Justice. Les trois arbres centenaires de Lannion devront être abattus pour laisser passer les soucoupes flottantes d'Anthénéa

La juge des référés du tribunal administratif de Rennes a finalement débouté les associations Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre et Plestin Environnement, qui voulaient faire suspendre en urgence l'arrêté préfectoral qui avait autorisé le 3 octobre 2022 l'abattage de trois "malheureux" platanes à Lannion.

La justice valide le "nécessaire" abattage, à Lannion, des trois platanes qui empêchent la sortie des "soucoupes flottantes" d'Anthénéa. La juge des référés du tribunal administratif de Rennes a donc finalement débouté les associations Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre et Plestin Environnement, qui voulaient faire suspendre en urgence l'arrêté préfectoral qui avait autorisé le 3 octobre 2022 l'abattage de trois "malheureux" platanes à Lannion (Côtes-d'Armor).

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"Ces trois arbres centenaires du quai du Maréchal-Foch vont être sacrifiés pour permettre la sortie des soucoupes flottantes de l'usine Anthénéa", avait pourtant rappelé à l'audience le président de Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre.

Des platanes très riches en biodiversité

Or, ces platanes d'une circonférence de 1,80 mètre sont "très riches en biodiversité" et "font partie du patrimoine" local. "On peut imaginer que Charles Le Goffic s'est promené le long de ces quais et les a vus pousser", avait insisté Yves-Marie Le Lay à propos du poète (1863-1932) originaire de Lannion.

Protection des alignements d'arbres

Leur abattage est aussi contraire à la protection des "alignements" d'arbres, selon les deux associations, même si la préfecture retient qu'ils se trouvent "en bout d'alignement" et qu'il n'y aura donc "pas de trouée" dans la perspective.

"Faire le moins de dommages possibles"

Les requérantes estimaient encore que l'abattage de ces platanes aurait dû être pris en compte dès le stade du permis de construire : Lannion-Trégor Communauté (LTC) a construit cette usine "aux frais du contribuable" pour "4 millions d'euros" et son locataire Anthénéa parlait "dès le début" d'en sortir une "suite hôtelière éco-luxe flottante". "Il aurait peut-être fallu disposer les bâtiments différemment pour faire le moins de dommages possibles", avait suggéré Yves-Marie Le Lay.

 "Le port de Lannion n'est pas le port du Havre"

Le président de Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre avait aussi rappelé que "le port de Lannion n'est pas le port du Havre". "On ne sait pas si les quais seront assez solides pour supporter la grue qui va transporter ces soucoupes de huit mètres de large", avait-il reformulé. "On ne nous apporte pas non plus la preuve que l'estuaire du Léguer est navigable."

Une livraison en 2023 pour le Sultanat d'Oman  

"Tout le monde à Lannion savait qu'une soucoupe allait sortir le 5 octobre pour être exposée au Qatar pour l'événement sportif que l'on sait [la Coupe du monde de football, ndlr]", avait rappelé pour sa part Brigitte Debreu Milon, adhérente de Plestin Environnement et présidente de l'association Sauvons les Arbres. "Mais le Qatar a finalement renoncé, et Anthénéa envisage désormais une possible livraison au sultanat d'Oman en 2023. Une sacrée urgence !", avait-elle ironisé.

 L'abattage d'autres arbres est probable 

A l'en croire, le maire de Lannion, Paul Le Bihan "se demande" même aujourd'hui si Jacques-Antoine Cesbron, le patron de l'usine Anthénéa, "ne raconte pas des histoires depuis des mois et des mois". "Il refuse que les journalistes entrent dans l'établissement, refuse de payer sa taxe foncière de 35.000 € et les 14.000 € nécessaires au replantage des dix arbres prévus en compensation des trois platanes abattus", avait-elle fait remarquer à la juge des référés du tribunal administratif.

La magistrate s'était d'ailleurs demandée à voix haute pourquoi la ville de Lannion n'était ni présente ni représentée par un avocat à son audience. "Elle était prise par les délais", croyait savoir le représentant du préfet des Côtes-d'Armor.

La ville n'a au final même "pas produit de mémoire" dans cette instance alors que la requête lui a pourtant bien été adressée, constate la juge dans son ordonnance en date du 25 novembre 2022 qui vient d'être rendue publique.

Doutes sur la navigabilité du Léguer

"Sauvegarde du Trégor (...) et Plestin Environnement (...) soutiennent qu'il n'est pas justifié de la réalité d'un projet d'aménagement (...), [et] qu'il ressort de la notice élaborée par la ville de Lannion qu'il soit nécessaire d'abattre d'autres arbres", relève-t-elle par ailleurs sur le fond du dossier. La juge rennaise fait aussi état du "doute" des deux associations de défense de l'environnement sur la "pertinence des mesures de compensation" et sur la "navigabilité" du Léguer.

Des études de stabilité rassurantes pour le quai à sable 

Reste que si le code de l'environnement "a posé un principe général de protection des allées et alignements d'arbres", il a "toutefois prévu des dérogations (...) conditionnées par la mise en oeuvre de mesures compensatoires de préférence locales". En l'occurrence, Anthénéa est censée replanter à ses frais dix arbres aux abords de l'usine, soit un coût de 14.000 €.

"L'usine (...) a pour activité la fabrication (...) d'alcôves flottantes aménagées pour un besoin d'habitation", poursuit la magistrate rennaise. "Pour la livraison, (...) Anthénéa a prévu d'utiliser le quai à sable de Loguilvy-lès-Lannion, situé à 1.600 mètres de son usine, dont la structure (...) permet d'accepter sans travaux les charges de grue induites par leur chargement." Des "études de stabilité" ont en effet été faites en ce sens, écrit la juge des référés dans son ordonnance.

Elargissement de la chaussée à la sortie de l'usine

"Toutefois ces unités flottantes, d'un diamètre de 9,43 mètres, ne peuvent emprunter le réseau routier sans la réalisation de certains travaux", constate-t-elle. "A ces travaux s'avérant nécessaires, figure un élargissement de la chaussée à la sortie de l'usine (...), élargissement supposant l'abattage de trois arbres situés en bout de deux alignements." "Cette opération (...) doit ainsi être regardée comme nécessaire à un projet de travaux et d'aménagement", en déduit la magistrate.

"L'arrêté (...) a en outre prévu (...) la plantation de dix nouveaux arbres aux abords immédiats de l'entreprise (...), et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que d'autres abattages (...) seraient nécessaires", conclut-elle. "Aucun des autres moyens (...) n'est davantage, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté."

 Anthénéa reste extérieur aux débats

Cette "légalité" sera désormais réexaminée par le même tribunal administratif de Rennes sur le fond, mais pas avant dix-huit mois à deux ans et par le biais cette fois-ci d'une formation collégiale de trois juges.

La juge des référés n'a au final pas invité le fabricant de "soucoupes flottantes" de Lannion à se joindre aux débats, comme elle l'avait pourtant un temps envisagé au cours de l'audience.

10 arbres replantés en guide de compensation ?

"S'il le faut, j'appellerai Anthénéa à la cause : j'ai vu qu'elle ne voulait pas payer", avait-elle dit à propos des déclarations de Jacques-Antoine Cesbron dans la presse sur son intention de ne pas payer les 14.000 € liés au replantage des dix arbres prévus en guise de "compensation".

Balance des intérêts

L'ordonnance de la juge est donc un soulagement pour la préfecture des Côtes-d'Armor : son représentant l'avait appelée à l'audience à bien faire la "balance des intérêts" en jeu dans ce dossier, entre ces trois platanes et "une entreprise novatrice" qui doit "finaliser ses produits" et avoir "accès au Léguer" pour les exporter.

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