Quoi de plus efficace que de se replonger dans une époque pour mieux la comprendre ? C’est ce que propose depuis 1994 le musée de l’école de Bothoa à Saint-Nicolas du Pelem. Un musée associatif qui a investi une école construite dans les années 30 et fermée en 1977.
Dans cette école, la vie des écoliers d’avant guerre, de la salle de classe à la maison de l’institutrice, a été reconstituée. Pour les élèves en visite, l’illusion est saisissante, surtout qu’ils prennent place eux-mêmes derrière les pupitres qu’auraient pu occuper leurs aïeux.
Avant d'arriver à l'école, il faut marcher et parfois longtemps
Tout commence par une marche dans les chemins creux, étroits et boueux des environs pour accéder à cette ancienne école construite en 1930, dans ce hameau qui était alors un chef de canton. Une façon idéale pour se glisser dans la peau des élèves de l’époque qui se déplaçaient à pied, et même chaussés de sabots. Ce jour-là, les élèves de CM2 de l’école du Mené ne sont pas gâtés par la météo, et c’est sous une pluie persistante qu’ils parcourent les deux kilomètres prévus au programme… Thomas n’a pas tellement apprécié cet exercice, bien loin du confort qu’il connaît habituellement, probablement dans la voiture de ses parents. « J’ai pas trop aimé, parce que j’ai les chaussettes trempées ». « L’idée c’est de leur faire vivre au-delà des mots ce qui se passait à l’époque. Leur montrer concrètement que ce n’était pas simple et que c’était même une épreuve de venir à l’école » nous explique Cédric Binet, animateur du musée.
Le ton sévère de l'instituteur intimide les enfants
Un souci d’authenticité qu’il incarne lui-même en endossant la blouse grise de l’instituteur, et en empruntant son ton sévère, ses remontrances désagréables. « Là, c’est concret remarque Aurélie Longeard, l’enseignante de l’école du Mené, il joue merveilleusement son rôle et on s’y croirait ». A tel point que les élèves semblent pétrifiés derrière les pupitres. Rentrés en rang dans la classe, il leur a été intimé l’ordre de s’asseoir, de se taire et de croiser les bras. Et chacun s’est exécuté, craignant la punition. La journée commence, comme pour les grands-parents ou arrières grands-parents par la morale. « Je vais vous lire une histoire, nous en tirerons une phrase que vous répéterez, écrirez et apprendrez par cœur ».
Écriture à la plume et punitions
L’exercice suivant, c’est l’écriture à la plume. Démonstrations à l’appui et menaces de rigueur « on peut faire un pâté, un deuxième pourquoi pas, au troisième, on déchire et on recommence ». Dans la salle de classe chauffée par le poêle à charbon que remplit régulièrement le maître, les plumes et l’encre violette remplissent les lignes des feuilles. « Plus on s’éloigne du modèle, moins ton T majuscule n’y ressemble » Théo est invité à s’appliquer. L’un ou l’autre de ses camarades aura droit à un bon point... L’occasion d’expliquer qu’à l’époque, bien travailler à l’école n’implique aucune récompense à la maison, d’autant que les moyens familiaux ne permettent pas de gâter les enfants. En revanche, une punition à l’école est renouvelée le soir en famille. « Car le maître a toujours raison ». Et côté punition, certains instituteurs ont la main lourde, sévices ou humiliations sont fréquents. Rien qu’à l’évocation du coup de règle sur les doigts, des oreilles ou cheveux tirés, les enfants frémissent.
Décalage entre hier et aujourd'hui
« Ils ont été très impressionnés et étonnés du décalage qui existe entre ce qui se vivait à l’époque de leurs grands-parents et aujourd’hui. » précise leur enseignante. « C’est peut être exagéré ou pas, confirme Cédric Binet, bien sûr tous les maîtres n’étaient pas comme ça, mais on essaie de les plonger dans l’ambiance que ce soit au niveau du décor que des activités des classes de cette époque. Pour qu’ils sentent qu’on n’était pas dans la bienveillance qu’on demande aujourd’hui aux enseignants. » Et c’est plutôt réussi…La preuve, Cléa ne s’imagine pas vivre à l’époque de cette école d’autrefois :
confirme-t-elle… Pour prolonger cette découverte, elle pourra revenir en famille, pour vivre une dictée à la plume ou le passage du « certif » avec ses parents ou grands-parents par exemple, une bonne façon de partager des souvenirs entre générations…Je vais encore plus aimer l’école de maintenant
Collection riche de matériels scolaires
Le musée ne manque pas d’idées et d’initiatives originales pour faire vivre les collections très riches conservées avec précaution par Delphine Ricaud dans les combles des bâtiments. Des cartes murales, des dizaines de blouses, de sabots, de chaussures d’époques, du matériel scolaire, des manuels anciens et même des cahiers, le véritable trésor du musée. Il y en a environ 3000 régulièrement utilisés pour étoffer les expositions temporaires ou nourrir les réflexions des chercheurs. D’ailleurs, avis aux familles qui en possèderaient, le musée appelle aux dons de ces documents très riches.
École fermée en 1977
L’école de Bothoa a fermé en 1977 faute d’élèves, le musée lui, depuis 25 ans poursuit un travail de mémoire. « A l’époque, la volonté était de ne pas laisser mourir une école typique du milieu rural, qui avait sa salle de classe, son préau, la maison de l’institutrice, un ensemble épargné. » nous rappelle sa toute nouvelle directrice Isabelle Attard. Initié et porté à l’origine par un couple de passionné, les Sohier, ce patrimoine continue de vivre activement. La cour de l’école devrait encore longtemps résonner des rires d’enfants.
Le reportage à Saint-Nicolas-du-Pélem (22) de Nathalie Rossignol, Fabrice Leroy, Dominique Dallemagne et Hélène Notat Interviews : Thomas et Maëlie, élèves de CM2 école du Mené - Isabelle Attard , directrice musée de l'école de Bothoa - Delphine Ricaud, chargée des collections du musée - Anaïs, élève de CM2 école du Mené - Aurélie Longeard , enseignante CM2 école du Mené - Cédric Binet, animateur musée de l'école de Bothoa - Cléa, élève de CM2 école du Mené