Témoignage. "Je sors de ce cauchemar". Après 10 mois de détention dans une prison talibane, Mortaza Behboudi retrouve Douarnenez

Les talibans ont libéré, le 18 octobre, le journaliste franco-afghan, Mortaza Behboudi. Après 284 jours de détention et de tortures quasi quotidiennes, le jeune homme est revenu à Douarnenez, une ville avec laquelle il a tissé des liens solides depuis 2016. Ici, tout le monde s'est mobilisé pour sa libération. "Savoir que des gens m'attendaient en France, ça m'a aidé à tenir" raconte-t-il.

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284 jours dans une cellule de 2 à 3 mètres carrés, sans voir le ciel. N'être plus capable de distinguer le jour de la nuit. Croire que l'on devient fou. Être torturé au quotidien. Voilà ce que le journaliste franco-afghan, Mortaza Behboudi a subi, après avoir été arrêté par les talibans puis jeté dans une prison de Kaboul.

Le ciel, qui lui a tant manqué, il le regarde les yeux grands ouverts, ce vendredi matin, depuis Douarnenez, sa ville de cœur, là où la mobilisation pour sa libération n'a jamais faibli.

LIRE :  #FreeMortaza. À Douarnenez, mobilisation pour la libération du journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi

"J'ai une dette envers mes amis de Douarnenez"

Cette libération tant espérée est intervenue le 18 octobre dernier. "On ne voulait pas lui mettre la pression car, après qu'il a été libéré, il a été très sollicité, souligne Laurence, membre du comité local de soutien. On s'est dit que lorsqu'il serait prêt, il rentrerait à la maison. Et voilà, il est là".

En me frappant, ils me disaient : 'ah c'est toi le connard à la télé !'

Mortaza Behboudi

Journaliste

Mortaza Behboudi dit qu'il a le sentiment d'avoir "une dette" envers ses amis douarnenistes, cette seconde famille avec laquelle il a tissé des liens en 2016, à la faveur du festival de cinéma. "Je suis content de les retrouver, confie-t-il. Je n'en reviens pas de cette mobilisation, de voir toutes ces photos accrochées aux murs et aux fenêtres de la ville. Même si j'étais coupé du monde, dans la prison, j'entendais parler par les talibans des soutiens en France, raconte le journaliste. En me frappant, ils me disaient : 'ah c'est toi le connard à la télé !'. Et moi je pensais : 'frappez-moi mais je sais que mes amis ne m'ont pas abandonné, que des gens m'attendent en France'. Ça, ça m'a aidé à tenir".

Sa femme, Alexandra, a remué ciel et terre pour sauver son mari. Depuis sa geôle afghane, Mortaza Behboudi s'est souvent demandé si Emmanuel Macron ou un membre du gouvernement avait pris la peine de téléphoner à sa compagne. "Quand j'ai été libéré, je lui ai posé la question et elle m'a répondu que personne n'avait appelé. Je suis Français. 10 mois de prison, des tortures presque tous les jours... J'aurais juste aimé qu'elle entende : 'on vous soutient, on pense à vous'. Juste ça".

"Sortir de ce cauchemar"

Accusé par les talibans d'espionnage et de soutien à la résistance afghane, le journaliste, réfugié en France depuis 2015, figurait sur une liste noire. Quand il retourne en reportage à Kaboul, en janvier 2023 pour couvrir un rassemblement d'étudiantes devant l'université, il est arrêté. "J'ai été interrogé pendant un mois par le centre de renseignements des talibans, relate-t-il. Ils voulaient que j'avoue que j'étais un espion. Moi je leur disais que j'étais un simple journaliste".

Je ne peux pas tout dire car mes consoeurs et confrères afghans sont toujours dans les prisons. Ils risquent beaucoup

Mortaza Behboudi

Journaliste

Cette accusation a été levée à la mi-octobre. Reporters sans frontières, qui s'est battue pour la libération du journaliste de 29 ans, indique dans un communiqué "que les juges ont prononcé son acquittement de toutes les infractions, incluant l'espionnage".

Sur sa détention, Mortaza Behboudi ne veut pas livrer trop de détails. "J'ai besoin de raconter pour sortir de ce cauchemar et, en même temps, je ne peux pas tout dire car mes consœurs et confrères afghans sont toujours dans les prisons. Ils risquent beaucoup". 

Il se sent tiraillé entre son métier de journaliste qui le pousse à témoigner et le traumatisme que ces 284 jours d'emprisonnement ont laissé dans sa chair et sa tête. "Mais si on se censure, cela revient à laisser faire les talibans, affirme le jeune homme. Alors je raconte, un peu, pour dire qu'on n'oublie pas ceux qui sont toujours détenus, pour rappeler que la liberté d'expression n'existe pas en Afghanistan, que la plupart des journalistes occidentaux ne peuvent plus se rendre là-bas et que les femmes n'ont plus le droit d'aller à l'université ni à l'école. Elles sont enfermées chez elles".

Face à la mer, sous le ciel de Douarnenez qui dessine un arc-en-ciel, Mortaza Behboudi goûte à l'instant. "C'est la vie qui reprend son chemin" sourit Laurence. 

(Avec Claire Louet)

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