Difficile pour les actifs, cette épidémie de Covid l'est aussi pour les personnes âgées qui résident en EHPAD. Tout particulièrement lorsqu'elles arrivent en fin de vie. Voici le témoignage d'une Bretonne qui estime que la fin de vie devrait ouvrir un droit de visite exceptionnel.
À l’approche des fêtes de fin d’année, nombreux sont ceux qui rêvent de retrouver leurs proches pour quelques moments en famille. Avec les anciens, ils sont prêt à multiplier les précautions pour y parvenir sans leur faire prendre de risque. Faute de certitudes, ils acceptent même de différer encore ces retrouvailles; un petit sacrifice plutôt que de jouer la vie des leurs à la roulette russe. Il est un cas cependant où l'enjeu peut mériter exception : la fin de vie.
Privés de visite et d'affection par précaution sanitaire
L'épidémie empêche les enfants de visiter leurs parents qui résident en EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), car ces établissements ne peuvent pas prendre le risque de contaminer toute une population fragilisée par l'âge. Situation encore plus difficile du point de vue des résidents qui n'ont d'autre horizon que le mur de leur chambre ou la télévision. En effet, réfectoires, couloirs et salons sont souvent interdits parce que les personnels eux-mêmes ne sont pas à l'abri de faire entrer le loup dans la bergerie.
Obtenir un droit de visite exceptionnel, en situation de fin de vie
Ce qui peut se comprendre pour tous ceux qui ont encore de beaux jours à vivre, devient discutable quand on n'a plus autre chose à espérer qu'une présence rassurante et un peu d'affection, avant d'être emporté par la mort. Un réconfort pour celui qui s'en va et aussi un élément de deuil pour la famille directe. Alors aujourd'hui, des enfants de résidents poussent carrément un coup de gueule.
C'est le cas de cette femme qui souhaite simplement témoigner des conséquences dramatiques que des précautions sanitaires trop strictes peuvent engendrer quand la mort approche. Elle n'a pas souhaité donner son nom, ni révéler l'établissement où réside son père, un EHPAD qui obéit aux mêmes règles que les autres en France. Elle veut simplement sensibiliser ses concitoyens et alerter le gouvernement.
D'emblée, au sortir de l'EHPAD, elle dénonce le caractère carcéral du parloir où elle vient de voir son père :
"Utiliser le terme de parloir et de droit de visite pour des résidents en Ehpad, moi ça m'a juste évoqué la prison. Je n'y ai jamais mis les pieds, mais pour autant on se dit : Ben zut alors… on les a enfermés là, pendant 2 mois!
On se demande ce qu'il a fait pour mériter ça, vraiment... C'est quelqu'un qui a été honnête toute sa vie, il a travaillé toute sa vie: résultat... non quoi, enfin! Ce n'est pas acceptable. Une visite de 30 minutes maximum par semaine avec des vitres et une distance de sécurité très maximale… au point qu’on utilise des micros pour se parler!"
Des micros pour parler à un père qui donne des signes d'apathie ; peu de réaction et le silence en retour :
"Papa n'entend pas bien et ne voit pas bien et il est vraiment grabataire. Il n'a rien vu de l'autre côté de la vitre, voilà ! Il a bien entendu des choses il nous a semblé à certains moments, le temps de la visite. Pour autant notre présence n'était pas réelle. Je ne sais même pas [...] si il a eu la conscience à un moment, qu'on était là quoi! Qu’on était à côté de lui…"
Les EHPAD sont des établissements médicalisés, normalement dotés de moyens pour les derniers stades de la vies.
"Est-ce que les moyens qu'on donne à droite à gauche, est-ce qu'il ne faut pas aussi les déployer dans les EHPAD? Il faut vraiment se poser les bonnes questions.
Ça suffit ! il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités et ne laisse plus nos aînés tout seul dans leur coin, et mourir seul."
À ce stade on comprend que la communication tactile serait un réconfort partagé, qu'elle voudrait lui tenir la main, peut-être le prendre dans ses bras.
"Vaut mieux qu'il meurt entouré, tant pis: on fait des gros câlins... mais c'est la vraie vie. Quel goût peut-elle avoir la vie quand on reste dans sa chambre toute la journée?
Il vaut peut-être mieux mourir avec le Covid mais mourir entouré que d'être délaissé comme ça…"