Les laboratoires Servier et l'Agence du médicament sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris dans l'affaire du Mediator. La pneumologue Irène Frachon qui avait lancé l'alerte estime qu'il était temps alors "que les victimes du crime industriel de Servier continuent à mourir."
Le combat a commencé il y a 10 ans et l'affaire a "éclaté en 2010" rappelle Irène Frachon. La pneumologue de Brest réagit suite à l'annonce du renvoi devant la justice des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament dans l'affaire du Mediator. "Les victimes du crime industriel de Servier continuent à mourir des effets du Mediator" souligne t-elle.Si procès il y a "enfin" dit-elle, elle en espère deux choses : que cela mette un terme aux "activités d'un soi-disant laboratoire pharmaceutique, avec une condamnation exemplaire"."Il faudra aussi revenir à des conditions pour assurer une sécurité sanitaire en France, et résoudre les conflits d'intérêts entre les industries et les expertises."
Entretien par O. Hue
La perspective d'un grand procès
Après six années de batailles procédurales, la perspective d'un grand procès se rapproche dans le scandale sanitaire du Mediator. S'il a lieu, il se tiendrait en l'absence du principal protagoniste, Jacques Servier, fondateur des laboratoires, mort en 2014 à 92 ans.
Conformément aux réquisitions du parquet de Paris, les juges d'instruction ont ordonné le 30 août le renvoi en correctionnelle du groupe pharmaceutique pour "tromperie aggravée, escroquerie, blessures et homicides involontaires et trafic d'influence", a indiqué cette source. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est également renvoyée devant le tribunal pour "blessures et homicides involontaires". Au total, le parquet avait demandé un procès pour onze personnes morales et quatorze personnes physiques dans son réquisitoire du 24 mai.
Les Laboratoires Servier ont dénoncé dans un communiqué une instruction "tronquée". "L'action de l'Agence du médicament, de ses hauts fonctionnaires et de sa tutelle ministérielle a été occultée, alors que le Mediator était sous enquête nationale de pharmacovigilance de 1995 jusqu'en 2009", ont déclaré les laboratoires.
Retiré du marché
Prescrit pendant plus de 30 ans à cinq millions de personnes en France, le Mediator, un antidiabétique largement détourné comme coupe-faim, a été retiré du marché en novembre 2009. Dans son réquisitoire de près de 600 pages, le parquet estimait que les laboratoires avaient mis en place une "stratégie" pour dissimuler son caractère anorexigène et n'avaient pas signalé les risques d'hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare incurable, et ceux de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) qui lui étaient imputables.
Le parquet, en se basant sur la dernière expertise judiciaire, avait chiffré entre 1.520 et 2.100 le nombre de décès à long terme causés par le Mediator.