Témoignage. 11-Septembre. Marie-Reine se souvient "des hordes de gens qui rentraient chez eux à pied, silencieux"

Marie-Reine Jézéquel vit à New-York depuis une trentaine d'années. Cette Finistérienne raconte le 11 septembre 2001 qu'elle a vécu depuis l'immeuble où elle travaille, "à quelques blocks des tours jumelles". Elle n'aime pas trop "replonger là-dedans". Dans cette "tristesse profonde".

Le 11 septembre, elle ne sera pas à New-York où elle vit depuis plus de trente ans. Elle sera du côté de Morlaix, sur ce bout de terre du Finistère où elle est née. Marie-Reine Jézéquel ne fuit pas le recueillement. Elle peine parfois à trouver les mots quand je la ramène vingt ans en arrière. Manhattan, 11 septembre 2001. 

"Des hordes de gens silencieux" 

"J'ai la chair de poule quand je parle de ça, confie Marie-Reine, j'ai encore en tête des visions de fin du monde". Ce matin du 11 septembre, elle a déjà rejoint les bureaux de New-York habitat, l'agence immobilière qu'elle a montée sur la 7e avenue, "à quelques blocks des tours jumelles", quand les deux avions percutent le World Trade Center. La télé diffuse les images. Marie-Reine pense à un accident. "On est tous sortis dans la rue, relate-t-elle. On pouvait voir cette énorme fumée qui s'échappait des tours. Les gens étaient hébétés, sidérés, personne ne parlait".

La Finistérienne se souvient encore de "ces hordes de gens qui rentraient chez eux à pied, silencieux". Elle ne restera elle-même que très peu de temps à son bureau.  "Je n'ai pas pu travailler, j'ai lâché, comme la plupart des personnes ici. Le soir, je n'ai pas voulu rester seule : je suis allée chez un couple d'amis français. Les tours, le Pentagone, la Pennsylvanie, c'était trop lourd à supporter".
Son téléphone ne cesse de sonner : depuis la France, la famille, les amis sont inquiets. "Je ne sais plus combien de fois j'ai dit cette phrase : "je vais bien". Si tant est que l'on puisse aller bien après ce qui vient de se passer".
 

Parmi mes amis américains, il y avait cette frousse terrible qu'un autre attentat ait lieu tout de suite

Marie-Reine Jézéquel


Le lendemain, Marie-Reine se réveille dans une ville meurtrie et traumatisée. "Parmi mes amis américains, il y avait cette frousse terrible qu'un autre attentat ait lieu tout de suite. 'Qu'est ce qui va nous arriver aujourd'hui ?' répétaient-ils. Je n'ai pas eu cette peur-là, immédiate. Je ne sais pas trop pourquoi. Je me suis dit, et ça peut paraître étrange de le penser à ce moment-là, que les Américains vivaient désormais ce que le reste du monde avait déjà vécu : des attaques chez eux". 
Marie-Reine se retrouve, avec d'autres, du côté de Union Square. "Il y a un petit parc, à cet endroit, où les New-Yorkais sont venus déposer les photos de personnes disparues. Il y avait aussi des messages de paix partout sur les grillages. Cela contrastait avec les déclarations de guerre, de terreur que les médias rabâchaient à longueur de temps". 

La solidarité s'organise aussi pour "apporter un peu de répit aux pompiers et aux secouristes bénévoles qui fouillaient les décombres". Dans les appartements à côté de chez elle, des habitants offrent le gîte et le couvert à ces volontaires, de quoi leur permettre de souffler un peu, de dormir un peu avant de reprendre les recherches. "C'était beau, cet élan de générosité, note Marie-Reine. Vraiment beau".



Après le 11 septembre, la méfiance des autres s'est propagée très vite. On la ressentait vraiment

Marie-Reine Jézéquel


Marie-Reine prend cependant vite la mesure du changement dans cette ville où elle a mis les pieds pour la première fois en 1981. Dans ce New-York multi-culturel "très sauvage dans les années 80, sourit-elle, c'était attirant, ce foisonnement, malgré le danger et un taux de criminalité élevé. Les gens vivaient ensemble, malgré tout. Et puis, après le 11 septembre, la méfiance des autres s'est propagée très vite. On la ressentait. N'importe qui portant un turban était suspect"

Elle raconte également "la vague de patriotisme fulgurante qui a déferlé", citant ses amis pakistanais ou originaires des Caraïbes qui ont suivi le mouvement et porté haut le drapeau américain. "Ils en mettaient partout, des petits drapeaux, même sur leur voiture, pour ne pas être ciblés. 'Marie-Reine, t'as vu ma tête ?' m'a dit l'un d'eux quand je lui ai dit que c'était peut-être excessif".


Il y a eu les morts le 11 septembre. Il y a aussi les gens malades et les morts depuis le 11 septembre à cause des poussières toxiques qu'ils ont respirées.

Marie-Reine Jézéquel


Marie-Reine Jézéquel n'a jamais voulu se rendre au Memorial du 11 septembre, érigé à l'emplacement du World Trade Center. "Je n'ai pas pu visiter ce musée, raconte la Finistérienne. Cela me touche trop. J'ai vécu le 11 septembre de près, je n'ai pas envie de me replonger là-dedans, dans cette tristesse profonde".

Si elle avait été à New-York ce 11 septembre, elle aurait toutefois partagé un moment de recueillement, à distance, les yeux tournés vers le Tribute in Light, ces deux faisceaux de lumière verticaux qui rendent hommage aux victimes des attentats. "Ils sont allumés tous les ans, à cette date, du matin jusqu'au soir. L'ambiance change réellement à New-York, le 11 septembre. La ville, les gens, je ne sais pas comment décrire cette atmosphère. Dire que rien n'a plus jamais été pareil, c'est un lieu commun, souligne-t-elle. Mais, en vrai, rien n'a plus jamais été pareil ici. Il y a eu les morts le 11 septembre. Il y a aussi les gens malades et les morts depuis le 11 septembre à cause des poussières toxiques qu'ils ont respirées. J'en connais. Ceux et celles qui, en allant donner un coup de main dans les ruines des tours, sont aussi allés au casse-pipe, sans le savoir"

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