Crédit Mutuel : un nouveau pas vers l'indépendance pour Arkéa

Le groupe Arkéa, qui rassemble les fédérations Bretagne, Sud-Ouest et Massif Central du Crédit Mutuel, a obtenu un large assentiment de ses caisses locales pour quitter l'ensemble mutualiste, mais une tâche ardue l'attend désormais : définir son organisation future. 

Sur quelque 330 caisses affiliées à Arkéa, 307 d'entre elles ont participé ces dernières semaines à un "vote d'orientation" qui s'est soldé par une large victoire des partisans de la scission: 290 caisses ont choisi la voie de l'indépendance, soit 94,5% des entités votantes, revendique mercredi la banque dans un communiqué. En Bretagne, 216 agences locales, sur 221, et plus de 95% des administrateurs, se sont prononcés pour l'indépendance. Arkéa en Bretagne compte plus de 3 000 salariés dont 2 200 au siège près de Brest.
Cette annonce d'un vote pour l'indépendance, constitue un énième rebondissement du conflit qui déchire depuis plusieurs années le Crédit Mutuel, l'un des trois groupes bancaires mutualistes français et poids lourd du secteur en France.

Les raisons de la scission

En cause ? une longue liste de différends qui oppose Arkéa et la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), son organe central, accusée par le premier de vouloir porter atteinte à son autonomie et de favoriser le CM11, l'entité dominante basée à Strasbourg qui rassemble 11 des 18 fédérations du groupe. Le conflit, qui se matérialisait jusqu'à présent par une multitude de procédures judiciaires devant les tribunaux, a pris un tour nouveau début janvier avec l'annonce par la direction d'Arkéa de son intention de divorcer du reste du groupe.

Un vote non reconnu par l'organe central du Crédit Mutuel

La CNCM a d'ores et déjà annoncé ne pas reconnaître les résultats du vote engagé par Arkéa, dénonçant tant le fond de la consultation que ses modalités pratiques. Sur ce dernier plan, elle rapporte notamment que le vote n'a quasiment jamais eu lieu à bulletin secret et estime que la longue période de la consultation a favorisé "manoeuvres et pressions"

Indépendance "irréversible" 


Des critiques toutefois balayées par Arkéa, qui dénonce de son côté un déni de démocratie de la part de la Confédération et assure avoir organisé le scrutin dans "un strict respect" de ses statuts. Et avec le large assentiment de ses caisses locales, Arkéa estime avoir le champ libre pour poursuivre ses projets, qui prévoient de parvenir à une "indépendance opérationnelle" en janvier 2020. "Le processus d'indépendance est engagé de façon irréversible et définitive", affirme le groupe sécessionniste dans un document interne qu'un journaliste de l'AFP a pu consulter.

Une première étape vers l'indépendance

Cette consultation n'était toutefois qu'une étape dans le processus de sortie et ouvre la voie à un nouveau chantier de taille: définir la forme du futur groupe, le sort des clients et sociétaires, et préciser toutes les conséquences commerciales, juridiques, prudentielles d'une sortie. Plusieurs mois de réflexion sont prévus et les caisses locales seront à nouveau consultées à l'automne sur la base d'un projet plus détaillé. Mais pour l'heure, la direction d'Arkéa n'a dévoilé aucun détail.

Arkéa devra renoncer à la marque Crédit Mutuel

Seule certitude, le futur groupe ne pourra pas être mutualiste, au sens du code monétaire et financier. Un tel scénario nécessiterait une modification de la loi, à laquelle le gouvernement a opposé jusqu'à présent une fin de non-recevoir. Autre certitude, Arkéa devra renoncer à l'usage de la marque Crédit Mutuel, après avoir perdu plusieurs actions en justice autour de cette question.

La forme coopérative conservée

Le schéma retenu "respectera naturellement notre forme coopérative (la détention du capital du groupe par les Caisses locales), nos règles de gouvernance (une personne, une voix), le principe de solidarité financière qui unit et protège les différentes parties prenantes du groupe", assure Arkéa dans un document interne consulté par l'AFP. Ce que confirme le gouvernement, interrogé à ce propos mardi 17 avril, par le député régionaliste du Morbihan, Paul Molac (voir encadré)

Le cas particulier des caisses du Massif Central 

Des incertitudes demeurent sur le cas des caisses de la fédération Massif Central. Depuis l'été 2017, cette fédération a décidé, sous l'égide d'un nouveau président, de rejoindre les rangs du CM11 et avait refusé de laisser ses caisses locales participer au vote d'Arkéa. Six d'entre elles ont toutefois bravé l'interdit en organisant un vote et toutes ont voté en faveur du projet de scission.

Bataille commerciale à l'horizon

Le conflit semble par conséquent loin de s'apaiser au sein du groupe mutualiste, d'autant qu'une autre bataille semble déjà se profiler, sur le terrain commercial cette fois. En cas de sortie d'Arkéa, "nous nous appuierons sur les caisses qui auront fait le choix de rester au Crédit Mutuel pour maintenir et réimplanter notre groupe mutualiste dans ces deux régions", c'est-à-dire en Bretagne et Sud-Ouest, a récemment mis en garde Pascal Durand, le directeur général de la CNCM.


Reportage au Relecq-Kerhuon (29) et à Hennebont (56) de Muriel Le Morvan et Florence Malésieux. Interviews : Jean-Pierre Denis, Président du groupe Arkea - Philippe Noguès, ancien député du Morbihan - Christelle Guern, déléguée du personnel CGT

Une manifestation des partisans de l'indépendance est prévue le 17 mai prochain à Paris.
Le député du Morbihan, Paul Molac a interrogé le Gouvernement sur la situation du Crédit Mutuel Arkéa
Paul Molac, ce mardi 17 avril, après avoir rappelé l’importance d’une banque territoriale investissant dans l’économie réelle de la région, relève un élément nouveau dans la réponse du Gouvernement. Il confirme pour la première fois publiquement que "le Gouvernement est également ferme sur un [autre] point : le nouvel établissement à constituer pourrait choisir, sous certaines conditions, de rester dans le secteur coopératif, avec les caractéristiques qui s’y attachent en termes de gouvernance et d’appartenance au monde de l’économie sociale et solidaire."

Bercy indique donc, à travers la réponse du secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics Olivier Dussopt, que le nouveau groupe bancaire Arkéa issu de la séparation d'avec le Crédit Mutuel pourra continuer à être une banque coopérative détenue par ses clients sociétaires (définition du mutualisme), et que le cadre législatif et règlementaire actuel le permet.

Cette solution, préconisée par le Gouvernement de la création d'un nouvel ensemble Arkéa détenu par ses clients sociétaires et appartenant au monde de l’Economie sociale et solidaire permet de répondre au souhait des pouvoirs publics d’une « sortie par le haut de la situation actuelle du Crédit Mutuel, c’est-à-dire une solution qui ne fragilise ni le groupe ni le secteur mutualiste dans son ensemble, et qui respecte les identités de chacun des sous-groupes ».


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