"Victime par ricochet", la veuve d'un vétéran des essais nucléaires français demande "réparation pour toutes les années de souffrance"

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Le reportage de Claire Louet et Stéphane Soviller ©France 3 Bretagne

Le tribunal administratif de Rennes examinera, ce 22 février 2024, les dossiers de quatre familles de vétérans des essais nucléaires français. Les veuves et leurs enfants, "victimes par ricochet", demandent la reconnaissance de leur préjudice, au même titre que ce qui existe déjà pour l'amiante. Anne Tardieu mène ce long combat. Son mari est mort d'un cancer à l'âge de 51 ans.

"Cela 20 ans que l'on se bat. C'est l'espoir qui fait tenir". Anne Tardieu sera, ce jeudi 22 février 2024, devant le tribunal administratif de Rennes pour demander la reconnaissance du préjudice subi par les familles des vétérans des essais nucléaires français. "Les victimes par ricochet", ainsi qu'elles se qualifient, dont les vies ont été chamboulées par la maladie et le décès d'un père, d'un mari, d'un frère.

"Sans savoir que c'était dangereux"

Elie, le mari d'Anne, a effectué son service militaire à Mururoa, en Polynésie française, dans cette région du Pacifique où la France a opéré ses essais nucléaires de 1966 à 1996. Il a 23 ans quand il est appelé sous les drapeaux "et comme beaucoup d'autres hommes de son âge, il était content d'aller au bout du monde, raconte sa veuve. On leur a dit à tous que les essais étaient propres, qu'ils ne risquaient rien. Ils y ont cru. Et nous aussi".

Ingénieur agronome de formation, Elie est chargé des prélèvements sur la faune et la flore locales, après chaque explosion. "Sans aucune protection, précise Anne. Il respirait un air saturé en poussières radioactives, il marchait sur des sols contaminés. En tongs, pieds nus. Sans savoir que c'était dangereux".

LIRE : Essais nucléaires dans le Pacifique, le témoignage d’un ancien marin breton

En 2001, un cancer du cerveau emporte ce père de famille, à l'âge de 51 ans, après neuf années de calvaire partagé par Anne et leurs trois enfants. La veuve attaque l'État et obtient la reconnaissance de la responsabilité de ce dernier dans le décès de son mari, ainsi qu'une indemnisation en 2016.

Injustice

La loi Morin du 5 janvier 2010 permet d'indemniser les victimes directes des essais nucléaires menés par la France en Polynésie et dans le Sahara algérien. Or, cette réparation n'intègre pas les familles, contrairement à ce qui existe pour l'amiante. "Alors que le préjudice, les familles le vivent aussi, explique Françoise Grellier, présidente de l'AVEN (association des vétérans des essais nucléaires). Quand le mari décède, il y a une baisse de revenus. C'est aussi des difficultés pour envoyer les enfants faire des études. C'est un tsunami pour toute une famille car c'est à la fois un préjudice moral et sentimental. Il faut être fort pour s'en sortir après".

L'AVEN parle d'injustice et aimerait faire évoluer la loi Morin. "Les victimes collatérales des essais nucléaires doivent recevoir le même traitement que ce qui est prévu pour l'amiante" affirme la présidente de l'association, laquelle a déjà interpellé les parlementaires sur cette question. "On va se battre, assure Françoise Grellier. On y arrivera d'une manière ou d'une autre".

Quatre dossiers seront examinés par le tribunal administratif de Rennes ce 22 février. Anne Tardieu demande réparation "pour toutes ces années de souffrance".

(Avec Claire Louet)

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