Condamnés pour les actes de torture sur leur codétenu "pointeur", ils retournent en prison

La cour d'assises d'Ille-et-Vilaine a condamné ce vendredi 22 novembre 2024 deux hommes de 26 et 39 ans pour leurs "actes de torture et de barbarie" sur leur ancien compagnon de cellule. Un traitement réservé aux "pointeurs" condamnés pour viol.

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Durant trois jours, la semaine dernière, la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine a cherché à comprendre ce qui s'était joué dans le huis-clos de la cellule 235 de la prison du centre de détention de Rennes-Vezin, dans la nuit du 7 au 8 avril 2019, entre deux hommes et leur co-détenu.

Les deux premiers, respectivement âgés de 26 et 39 ans, ont dû répondre d'actes de torture et de barbarie dénoncés par le troisième à l'administration pénitentiaire. Il leur était précisément reproché d'avoir introduit une "balayette" dans l'anus de cet homme que la rumeur avait désigné comme un "pointeur", c'est-à-dire un "violeur" dans le jargon carcéral.

Hiérarchie des valeurs en prison

En prison, les délinquants sexuels subissent très régulièrement des violences. Il y existe "une hiérarchie des valeurs" : celui qui est là pour trafic de stupéfiants "vaut mieux" que le délinquant sexuel, a expliqué la cadre de l'administration pénitentiaire qui avait recueilli les révélations du plaignant. "Ensuite c'est l'omerta, chacun pour soi, on ne veut pas d'histoires donc on se tait".

Aucun des "onze détenus" des cellules voisines n'avait toutefois entendu les "cris" décrits par le plaignant. La fonctionnaire avait elle-même "oublié l'affaire", avait-elle admis devant la cour d'assises, en réprimant un rire. "L'environnement carcéral a permis la commission de ces faits : violer un violeur en prison c'est bien", a donc grincé Me Pierre-Yves Launay, l'avocat de la partie civile.

Il avait été contraint de "boire de l'urine"

Son client avait en effet expliqué avoir été contraint de "boire de l'urine" avant d'être maintenu par le détenu de Dinan de 39 ans, tandis que le second, surnommé "9-3", lui introduisait cette balayette dans l'anus.

Depuis plusieurs jours, la victime sentait la tension "monter" et avait réclamé à de nombreuses reprises une cellule individuelle. Plusieurs fois, ce détenu avait refusé de réintégrer la cellule 235, espérant se retrouver sanctionné dans une cellule disciplinaire. Les deux accusés ont pour leur part passé trois jours à clamer leur innocence, mais le médecin légiste avait conclu que les blessures étaient tout à fait "compatibles" avec les sévices décrits.

"Se mettre soi-même cet objet en force, ça paraît difficile parce que l'instinct de préservation fait que quand la douleur est trop forte, on arrête", avait redit l'experte devant la cour. "Il porte les marques d'un choc sexuel massif", avait complété le psychologue. "Jorge répétait souvent que les pointeurs, il fallait leur faire les fesses et la bouche", avait aussi dit la victime, un grand gaillard qui a passé "vingt ans en prison".

"Cinq ans après, vous dites avoir encore peur de prendre le bus mais ça ne colle pas avec votre apparence physique", lui avait toutefois fait remarquer le président de la cour d'assises, comme s'il doutait de la véracité de son récit. Et pour cause, les experts ont aussi retenu les "forts traits de personnalité manipulatoire" de la victime. Au cours des débats, il s'est aussi montré agressif avec les avocats des deux accusés. La responsable de l'administration pénitentiaire avait d'ailleurs expliqué que les détenus pouvaient être "capables de faire beaucoup de choses pour obtenir une cellule".

Verdict et condamnations

En l'occurrence, "il ne s'est rien passé", avait sans cesse répété le prévenu originaire de Dinan, expliquant que lui et son co-détenu "envoyaient chier" leur codétenu et lui volaient "son tabac", mais que les "actes de torture" que la victime avait décrits n'avaient jamais eu lieu. Ce vendredi 22 novembre 2024, l'avocate de "9-3"avait même proposé une théorie alternative à la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, expliquant que la victime avait pu s'infliger de telles sévices seul, avec un briquet, un objet que les détenus ont constamment sur eux.

Mais cela n'a pas convaincu : au terme de plus de cinq heures de délibéré, la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine les a tous deux reconnus coupables : l"homme de 26 ans a été condamné à neuf ans de prison et celui de 39 ans à cinq, ce qui signifie que ce dernier pourrait être libéré dans les prochains mois, puisqu'il a déjà purgé quatre ans en détention provisoire. "9-3", qui comparaissait libre, a quant à lui été incarcéré vendredi soir alors qu'il était en larmes. Ils ont dix jours pour faire appel.

SG/CB (PressPepper)

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