Réédition de "Boire", son premier album. Sortie de "Falaises !", en duo avec Mirabelle Gilis. Tournée générale qui commencera à Brest le 24 septembre... Miossec trimballe des "chansons qui laissent des traces" depuis vingt-cinq ans. Rencontre avec un Brestois de la rive droite.
Brest. La rade, le port. « Le vent dans la rue Jean Jaurès ». Et le Vauban que Miossec choisit pour cet entretien. Nous aurions pu aussi nous retrouver pour une balade entre les cabanes colorées des pêcheurs de Maison-Blanche qu’il affectionne tout autant, la mer et le vent en pleine face, mais le chanteur est au Vauban comme chez lui. La chaleur familière de ce café-concert-hôtel du bout du monde, sur lequel veille la silhouette non moins familière de Charles, est un bon endroit pour une rencontre.
Uppercut
« On s’installe là ? ». Oui, mettons-nous à table, en terrasse tant qu'à faire puisque, ce jour-là, la ville s'est débarrassée de sa grisaille. Deux cafés et allons-y. Parlons de ces vingt-cinq années dans la carrière, de ce mini-album « Falaises ! » enregistré pendant le confinement avec Mirabelle Gilis et de cette tournée qui va débuter à Brest (même), sur la scène du Quartz (les 24, 25 et 26 septembre), où « Boire » sera le mot d’ordre car il s’agit bien de célébrer, sans nostalgie aucune, cet uppercut de mots et de rage balancé dans le paysage de la chanson française en 1995.
Ce premier album de Miossec se refait donc une jeunesse en 2020 avec une nouvelle édition truffée de photos inédites et de témoignages de fans. Le coup de vieux ? "Non, pas le coup de vieux, sourit Miossec. Plutôt l'impression de soulever les souvenirs des gens. C'est aussi leur histoire personnelle qui revient. Je ne suis pas dans le monde fantasmé du 'c'était mieux avant' de toute façon".
La K7 de dix titres enregistrés en huit pistes, "avec les moyens du bord, ma guitare, un synthé, une basse et mon magnéto", est envoyée à des maisons de disques. Elle sonne comme "une bouteille à la mer, mais la dernière bouteille parce que j'ai mis trois ans de ma vie dans cet album et que je n'avais pas deux années de plus à tenir". Le label belge PIAS a le flair et signe le Brestois. "C'est le bouche-à-oreille qui a fait le reste, glisse Miossec, lequel se souvient qu'à Brest, "pas mal de monde avait déjà dupliqué la K7 et chacun se refilait les morceaux"."Boire", ça tient du miraculeux. Quand l'album est sorti, j'avais plus rien, plus de fric. J'étais au ban de la société
"Fiers-à-bras"
Premier concert au Vauban. Une salle pleine à craquer. Sur scène, Miossec, Guillaume Jouan et Bruno Leroux forment un trio d'affamés. L'énergie brute sans les décibels. "On arrivait avec rien, juste des guitares accoustiques, un harmonica, une basse, des percussions. On était un peu comme des fiers-à-bras prêts à aller se battre contre des moulins à vent", s'amuse le chanteur.
"Boire", c'est l'histoire de "quinze années de vie jusqu'à mes 30 ans" souligne Miossec. Les nuits d'ivresse, les failles, les amours. La rugosité, la bourlingue. "Ce n'est pas non plus qu'un truc de fêtard, hein. Il y a du travail sur ce disque". A commencer par les textes avec "cette volonté d'être immédiat", sans perte de temps ni retenue : "Moi je voudrais qu'une fois encore /Tu me prennes pour quelqu'un /Et que tes yeux brillent si fort /Comme moi quand je suis plein /Bouffé par les remords de la Saint-Valentin"
"Falaises !" en douceur
Les bavardages inutiles, ce n'est pas chez Miossec qu'il faut les chercher. Et puis, lui, sa trouille, c'est "le radotage". Alors, depuis "Boire", il s'est évertué à brouiller les pistes, "à changer les angles de vue". Même s'il confie "regretter de ne pas avoir pris plus de chemins de traverse", il sait opérer des virages musicaux. "C'est de l'ordre de l'hygiène mentale de s'obliger à faire le point sinon je m'emballerais toujours" dit-il.
Apaisé mais toujours aussi assoiffé de création. La preuve avec "Falaises !". Quatre titres, pas un de plus, en duo avec celle qui partage sa vie, Mirabelle Gilis. "C'est elle qui a fait le gros du boulot" précise Miossec. Ce mini-album, qui sortira ce 18 septembre, le même jour que la nouvelle version de "Boire", est né pendant le confinement. "On l'a enregistré dans des conditions spartiates, comme "Boire". Mais le résultat n'est pas le même. Heureusement ! Sinon, un peu comme les vieux punks, ça peut être pathétique" rigole-t-il.
J'ai pris un gros malin plaisir à faire "Falaises !". Et comme j'aime bien la provoc, je me dis que 25 ans après "Boire", on revient en arrière pour mieux balancer quelque chose qui n'a rien à voir
"Falaises !" joue sur l'épure, la douceur. Le commencement d'un autre cycle ? "J'aime bien l'idée du cyle, de boucler la boucle et de me dire 'et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?'. Se retirer ? Prendre sa retraire ? Ça traverse, ça effleure forcément". Et puis, non... écrire, composer, entamer un autre chapitre, ving-cinq ans après "Boire". Remonter sur scène. Encore et toujours.
Et puisque tout commence ici, à Brest, c'est donc ici, à Brest, que Miossec paiera sa première tournée. "Boire Ecrire S'enfuir" revisitera l'album fondateur mais ira également explorer d'autres titres plus anciens.
Des concerts que le chanteur veut "plus généreux", "plus longs", sans fioritures. "Offrir aux Brestois un concert pas encore rodé, brut, ça me plaît. Parce qu'ils jouent le jeu. Si ça se passe mal, je le saurai tout de suite" lance-t-il. Avant d'ajouter, comme si on ne s'en doutait pas déjà : "les trucs trop huilés, ça m'emmerde".