Fragile et condamnée, la petite île Molène dans les Côtes d'Armor va disparaître sous les flots d'ici quelques décennies. Victime du dérèglement climatique, elle subit l'assaut des tempêtes et l'inexorable montée des eaux. Odile Guérin, géologue, observe depuis 60 ans cette érosion galopante.
Face à la montée des eaux et aux tempêtes, l'île Molène, petit banc de sable du Trégor (à ne pas confondre avec Molène dans le Finistère), vit ses dernières décennies. Le verdict est sans appel : cette îlot disparaîtra sous les flots avant la fin du siècle. Odile Guérin, géologue, observe son agonie depuis plus de soixante ans.
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"Cette île va disparaître de notre vivant"
Odile Guérin avance pieds nus sur Molène, minuscule étendue de sable au large de Trébeurden, dans les Côtes-d'Armor. "Cette île va disparaître de notre vivant, engloutie sous les vagues", déclare-t-elle, résignée. Depuis des décennies, elle observe de près les transformations de cette île dunaire, symbole frappant de la fragilité des côtes bretonnes face au changement climatique.
"La fin de Molène a déjà commencé", avertit la géologue. Les tempêtes, la montée du niveau de la mer, et l'érosion marine auront raison de ce fragile banc de sable. Tout se conjugue pour précipiter la disparition de l'île.
"Les vagues grignotent petit à petit la dune. Une brèche s’est ouverte en 2018, coupant l’île en deux. Depuis, la mer passe par là à chaque tempête", décrit-elle en pointant du doigt la cicatrice béante.
Un témoin de l'érosion
C’est en 1958, lors d'un pique-nique avec un voisin pêcheur, qu'Odile découvre pour la première fois Molène. L'île semble alors intacte, mais elle remarque vite les premiers signes d’érosion. Fascinée, elle se lance dans des études de géologie pour comprendre ce phénomène.
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Depuis, elle observe inlassablement les dégâts causés par la mer. En tant que scientifique, elle a suivi l’évolution de l’île depuis 1968, documentant chaque mètre perdu face à l'assaut des éléments. "En six ans, l’île a reculé de 40 mètres. Elle en perd 15 mètres d’un coup dès qu'une tempête importante frappe avec un fort coefficient de marée", explique-t-elle. Avec la montée des eaux et l'intensification des tempêtes, la disparition semble inéluctable.
Une île sous la menace des tempêtes
Molène, fragile île dunaire, est l'une des premières îles bretonnes à subir de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique. Les tempêtes, plus fréquentes et violentes, la rongent à chaque passage. "Lors de la tempête Ciarán, en 2023, nous avons eu de la chance : le coefficient de marée était relativement bas, à 71. Mais la même tempête avec un fort coefficient aurait fait des ravages. La dune aurait pu disparaître en une nuit", déclare Odile Guérin.
L'île n'a plus que quelques décennies devant elle. "Je ne peux pas donner de date précise, mais il suffit d'une tempête avec des conditions extrêmes pour accélérer brutalement sa disparition", souligne la géologue. Chaque coup de vent rapproche un peu plus l'île de son effacement total.
Molène : une fin inéluctable
Les habitants, autrefois sceptiques, ont fini par accepter l’évidence."Au début, quand je disais que l’île allait disparaître, on se moquait de moi. Maintenant, ils le voient de leurs propres yeux. Ils savent que Molène est condamnée", constate Odile Guérin. Face à l'érosion galopante, peu de solutions existent. "La seule chose que l'on peut encore faire, c’est interdire l’accès à la dune pour ralentir un peu le processus. Mais cela ne changera rien à long terme", admet-elle avec amertume.
Avant on se moquait de moi. Maintenant, ils voient sa dispariton s'accélérer de leurs propres yeux.
Odile GuérinGéologue
L'île Molène, petit joyau du littoral breton, vit ses dernières années. "Elle sera la première à disparaître, parce qu’elle est petite, faite de sable, et sans défense face aux éléments", conclut Odile Guérin, les pieds dans le sable granuleux qui la lie à cette île depuis plus de soixante ans.
L'île Molène, autrefois lieu de pique-nique et de balades, devient aujourd'hui un triste rappel de la vulnérabilité du littoral.
Un témoignage au cœur du reportage
Cette rencontre avec Odile Guérin s'inscrit dans le cadre d'une émission spéciale réalisée par Anthony Masteau, consacré à l'après tempête Ciarán en Bretagne qui sera diffusé ce samedi 2 novembre à midi sur France 3. Aux côtés de trois autres grands témoins, Odile revient sur les dégâts causés par cette tempête dévastatrice. Si Molène a été épargnée en 2023 grâce à un faible coefficient de marée, les effets du dérèglement climatique sur le littoral breton sont bien réels et annoncent une intensification des phénomènes climatiques à venir.