Après les nombreuses plaintes provoquées par les effets secondaires de sa nouvelle formule, l'ancien Levothyrox a fait son retour ce lundi dans les pharmacies, mais le nombre de boîtes est limité et les conditions de délivrance sont drastiques comme le constatent certains officines rennaises.
"J'appréhende cette journée. On ne sait pas encore si on sera livré cet après-midi (lundi) ou demain (mardi). Je ne sais pas ce que je vais dire aux patients": comme cette pharmacienne de la périphérie de Rennes qui veut garder l'anonymat, nombre d'officines craignent de subir la colère de patients frustrés. En une heure, lundi matin, Michel Duval, responsable d'une pharmacie à Rennes, a déjà enregistré six demandes pour l'Euthyrox. "Si le grossiste ne nous a pas livrés à 14 h, on ira les chercher nous-mêmes", assure-t-il à l'AFP. "C'est un énorme problème, il faut vraiment que les gens aient l'ancienne formule", peste-t-il.Importée d'Allemagne, l'ancienne formule de ce médicament pour la thyroïde est disponible à partir de lundi sous le nom d'Euthyrox. C'est ce nom que les ordonnances doivent impérativement mentionner, et elles doivent être postérieures au 14 septembre, comme l'a indiqué samedi l'Agence du médicament (ANSM) aux pharmaciens.
Cette date a fait l'objet d'un rétropédalage dans la journée de samedi : dans un premier message, le matin, l'ANSM l'avait fixée au 1er octobre, soit dimanche, ce qui aurait obligé les patients à consulter le médecin lundi matin avant d'aller en pharmacie.
Euthyrox (fabriqué par le laboratoire Merck comme le Levothyrox) sera disponible "pour une durée et des quantités limitées (130.000 boîtes de 100 comprimés en huit dosages différents)" pour les 22.000 pharmacies de France, a souligné l'ANSM.
Selon l'Agence, l'Euthyrox ne doit donc être prescrit qu'en "dernier recours", aux patients qui se plaignent d'effets secondaires (crampes, maux de tête, vertiges, perte de cheveux) liés au nouveau Levothyrox. Les autorités de santé estiment à plus de 9.000 le nombre de patients qui ont signalé à l'ANSM des effets indésirables.
Et après?
Chantal L'Hoir, de l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT), estime que cette journée "ne se passe pas bien". Cette association, qui a mené la fronde contre la nouvelle formule du médicament, déplore "que l'administration sanitaire française ne puisse garantir un approvisionnement en Levothyrox ancienne formule que pendant une durée excessivement limitée, trois mois, et pour un nombre restreint de traitements".
"Le nombre de boîtes nous semble sous-évalué, et de nombreux patients risquent d'avoir les plus grandes difficultés à l'obtenir", abonde une autre association, Vivre sans thyroïde.
Le recours à l'Euthyrox "n'est pas une solution", déclare à l'AFP une pharmacienne rennaise, qui ne veut pas être citée. "Ce n'est que transitoire, et après ?" s'interroge-t-elle. Selon elle, "quelques personnes ont des effets indésirables mais ce n'est pas la majorité, et certains se sont sentis mal après avoir appris à la télé qu'il pouvait y avoir des effets indésirables".
La nouvelle formule du Levothyrox a été mise sur le marché fin mars. C'est l'ANSM qui l'a réclamée en 2012 au laboratoire afin, selon elle, de rendre le produit plus stable. Le changement de formule ne porte pas sur le principe actif mais sur d'autres substances, les excipients. Face à la colère de patients signalant des effets secondaires, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait annoncé le 15 septembre le retour en pharmacie sous
quinze jours de l'ancienne formule du Levothyrox et de médicaments alternatifs sous un mois.
Selon l'ANSM, un autre médicament, le L-Thyroxin Henning (laboratoire Sanofi), sera disponible à partir de mi-octobre. Un médicament sous forme de gouttes, le L-Thyroxine (laboratoire Serb), existe également, mais est prescrit en priorité aux enfants et aux personnes qui ont des troubles de la déglutition.
Au total, trois millions de patients prennent du Levothyrox en France (premier marché mondial) pour soigner l'hypothyroïdie ou après une opération de cancer de la thyroïde.