Saint-Brieuc, je t’aime moi non plus

C’est l’histoire d’une ville traversée par une nationale. Entre Rennes et Brest, encadrée par deux zones commerciales, un pont qui enjambe les vallées, une vue fugitive sur la mer, Saint-Brieuc est un passage vite avalé, une escale qui ne s’impose pas à l’esprit.

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Selon les derniers chiffres publiés par l’INSEE, la ville préfecture des Côtes d’Armor continue à perdre des habitants. La population municipale est ainsi passée de 46.178 habitants en 2007 à 44.372 en 2017. Soit une perte de plus de 1800 habitants en dix ans. Il semble bien loin le temps où la cité briochine dépassait la barre des 50.000.

Cette fuite de la population se fait au bénéfice d’autres communes de l’agglomération qui continue, elle, à progresser. Elle se double par ailleurs d’une fermeture des commerces en centre-ville. Le dernier baromètre publié par le Journal des Entreprises des Côtes d’Armor est une nouvelle fois sans appel. Il recense 244 magasins fermés en février 2020, contre 229 l’an dernier à la même période. "41,3% des pas-de-porte du centre-ville de Saint-Brieuc sont constatés vides en 2020 quand ce taux de mitage n’était que de 15,1% dix ans plus tôt. Ce pourcentage atteignait 38,5% en février 2019" constate Julien Uguet, le responsable de l’enquête.

Ces chiffres implacables tendent à brosser un portrait au noir de la ville de Saint-Brieuc. Et pourtant, il est possible de nuancer ce sombre tableau.


Un port d’attache attachant


Briochin de naissance, ingénieur de formation, Yves Hennequin, lui, a fait le choix de revenir dans sa ville voilà cinq ans. Sous le nom de Veloman, il est devenu coursier à vélo. Avec déjà 70.000 kilomètres au compteur, il a sillonné tous les quartiers. Nous le retrouvons dans le centre, Place Duguesclin, où depuis peu Saint-Brieuc s’affiche en toutes lettres. Un joli symbole pour "un lieu qui reprend vie". Pour lui, "c’était un carrefour qui avait été un peu déserté et qui aujourd’hui redevient un point de circulation important, et çà met en valeur le nom de la ville qu’on a peut-être un peu de mal à porter".

Au pied de ces lettres de deux mètres de hauteur, une ancre symbolise le port d’attache que peut représenter la ville pour certains. Un port d’attache vers lequel Yves Hennequin est donc revenu. Au fil de ses coups de pédale et de ses rencontres, il s’est d’ailleurs rendu compte que ce choix n’était pas isolé.

Je connais pas mal de gens venant d’autres régions, notamment de la région parisienne, et qui ont découvert ce coin par hasard, et qui se sont dits pourquoi on ne viendrait pas s’installer là parce qu’on va y être super bien.

 

 

Une ville sans gros égo


Ce discours positif est largement partagé par Christophe Gauffeny, architecte briochin, et directeur du CAUE, le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement. Avec en mémoire, le dernier classement de l’association des Villes et villages où il fait bon vivre… Dans ce classement publié en janvier dernier par le Journal du Dimanche, les Briochins occupent une belle trentième position. Il y a donc un vrai décalage entre la manière de vivre la ville et de la raconter.

Moi j’ai l’habitude de dire que la ville de Saint-Brieuc n’a pas un gros égo. Contrairement à d’autres villes, Brest, Nantes, qui se la racontent un petit peu, le Briochin ne se la raconte pas beaucoup à l’extérieur.

Et à force de la jouer modeste, cela rejaillit forcément sur la perception que peuvent en avoir les autres.

Saint-Brieuc est souvent lue et racontée comme une ville entre, comme si ce qui était important c’est les métropoles, Brest et Rennes, et nous on est entre, et çà suffit à nous définir.

 

Vivons heureux vivons cachés


A Saint-Brieuc, il faut donc savoir lire entre les lignes. C’est ce que fait Patrice Verdure, créateur du magazine culturel le Cri de l’Ormeau. A l’heure de la retraite, il vient de publier aux éditions La Gidouille un premier roman, "Le Semblant ou le Cri de la brioche". Dans ce texte sur lequel plane l’ombre de Louis Guilloux et où Saint-Brieuc est davantage qu’un décor, il clame son amour d’une cité où il vit depuis une vingtaine d’années. Avant d’y poser ses valises et ses stylos, il se souvient de vacances passées du côté de Paimpol où l’idée de venir faire un tour à Saint-Brieuc ne serait jamais venu à l’esprit de ses hôtes.

"Les plus mauvais défenseurs de Saint-Brieuc, c’est les Briochins de souche, parce que eux ils n’ont pas choisi d’y habiter, ils sont là de souche" explique-t’il.

Comme quoi, ce fameux problème d’égo sous-dimensionné est plus tenace qu’il n’y parait.

Les meilleurs défenseurs ce sont des gens comme moi qui sont venus à Saint-Brieuc par hasard, ou par une nomination ou autre, qui n’étaient pas obligés, et puis ils ont trouvé que c’était quand même pas mal et ils ont fait le choix d’y rester. Donc on est meilleurs défenseurs de Saint-Brieuc que les Briochins eux même.

Entre se sentir mal aimés et jouer les mal aimés, la frontière est parfois ténue. "Vivons heureux, vivons cachés", ce pourrait être une devise pour Saint-Brieuc. Et pourtant sous le pont de la RN12, le soleil brille aussi.
 
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