Mises à rude épreuve, les brasseries indépendantes espèrent passer le cap

La bière ne coule plus à flots et les micro-brasseries et brasseries artisanales en Bretagne en souffrent. Elles ne peuvent plus écouler leurs marchandises dans les bars et les restaurants, festivals culturels et sportifs. Elles essaient de tenir le coup malgré un manque de visibilité pour cet été.

"On ne tombe pas dans la sinistrose, mais c’est un très mauvais moment à passer. On accuse une baisse de notre chiffre d’affaires de près de 80 pour cent ! Tout le monde doit jouer le jeu, être solidaire." Olivier Lallemand, gérant de la Brasserie du Bout du Monde au Faou.

C’est un véritable cri de détresse. Olivier Lallemand a créé sa brasserie artisanale, avec le lancement des bières de Térénez, il y a sept ans, sur les rives de l’Aulne. En janvier, en pleine croissance, cette petite entreprise s’installe dans de nouveaux locaux, au Faou (Finistère), avec une nouvelle salle de brassage et emploie 10 salariés.
 

La pandémie et son lot de mesures drastiques mettent un frein brutal à cette belle ascension. La fermeture des bars, restaurants et hôtels représente un manque à gagner de 40%, comme pour de nombreuses autres brasseries en Bretagne, qui jouent la carte de la proximité.
Les livraisons aux clients professionnels, comme les Biocoop et cavistes, accusent une baisse également, même si les ventes en bouteilles progressent, notamment dans les petites structures qui pratiquent la vente directe. Même constat pour le drive, qui décroît de 20%. Il reste, toutefois, assuré les vendredi et samedi. L’annulation du festival des Vieilles Charrues vient enfoncer le clou, même si l’impact se fait moins sentir que pour les entreprises de taille plus imposante. 

Résultat : le chiffre d’affaires s’effondre, les dettes s’accumulent et plus de la moitié du personnel est mis au chômage technique, avec une production au ralenti.
 


Des aides financières insuffisantes


La brasserie dispose d’aides de l’Etat émanant d’un fonds de solidarité et d’un plan de soutien d’urgence aux entreprises… Un effort salué, mais qui mériterait d’être accru, d’après son gérant. Les banques jouent le jeu, en proposant un étalement des dettes. Mais, les charges fixes et le paiement des factures n’attendent pas. Olivier Lallemand plaide pour une exonération des charges sociales, comme en Allemagne.

Ce chef d’entreprise est aussi délégué régional du syndicat national des brasseurs indépendants et était, lundi 20 avril, en visioconférence avec les autres adhérents, touchés de plein fouet également. Certains sont même obligés d’arrêter leur production.

D’une seule voix, ils dénoncent un manque de soutien, dans cette période cruciale, notamment de la part des assureurs. 

Contactée, la Fédération française de l’Assurance se défend et rappelle la teneur des mesures exceptionnelles : "Ces mesures représentent au total un montant de 1,75 milliard d’euros, et visent essentiellement les populations et les entreprises les plus exposées à la crise. Elles visent notamment les travailleurs non-salariés et les petites entreprises, dont les brasseries indépendantes. Au-delà, les mesures spécifiques destinées à cette catégorie de professionnels représentent un effort de 850 millions d’euros.".

Les assureurs font référence à certaines souplesses de fonctionnement qu’ils ont accordées, comme le maintien des garanties des contrats d’assurance dommages et prévoyance en cas de fermeture ou le report des échéances de loyers, dans certaines conditions.
 
Olivier Lallemand estime que l’aide financière proposée est essentiellement absorbée par les cafés, hôtels et restaurants plus impactés et plus nombreux. Il rappelle aussi qu’il existe 220 000 TPE (très petites entreprises) en France, ce qui rend le gâteau difficile à partager.
 


Les micro-brasseries fragilisées


Avec la volonté de participer au dynamisme local, un jeune couple, Morgane et Maxime Antar, s’est installé à Paimpol. Un retour au pays pour Maxime, il y a trois ans. Ils ont soufflé la première bougie, en décembre dernier, de leur toute nouvelle brasserie, qu’ils ont baptisée « La Bonne Humeur ».
 

Après une première année de mise en route et de calage, ils affichaient une certaine sérénité, la tête pleine de projets, dont celui d’effectuer une première embauche. La crise sanitaire vient contrarier leur enthousiasme.

""Nous ne pourrons pas compter sur la visibilité qu'on escomptait avoir dans les festivals. Pour nous, c'est une sacrée déception !", Maxime.

Ils sont également très dépendants du secteur de la restauration et de l’hôtellerie, dans une région touristique ; la saison aurait dû démarrer en avril. Cela n’entame pas leur « Bonne Humeur ». Ils préfèrent voir la bouteille à moitié pleine.

Ces jeunes gérants ont suspendu la vente directe à la brasserie, dans un esprit de solidarité, afin de limiter les déplacements et de réorienter les clients vers les commerces de proximité. Ils se réjouissent d’une demande en hausse de la part des magasins de producteurs et de l’épicerie fine… Les clients sont encore plus friands de circuits courts, en cette période bien particulière. "Pourvu que cela dure !" espèrent-ils.
Enfin, ils mettent à profit le temps libre pour concocter, patiemment, de nouveaux projets…
 

En matière d’aides financières, le coup de pouce de l’état, de 1500 euros pour le mois d’avril, est apprécié. Il leur permettra de régler les fournisseurs et le loyer, malgré une perte d’exploitation de l’ordre de 70%. Ils déplorent aussi un manque de réactivité de la part des assureurs. Ils vivent, au jour le jour, revoient à la baisse leur production annuelle, qui devrait atteindre les 300 hectolitres au lieu des 500, initialement prévus.
 


Perspectives peu rassurantes


Les perspectives estivales d’un déconfinement partiel et de l’annulation de nombreux festivals n’ont rien de réjouissant pour ces brasseurs indépendants. Ils en appellent à la solidarité locale.

Olivier Lallemand le répète : "Il faut se serrer les coudes. Nous avons fait le choix de nous implanter sur la presqu’île de Crozon, et de valoriser les circuits courts. Nous avons établi des liens de confiance avec les fournisseurs locaux. Il faut que cette solidarité soit partagée, lors du déconfinement. Et que le public privilégie la consommation locale."

Pour Morgane et Maxime Antar : "Il faut repenser le mode de consommation et cette période a un point positif : elle permet de re-sensibiliser les consommateurs aux produits locaux et artisanaux, que ce soit la bière ou d’autres produits."

En 2019, les brasseries indépendantes affichaient une belle santé, avec 99 brasseries recensées en Bretagne et une demande croissante jusqu’ici. Tous espèrent que la crise sanitaire n’aura pas raison de cet engouement, bien pérenne depuis une vingtaine d’années.
 
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