Attentat dans un lycée d'Arras. Les enseignants d'histoire se préparent à répondre aux questions de leurs élèves

Ce lundi 16 octobre marquera le retour en classe pour les élèves et les enseignants, après l'assassinat, vendredi à Arras, du professeur de français Dominique Bernard. Deux professeurs d'histoire-géographie bretons nous livrent leur émotion, leurs interrogations et nous expliquent comment ils se préparent à répondre aux questions des élèves.

C'est alors qu'il était assis dans son canapé à Lannion (Côtes-d'Armor), devant son ordinateur, en train de regarder l'hommage rendu à Arras au professeur assassiné vendredi, que cet enseignant d'histoire-géographie au collège Charles Le Goffic nous reçoit.

Cet enseignant se dit très affecté par l'assassinat de Dominique Bernard, professeur de lettres de 57 ans et père de trois enfants. Il sait qu'il aura à expliquer à ses élèves ce qu'il s'est passé.

J'en ai les larmes aux yeux, je me sens directement touché.

Régis (prénom d'emprunt),

enseignant d'histoire-géographie dans un collège de Lannion

"Comme tous les enseignants, je suis glacé par ce qui s'est passé vendredi, comme ça avait été le cas après l'assassinat de Samuel Paty. J'en ai les larmes aux yeux et je me sens directement touché. D'autres collègues avec lesquels j'ai échangé depuis vendredi ont ce sentiment" explique-t-il.

Face à l'horreur de ce qui s'est passé à Arras, l'enseignant reconnait l'importance d'en parler entre profs puis aux élèves : "Il va y avoir forcément de la solidarité entre collègues et la volonté de faire bloc face à cette situation et aux risques que l'on peut ressentir. Il va falloir expliquer ce qui s'est passé factuellement pour éviter que des rumeurs circulent et puis essayer d'apaiser les choses avec les élèves sur cette situation et les risques relativement minimes encourus malgré tout dans chaque établissement".

Un temps d'échange de deux heures au sein de la communauté éducative

C'est par sa messagerie professionnelle que ce professeur a été prévenu des modalités de cette journée de lundi : "Il y est annoncé que nous aurons deux heures d'échanges entre 8h et 10h, en invitant les parents à ne pas amener leurs enfants, mais il y a la nécessité de prendre en charge ceux qui viendraient malgré tout. Durant ces deux heures, on doit échanger sur la façon dont on s'organisera dans le temps qui suivra avant la minute de silence à 14 h".

Deux heures d'échange indispensables

Ces deux heures de temps d'échange sont nécessaires, mais pas suffisantes.

Régis (prénom d'emprunt),

enseignant d'histoire-géographie dans un collège de Lannion

"Ces deux heures sont nécessaires, mais pas suffisantes. C'est difficile de faire autrement dans le contexte, car à la fois, on ne peut pas reprendre les élèves en classe comme si de rien n'était et puis leur expliquer ce qui se passe pendant une semaine avant de faire une minute de silence. Procéder ainsi me semble la moins mauvaise solution. Ça permettra de tenir un discours commun auprès des élèves, leur expliquer ce qui s'est passé, leur donner des faits et pas ce qu'ils peuvent lire sur les réseaux sociaux qui est parfois complètement faux."

Prendre le temps d'expliquer la situation avec des faits

"Pour ce qui est du fond du conflit israëlo palestinien, qui n'est certainement pas sans lien avec l'assassinat du collègue, ça ne pourra se faire qu'au fur et à mesure de la semaine, car c'est une situation complexe en Israël et sur le territoire palestinien, et tous les collègues ne sont pas en capacité de le faire ; les professeurs d'histoire-géographie sont bien plus à même de faire ce travail d'explication."

Pour ce professeur d'histoire, ce temps d'échange, que la profession avait réclamé mais pas obtenu suite à l'assassinat de Samuel Paty, est primordial aussi pour la communauté éducative : "C'est essentiel pour avoir un débat collectif et sans doute apaiser les craintes de certains collègues. Car il peut y avoir des craintes légitimes. Le collègue qui a été assassiné, ce n'est pas un hasard, c'est en tant qu'autorité qu'il a été assassiné, autorité qu'incarnent les enseignants partout en France."

Dans le courant de la semaine, Régis (prénom d'emprunt), en coordination avec ses collègues du collège, va donc passer du temps à revenir sur le conflit israëlo palestinien en expliquant "l'histoire d'Israël, la création d'Israël, la diaspora, le génocide, la bande de Gaza, le Hamas ... et toutes les questions autour de la laïcité et du vivre ensemble...et même le droit de critiquer une religion".

Un manque de formation du corps professoral

Même s'il se sent mieux préparé en tant que professeur d'histoire-géographie, Régis* estime que la formation et la mise à jour des enseignants à ces questions d'actualité, dont le conflit israëlo palestinien, sont "réduits à portion congrue".

La nécessité de plus de temps pour parler de laïcité

Fabienne Portanguen, enseignante d'histoire-géographie au lycée Bréquigny à Rennes, est, elle aussi, bouleversée par le drame d'Arras et "effrayée de voir que l'on peut mourir au travail pour le métier que l'on fait"

J'ai beaucoup de mal à me préparer toute seule à répondre au mieux aux interrogations à venir des élèves.

Fabienne Portanguen,

enseignante d'histoire-géographie au lycée Bréquigny à Rennes

Concernant le retour au lycée ce lundi 16 octobre, elle reconnait "qu'elle a beaucoup de mal" à préparer "toute seule" ce qu'elle va dire à ses élèves. Elle multiplie ce week-end les coups de fil à ses collègues. 

Face aux questions des élèves "qui vont les interroger sur ce qui s'est passé, comme après la mort de Samuel Paty", elle ne se voit pas reprendre le cours classique de son programme. De nombreuses questions la taraudent sur la manière de revenir sur le rôle des réseaux sociaux ou encore sur les questions en lien avec l'assassinat de Samuel Paty, il y a trois ans.

Même si parler de laïcité, des valeurs de la République, du rôle de la constitution, de la liberté d'expression, de l'importance du débat démocratique, lui semble une évidence, elle s'interroge encore sur comment répondre dès lundi à toutes les interrogations légitimes des jeunes. 

Elle met l'accent sur le fait que les temps d'enseignement dédiés à l'éducation civique et à toutes ces questions fondamentales, ne sont pas suffisants actuellement. Et ceci, même si des cours spécifiques y sont consacrés. Des cours trop peu nombreux qui ne permettent pas de "débattre suffisamment et d'échanger vraiment et donc de défendre les valeurs de la République avec les élèves".

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Fabienne Portanguen, professeur d'histoire-géographie à Rennes, regrette que les cours d'éducation civique ne soient pas assez nombreux. ©Maëlle Kerguénou - Jean-Michel Piron / FTV

Ce lundi, de 8h à 10h, dans tous les collèges et lycées de France, les enseignants se réuniront donc avant une minute de silence à 14h.

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