"Ça fait 48 ans que je mange des aliments à base animale". Il choisit de faire l'expérience du véganisme pendant 4 mois

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Mathurin Peschet, seul face à sa famille, se lance le défi de vivre végan.
"Ça fait 48 ans que je mange des aliments à base animale, ça finit par faire un sacré troupeau !" Extrait du documentaire "Dans la peau d'un vegan" de Mathurin Peschet. ©FTV

Ne pas manger de viande, et faire l'expérience du véganisme pendant plus de 100 jours, c'est le défi que s'est lancé le réalisateur Mathurin Peschet. Un parcours plein d'interrogations sur nos habitudes et notre société qu'il nous raconte dans son documentaire "dans la peau d'un vegan".

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De plus en plus influents, les militants de la cause animale œuvrent pour que l'humanité cesse d’exploiter les animaux. Pourquoi continuer à tuer des animaux si on peut faire autrement ? C'est la question que s'est posée le réalisateur Mathurin Peschet. Pour mieux comprendre, il s'est lancé un défi : être vegan pendant 100 jours. Dans son film "Dans la peau d'un vegan" nous suivons son parcours, de l'omnivore au véganisme.

Je me sens coupé en deux, une partie de moi voulant libérer ces animaux quand l'autre s’accommode de les manger.

Mathurin Peschet, réalisateur

Sur des sites qui parlent de véganisme, Mathurin Peschet trouve d'abord l’explication de ce qu'il appelle "sa schizophrénie alimentaire". Il serait victime de dissonance cognitive : une contradiction morale intérieure entre la souffrance animale constatée et l'habitude plutôt agréable de manger de la viande et des produits laitiers.

À la base, j'ai un vrai rapport avec les éleveurs, quand ils ne sont pas industrialisés. Je sais qu'ils ont un vrai rapport avec leurs animaux.

Mathurin Peschet

Réconcilier l’esprit et le ventre

Pour changer ses habitudes, c'est à Douarnenez chez Muelle Hélias, créatrice culinaire, que Mathurin Peschet suit ses premiers cours de cuisine vegan.

"Protéine de soja, haricot rouge, noix de cajou, les beurres d’oléagineux", un nouveau vocabulaire investit désormais son réfrigérateur. 

Pour Muelle Hélias, " Il vaut mieux être bien entouré pour éviter les moqueries". Le "mangeur d'herbe" et autres petits quolibets ne manquent pas pour définir le vegan. " Remettre en cause les éleveurs, les bouchers, les pêcheurs, l'agroalimentaire n'est pas sans obstacle !"

Le véganisme, un truc à la mode ?

Alexia Renard, doctorante en sciences politiques, explique que le véganisme remonterait à l’antiquité grecque. La consommation de chair aurait été remise en question par Pythagore, lui-même. Platon, lui, défend le végétarisme pour la stabilité politique. "Pour élever les animaux, on va devoir consommer trop de ressources pour les nourrir, ce qui risque de provoquer des guerres avec nos voisins". D'autres philosophes aussi, comme Voltaire et Rousseau, définissent une sensibilité entre les animaux et l'homme. 

À son 29ᵉ jour de son régime vegan, Mathurin Peschet comprend qu'il pense davantage aux animaux. "Pour la 1ʳᵉ fois, j'ai le sentiment que c'est possible de se passer des animaux. Et ça, ça donne aussi le tournis" constate-t-il. 

Le crime originel de l'humanité ?

Les antispécistes se basent sur le courant philosophique né dans les années 70 qui refuse de porter une considération morale distincte entre les espèces animales, dont l'homme fait partie.

Jocelyne Porchet, sociologue de l'élevage, s'oppose, quant à elle, à l'industrie porcine, mais aussi au régime vegan. Pour elle, "inclure les animaux dans le champ des humains, c'est faire comme si les animaux et l'homme, étaient pareils. C'est du fantasme, une imagination de l'Eden".

Est-ce que les cochons veulent être nos prochains ? C'est un fantasme, une imagination de l'Eden

Jocelyne Porcher, sociologue de l'élevage

" Rompre les liens de la domestication, au titre que la domestication serait le crime originel de l'humanité ? ", elle ne veut pas y croire. "On les a réduits en machine et maintenant, on veut s'en passer ! s’indigne-t-elle.

Elle ajoute que " l'enjeu, c'est ce qui nous rend vivant. Dépendre des animaux pour vivre, c'est la grandeur de notre lien avec nos animaux". 

La sociologue dispute aussi "ce champ ouvert, au niveau biotechnologique, dans notre vie quotidienne. On pourra bientôt produire ce que l’on veut, comme une tranche de viande, sans meurtre animal, et ce ne sera plus la peine d’être vegan ! " dit-elle. 

Je ne crois pas à l’émergence d’un monde végan, mais à celle d’un monde biotechnologique porté par les végans.

Jocelyne Porcher, sociologue de l'élevage

Dans ce contexte, Mathurin Peschet poursuit donc ses interrogations "Mais les vaches, les cochons, les poulets… ne vont-ils pas disparaître si on ne les mange plus ? "

Le faux dilemme entre l'industrie et le vegan

Pour l'éleveur Stéphane Galais, que Mathurin Peschet rencontre dans son champ, où il laboure la terre avec sa jument, il y aurait un autre chemin : celui de la paysannerie.

Pour lui, "dès que l'on vit le réel, on ne surenchérit pas sur l’émotionnel". Et vivre le réel, c'est ce que Stéphane Galais pratique avec sa jument, dans sa ferme, pour une agriculture paysanne raisonnée.

La meilleure façon de les respecter c’est de les laisser à leur place, mais c’est possible que si l’on vit avec.

Stéphane Galais, éleveur et secrétaire national à la confédération paysanne.

Conforter le lien avec l'animal 

 "C'est un vrai plaisir de travailler avec l'animal", confesse l'éleveur et secrétaire nationale à la confédération paysanne. "Un donnant donnant, où chacun a sa place. Et cela répondrait aux enjeux sociétaux actuels, tels que la biodiversité, le réchauffement climatique", ajoute-t-il. Il y aurait donc un "autre chemin" : celui de conforter le lien avec l'animal.  

Cela ne me dérange pas de dépendre des animaux pour vivre.

Jocelyne Porcher

La littérature, les conférences, les débats, la famille, les manifestations, tous les environnements sont riches d'enseignements et prétextes à réflexions.

Sur la durée de son défi, Mathurin Peschet soulève ainsi beaucoup de questions : Que fait-on dans un monde dans lequel les animaux font partie des membres de notre société et des citoyens ? Qu'est-ce qu'on fait pour vivre avec ces animaux qui collaborent et vivent avec nous ? Quels usages pourrions-nous faire d'animaux domestiques considérés comme citoyens ?  

Que pensent les animaux de tout ça ?

C'est à son chat, Jango, que Mathurin Peschet s'adresse alors : "Jango, tu veux être un citoyen ?", "tu veux surtout tes croquettes ? Un chat végétalien oui, mais sous surveillance, car sinon il risque de s'en prendre à d'autres petites bêtes". Il rappelle que le chat est un animal 100 % carnivore ! 

Une gamelle de croquettes végétariennes laissée par un Jango dédaigneux, et Mathurin Peschet doit bien admettre que "c'est un chat qui fait la gueule ça !".

175 jours "vegan" plus tard

Le défi s'achève laissant place au bilan de l'expérience. 1 kg 800 en moins, rajeuni, plus léger, et avec beaucoup de temps passé en cuisine, Mathurin Peschet avoue ne pas sortir indemne de cette aventure.

Derrière cette idée végan, quelque chose me fait peur, c’est l’idée de vouloir faire mieux que la nature.

Mathurin Peschet

Il en conclut alors " Les produits animaux, je vais en manger moins, ça, c'est sûr. Même si ça n'élimine pas la question de pourquoi tuer des animaux qui voudraient, eux aussi, mourir de leur propre mort, je vais redevenir omnivore "

"Dans la peau d'un vegan", le documentaire de Mathurin Peschet sera diffusé jeudi 29 février à 23h30 sur France 3 Bretagne et est déjà disponible sur la plateforme france.tv

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