’était même offert une maison, près de Paimpol, à Lézardrieux.

Si Brassens est un jour tombé amoureux de la région, on le doit à Jeanne Le Bonniec, enfant de Lanvollon dans les Côtes d'Armor, qui comme beaucoup de jeunes femmes monte sur Paris pour trouver du travail avant la guerre 14.

1944, Jeanne va planquer Brassens pour qu'il échappe au STO

Couturière de métier, Jeanne compte parmi ses clientes la tante de Brassens, Antoinette, chez qui son neveu s'installe après avoir quitté Sète, en 1940.

Dans la capitale, le jeune homme de 19 ans, est d'abord apprenti chez Renault. Et puis bientôt, après avoir goûté au STO, le Service du travail obligatoire en Allemagne, il choisit de déserter à l'occasion d'une permission à Paris.

Il lui faut alors trouver une planque, ailleurs que chez sa tante. Et c'est chez Jeanne qu'il va trouver refuge, impasse Florimont, dans le 14e arrondissement. 

 

 

"Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu..."

Dans ce coin pourri du pauvre Paris, dans ce taudis sans eau ni électricité, Jeanne et son mari Marcel vont offrir pendant des années à Georges le gîte et le couvert. Il vont l'encourager aussi, et lui permettre d’écrire ses premières chansons : "J’étais bien là, chez Jeanne" racontait Brassens. "On avait une espèce de vie de bohème. On vivait de peu, en marge des modes, des grands évènements. C’était un îlot où je me trouvais bien."

Une histoire improbable dont Brassens va tirer deux de ses plus belles chansons, deux hymnes à la solidarité et l'hospitalité. La première en 1954 pour Marcel. Ce sera l'Auvergnat. Et puis une autre en 1962, Jeanne

"Chez Jeanne, la Jeanne,
Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu,
On pourrait l'appeler l'auberge du Bon Dieu
S'il n'en existait déjà une,
La dernière où l'on peut entrer
Sans frapper, sans montrer patte blanche...
Chez Jeanne, la Jeanne,
On est n'importe qui, on vient n'importe quand,
Et comme par miracle, par enchantement,
On fait partie de la famille
Dans son coeur, en s'poussant un peu,
Reste encore une petite place...
La Jeanne, la Jeanne..."

 

 

"Jeanne l'a logé, nourri, blanchi". Et peut-être un peu plus si affinités  

Entre Georges et la Jeanne, il y avait 30 ans d'écart, mais leur histoire dépassa dit-on la simple complicité, l'affection.

"Les mauvaises langues disent qu’elle s'est peut-être laissée apitoyer par ce beau jeune homme...", nous racontait en 2011 le neveu de Jeanne, Michel Le Bonniec. "Je ne veux pas savoir ce qu’il y a eu entre eux. Mais ce que je sais, c’est qu’elle l’a logé, nourri, blanchi pendant toute l’occupation. Et que cela, Brassens, ne pouvait pas l’oublier…"

22 ans chez la Jeanne

Quand dans les années 50, le succès arrive, Brassens choisit de rester fidèle à l'impasse Florimont, et à ceux qui l'ont soutenu.

Avec ses premiers cachets, il améliore l'ordinaire, installe un peu de confort dans l’oasis du 14e arrondissement. Qu'importe la célébrité, les trompettes de la renommée, il restera ici 22 ans, jusqu'en 1966. 

Le jour où Brassens a débarqué à Paimpol, en DS... 

En 1956, quand Jeanne se casse le col du fémur en voulant attraper un chat, et qu'elle décide de venir se requinquer en Bretagne, Georges fait le voyage de Paimpol.

"Un jour, on entend une voiture arriver à la maison", racontait Michel Le Bonniec. "Une belle DS, c'était l'époque des premières DS. Et le chauffeur ? Monsieur Brassens ! A ce moment-là, il était au sommet de sa gloire. A Paimpol, ça a fait du bruit dans le Landerneau !." 

Sous le charme de la région, Brassens va prendre l'habitude de venir de temps en temps sur Paimpol, et va même finir par s'acheter une maison, sur les bords du Trieux à Lézardrieux. "Il y a longtemps que je cherchais une maison en face de la mer", confiait-il en 1972. "Je me sens bien ici, je me sens chez moi, entouré d'amis. Et ça facilite l'inspiration". 

La "Jeanne" s'était amourachée de Brassens, Brassens allait s'amouracher de la Bretagne. A Lézardrieux, il viendra régulièrement se ressourcer jusqu'à sa mort en 1981. Quand il cassa sa pipe, le canard du coin titra : "Brassens a fait son trou dans l'eau". Quarante ans après, le trou dans l'eau ne s'est pas refermé. 

Retrouvez ici d'autres épisodes de la série "A travers chants", 20 chansons avec de la Bretagne dedans 

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