Etre propulsé par la force du vent, quoi de plus écologique. Et pourtant, la majorité des voiliers qui participent aux courses au large sont polluants car non recyclables. Certains marins tentent de faire bouger les lignes. Le réalisateur Christophe Castagne est parti à leur rencontre. Entretien
Christophe Castagne est cadreur et réalisateur. Il évolue dans le monde de la course au large depuis plus de 25 ans. Embarqué comme médiaman sur des courses en équipage, réalisateur de nombreux films maritimes, il signe pour Littoral, le documentaire engagé "La longue route d'Arthur".
Pourquoi ce film?
J'aime et je travaille dans le monde de la voile depuis longtemps. J'ai filmé énormément de bateaux de courses et j'ai pu voir l'évolution ces 20 dernières années. A un moment donné, je me suis posé la même question que pour des tas d'autres choses dans la vie : quel sens cela peut-il encore avoir de chercher à aller encore plus vite et à quel prix avec ces bateaux de course?
Sous prétexte que la voile serait un sport "propre" avec l'utilisation du vent comme énergie principale pour faire avancer les bateaux, les coureurs, sponsors, fournisseurs divers et variés et gens de communication dont je fais partie oublient facilement que l'industrie nautique peut être très polluante.
Comment est née votre rencontre avec Arthur le Vaillant?
J'ai d'abord repéré Arthur sur les réseaux sociaux lorsqu'il a créé le collectif de réflexion "La vague" avec d'autres marins. J'ai trouvé sa démarche intéressante. J'ai ensuite eu l'occasion de passer du temps à ses côtés lors du tournage d'un film en lien avec ses activités artistiques. On a beaucoup parlé et j'ai compris qu'il cherchait vraiment à faire bouger les lignes. Je pense qu'il y a une vraie question générationnelle à ce problème. Pour ceux qui sont dans la course au large depuis 20 ou 30 ans, forcément, c'est plus compliqué d'imaginer changer le modèle.
Dans la longue route d'Arthur, il y a également les collisions avec les mamiféres marins qui sont évoqués, un sujet tabou?
Les bateaux vont de plus en plus vite. Sur chaque course, on entend parler de collisions avec des "OFNI" (objet flottant non identifié) qui stoppent les voiliers dans leur élan et contraignent le ou les marins à l'abandon. Derrière ces objets flottants il y a des pièces tombées des portes- conteneurs mais aussi beaucoup de baleines ou autres mamifères marins. Lorsqu'ils sont heurtés à grande vitesse par des appendices fins comme des rasoirs comme les foils, forcément les animaux sont blessés. C'est douloureux pour le navigateur qui est à la fois témoin de ce carnage et victime d'une avarie qui va le sortir de la course. Des initiatives et des recherches sont lancés pour trouver des solutions à cette problématique. De nombreux teams investissent pour mettre au point des systèmes de détection des baleines. Mais pour l'instant, on assiste toujours à ce type d'accident.
Votre constat après la réalisation de "La longue route d'Arthur?"
La route risque d'être longue mais il y a des tas de choses qui vont dans le bon sens. A l'image de Roland Jourdain et son bureau d'etude Kairos, Lalou Roucayrol qui construit un multicoque recyclable, Yannick Bestaven à l'origine d'hydrogénérateur... et il y a encore de nombreux autres exemples, la prise de conscience existe. Mais l'on a du mal à dépasser l'attrait pour la vitesse. Peut on imaginer des courses à la voile autrement? C'est la question que se pose Arthur le Vaillant.
On prend le risque sinon que dans 20 ou 30 ans, la prochaine génération se retournera sur l'époque en se disant: ils étaient complétement fous nos parents ! Et les folles machines qui carburent à 45 noeuds seront exposées dans des musées, comme le Concorde à Roissy.
Pour regardez le documentaire Littoral "La longue route d'Arthur", c'est ici: