"Des Dauphins et des hommes": un documentaire sur les dauphins échoués et l'opposition entre Sea Sheperd et les pêcheurs

Depuis quelques années, l'ONG Sea Shepherd alerte à grand renfort d'images chocs, sur l'hécatombe de dauphins communs échoués sur les plages, due, selon elle à la surpêche. Au premier rang des accusés, les pêcheurs qui évoquent plutôt une prolifération récente de l'espèce. Le réalisateur Mathurin Peschet a mené l'enquête sur ce phénomène et l'évolution de l'image du dauphin.

Depuis le 1er décembre 2021, 474 cadavres de dauphins ont été retrouvés sur le littoral atlantique par le "réseau national échouages". 

Aujourd'hui, le dauphin est devenu le symbole d'un monde marin à préserver. Mais cela n'a pas toujours été le cas. 

La présence des dauphins dans les eaux littorales a été diversement interprétée par les populations maritimes au cours des siècles passés. A la fin du 19ème siècle, ces mammifères ont été dénoncés comme des fléaux pour la pêche. Leur chasse était donc préconisée par les communautés de patrons pêcheurs et personne ne s'intéressait alors à leur protection. 

Le réalisateur Mathurin Peschet a réalisé plusieurs films mettant en lien le rapport de l'homme à l'animal, à la fois dans le monde agricole et dans la pêche. Son film "Des dauphins et des hommes" réalisé pour la case documentaire de Littoral et co-produit par Aligal interroge à la fois l'ONG Sea sheperd mais aussi des scientifiques, des historiens, et des pêcheurs.

Le replay "Des dauphins et des hommes" c'est juste ici: 

 

4 questions à Mathurin Peschet

Comment et pourquoi s’être intéressé à cette situation qui oppose les pêcheurs à Sea Sheperd, autour des dauphins ?

Cela a commencé à la suite de la découverte d’un tag anti-pêcheur près de chez moi à Douarnenez. Il était affiché : « Marins-pêcheurs assassins, priez pour les dauphins".

J’ai été interpellé par cette image, assez violente. J’ai commencé à faire des recherches historiques et j’ai retrouvé des photos datant du début du 20ème siècle ou l’on voyait des pêcheurs posant fièrement avec des dauphins morts, tel « un trophée ». A l’époque, le dauphin était considéré comme un animal nuisible. Il détruisait les filets et était accusé de diminuer le stock de sardine en baie de Douarnenez par exemple. Des campagnes d’éradication, avec parfois l’appui de l’armée, étaient même organisées. Jusqu’au milieu des années 70, le dauphin était vendu sur les étals des poissonniers, notamment à l’ile d’Yeu où l’on a continué à le manger jusqu’à une époque assez récente.

Notre regard sur le dauphin a complètement basculé au début des années 80, et c’est justement ce changement qui m’intéresse. Dans le film, on voit à la fois ce qu’il se passe aujourd’hui et ce qu’il se passait il y a 100 ans. 

Plusieurs de vos films abordent cette question du rapport de l’homme à l’animal ou à la nature, dans le cas du dauphin, comment expliquer cette évolution ?

Différents paramètres sont à prendre en compte. Le changement est d’abord sociologique. Après la Seconde Guerre mondiale, il y a un nouveau type de population qui progressivement s’installe ou s'intéresse au littoral, loin du monde des pêcheurs et des paysans. Le sociologue Daniel Faget explique très bien ce phénomène

Dans les années 50, la généralisation des congés payés et de l’auto­mobile permettent à un plus grand nombre de gens de découvrir la mer. Chose inédite pour les contemporains, les dessous de celle-ci sont désormais observables grâce aux progrès de l’exploration sous-marine. Un deuxième monde inconnu s’ouvre alors, dans une planète dont les espaces émergés sont désormais entièrement explorés.

Daniel Faguet

Sociologue

Parallèlement, il y a un mouvement culturel qui né avec la sortie du film de Cousteau et Louis Malle « Le monde du silence », palme d'or à Cannes en 1956, et le livre de Robert Merle « Un animal doué de raison ». Le dauphin est un animal curieux, qui s’approche facilement des bateaux et des humains. Cela le rend forcément sympathique. Il est passé d’espèce « nuisible » à un totem de l’animal à protéger. 

Aujourd’hui, le dauphin est -il menacé par l’augmentation de ces captures dans les filets de pêcheurs?

Les captures accidentelles des dauphins concernent majoritairement, sur la zone Atlantique, l’espèce du dauphin commun qui jusqu’à présent n’est pas considérée comme étant en danger. Mais ces captures sont en réelle augmentation. 

Des scientifiques à l’institut Pélagis de la Rochelle, essayent de comprendre pourquoi il y a plus de dauphins dans les filets. Cela est surtout lié au déplacement des dauphins qui viennent désormais plus près des côtes et donc dans des zones de pêche. Les fileyeurs et les chantiers pélagiques sont en ligne de mire dans cette affaire. C’est la principale cible des associations comme Sea Sheperd.

Que réclament les associations comme Sea Sheperd ?  

Elle souhaite l’arrêt complet de la pêche dans certaines zones et à certaines périodes de l’année, ce qui n’est pas viable pour les pêcheurs. Reste qu’il est très difficile d’avoir des estimations précises sur le nombre de dauphins évoluant dans l’Atlantique nord. Depuis un an, les chalutiers sont obligés de mettre dans les filets des pinger, un répulsif acoustique pour éloigner les dauphins.  Selon les marins-pêcheurs, la méthode est efficace. Sea Sheperd se montre beaucoup plus critique et n’hésite pas à employer parfois la manière forte. L’association ne s’en cache pas, ce combat très médiatisé pour interdire la pêche, c’est aussi une façon de défendre l’idée d’un monde « vegan », l’idée d’un monde « vegan », moyen radical et ultime de sauver les océans selon Sea Sheperd.

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