C'est pour l'heure, unique en France : le tribunal administratif de Rennes a suspendu ce jeudi 1er octobre l'arrêté de la préfecture d'Ille-et-Vilaine imposant la fermeture des salles de sport de Rennes dans le cadre des mesures pour limiter la propagation du coronavirus.
Le juge des référés a ordonné la suspension de l'exécution de l'article 4 de l'arrêté de la préfète d'Ille-et-Vilaine. Ce dernier interdisait l'accueil du public dans les salles de sports et gymnases situés sur le territoire de Rennes Métropole jusqu'au 10 octobre 2020.
Suite à cet arrêté du 25 septembre, des gérants de salles de sports privées avait déposé un recours ce 30 septembre auprès du tribunal administratif.
Une victoire pour les salles de sport de Rennes
Des salles de sport et de fitness avaient perdu mercredi à Bordeaux, le premier de la quinzaine de procès lancés dans toute la France contre leur fermeture pour quinze jours dans certaines métropoles. D'autres entrepreneurs ont également été déboutées à Nice.
Alors ce jeudi matin à Rennes la satisfaction des commerçants était grande de voir le tribunal prendre une décision en leur faveur. Une décision qui suspend l'arrêté du 25 septembre de la préfète d'Ille-et-Vilaine et les autorise à réouvrir leurs établissements.
Les arguments sanitaires
À Rennes Métropole, le taux d'incidence du Covid-19 était de 155,56 cas pour 100.000 habitants ce 30 septembre contre 174,75 cas pour 100.000 habitant cinq jour avant. Un constat de lente stabilisation (on était à 34,2/100 000 h le 20 août) qui a pesé dans la décision du Tribunal administratif de Rennes, d'autant que selon les propriétaires de salles de fitness, rien n'indique que leurs établissements soit plus vecteurs de la transmission du virus que des salles de sport publiques, certains restaurants ou surtout des bars très fréquentés par les étudiants qui eux restent ouverts.Et les commerçants argumentent encore en stipulant que la plus grande part des abonnés des salles sont des adultes de 35 à 50 ans respectueux des gestes barrières et des protocoles sanitaires. Les abonnés des salles ont aussi rarement plus le 65 ans et se plient volontier à un protocole sanitaire plus exigeant et plus complexe que dans les salles culturelles avec un sens de circulation, une réduction de 50% des machines d'entrainement (systématiquement nettoyées), une zone de 5 m2 attribuée à chaque sportif et des distances minimales de 2 mètres entre les personnes. Les exploitants s'assurent que leurs adhérents utilisent le gel hydroalcoolique et font un suivi des entrées et sorties pour éventuellement retrouver des cas-contacts. Enfin les salles se sont équipées de centrales de traitement d’air purifiant et renouvelant l’air en permanence.
Maitre Émilie Marie, l'une des trois avocat(e)s des gérants de salles, avait durant l'audience accusé les pouvoirs publics de "faire peser sur les salles de sport un principe de précaution disproportionné".
Pour les avocats des salles de fitness de Rennes, la mesure de fermeture de l'arrêté de la préfecture, est donc disproportionnée et inappropriée. D'ailleurs aucun cas de cluster n’a été recensé dans les salles de sport privées. Les clusters identifiés concernent des clubs de rugby et de football; aucune donnée épidémiologique ne justifie donc la mesure de fermeture."La liste exhaustive des foyers de contamination recensés en Bretagne au 11 septembre 2020, en cours d'investigation ou maîtrisés, ne comporte aucun établissement de cette catégorie", note le juge des référés du tribunal administratif dans son ordonnance.
Il a estimé qu' "en l'état des données et informations soumises au tribunal, les salles privées de sport ne pouvaient pas être regardées comme des lieux de propagation active du virus Covid-19".
Le tribunal a ajouté que la mesure n'était pas "nécessaire et adaptée aux buts poursuivis" de lutte contre le virus.
Les arguments économiques et la liberté d'entreprendre
Pour les avocats des salles de fitness de la métropole de Rennes, l'arrêté préfectoral était une atteinte injustifiée à une liberté fondamentale, ce que reconnait le tribunal :
"La liberté d’entreprendre et la liberté du commerce et de l’industrie, qui en est une composante, constituent des libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative."
Le tribunal administratif de Rennes souligne que l'interdiction porte "une atteinte grave et immédiate à leur situation économique et financière, déjà impactée par la fermeture imposée durant le confinement", en particulier parce que l’arrêté en litige intervient à la période des adhésions ou de leur renouvellement. L'un des commerces requérant estime à 25 ou 30% sa perte de chiffre d'affaires pendant la période de confinement avant même cet arrêté préfectoral.
Le tribunal confirme aussi qu'il s'agit bien pour les commerçants d'une situation d'urgence : "Les sociétés requérantes soutiennent en outre, sans être utilement contestées par la préfète d’Ille-et-Vilaine, que les différentes mesures d’aide prévues par l’État pour compenser la perte de leur chiffre d’affaires ne seront pas suffisantes pour couvrir l’ensemble des charges fixes afférentes à l’exploitation de leurs établissements."
Pour l'heure, seules les salles de sport de la métropole rennaise ont obtenu gain de cause. Comme à Bordeaux, celles de Lille et Rouen ont été déboutées de leurs requêtes. Les salles de sport de Marseille attendent une décision ce vendredi matin.