Des traces de pesticides et de médicaments, dont un pour traiter le cancer du sein, ont été décelés dans une bouteille d'eau sur 5 et dans l'eau du robinet de certaines grandes villes, comme Rennes. C'est ce que révèle une étude de 60 millions de consommateurs et de la Fondation France Libertés.
Et si même l'eau en bouteille n'était pas aussi pure que ce que l'on pourrait croire ? C'est ce que révèle une enquête de 60 millions de consommateurs, même si elle ne remet pas en cause la potabilité de l'eau. "A court terme, il n'y a absolument aucun problème de qualité. Ces eaux sont parfaitement buvables", insiste le rédacteur en chef de 60 millions de consommateurs, Thomas Laurenceau. L'enquête "ne met absolument pas en cause l'honnêteté des embouteilleurs", mais interroge la contamination de l'environnement par les pratiques humaines, ajoute-t-il.
Trace de médicaments pour soigner le cancer du sein
"Il y a inquiétude sur la qualité de la ressource globale", résume M. Laurenceau, qui appelle, avec France Libertés, à "la remise à plat des normes de qualité" prenant en compte les nouveaux polluants. L'analyse a porté sur 47 bouteilles d'eau, trois bonbonnes d'eau, et une dizaine
d'échantillons d'eau du robinet prélevés dans trois départements. Sur les bouteilles d'eau étudiées -portant sur l'ensemble du marché- 37 ne présentaient aucune trace des 85 molécules recherchées. Dix en revanche contenaient des résidus de médicaments et pesticides. La grande surprise est la présence de tamoxifène, hormone de synthèse utilisée dans le traitement du cancer du sein, dans la Mont Roucous, Saint Yorre, Salvetat, Saint Armand (Du Clos de l'abbaye) et Carrefour Discount (Céline Cristaline). La teneur est "infime" mais c'est "suffisant pour qu'on s'interroge sur la pureté originelle imposée par la réglementation des eaux minérales", souligne le magazine, qui précise avoir procédé deux fois à l'analyse des échantillons après contestation de la part des embouteilleurs des premiers résultats et de la méthodologie employée accusée de produire de "faux positifs". "La seconde analyse a confirmé cette présence, sans que nous soyons en mesure d'en expliquer l'origine", écrit 60 millions de consommateurs. "L'affaire est suffisamment sérieuse pour qu'on lance des analyses à plus grande échelle", estime M. Laurenceau. Du Buflomédil et du Naftidrofuryl, des vasodilitateurs, ont été également détectés dans l'Hepar, pour le premier, et dans la Saint Armand pour le second.
Des traces de désherbants, pourtant interdits depuis 2001
Par ailleurs, des traces d'Atrazine et d'Hydroxyatrazine, des désherbants pourtant interdits en 2001 mais très persistants, ont été trouvées dans la Vittel (Grande source), la Volvic (Clairvic), la Cora (Saint-Pierre), et la Cristaline (Louise). "Ce qu'on en retire, ce n'est pas de dire que telle marque est plus risquée qu'une autre. Il n'y a pas les bons et les mauvais. Sur l'ensemble des marques, il y a un problème", poursuit M. Laurenceau. "Les embouteilleurs sont extrêmement prudents mais ça interpelle de voir qu'il peut y avoir (des micropolluants), même si c'est infinitésimal, qui ne devraient pas être là".
Du Tamoxifène dans l'eau du robinet de Rennes
Sur 10 prélèvements, huit contiennent une à quatre molécules sur les 85 recherchées, principalement des pesticides mais aussi des résidus de médicaments dont, à nouveau, du tamoxifène décelé notamment en milieu urbain (Rennes et Limoges). Enfin, sur les trois bonbonnes, des traces de Diéthylphtalate ont été trouvés dans l'Obio, et de Bisphénol A, d'Atrazine et de retardateur de flamme dans la Culligan Val-de-Marne. "Si tous les micropolluants sont ici présents en très faibles teneurs, leur variété interroge sur les potentiels effets cocktail", souligne 60 millions de consommateurs. Le magazine et France Libertés, qui ont lancé en 2011 l'Opération Transparence sur le prix et la qualité de l'eau, ont publié en mars une carte de la qualité de l'eau potable en France, montrant que les seuils limites en polluants étaient dépassés dans près de 420 communes grâce à des dérogations, sans risque sanitaire immédiat.
L'an dernier UFC Que Choisir avait publié une étude sur la qualité de l'eau en Bretagne. Si l'eau en Bretagne est peu polluée révélait l'enquête, c'est parce que des "solutions essentiellement palliatives" ont été choisies, regrette l'UFC Que Choisir. Par ailleurs, cette étude est publiée quelques jours après le signal d'alarme tiré par les médecins de l'Association santé environnement France (Asef), publiée dans le magazine Le Point. "L'augmentation régulière de la prise de médicaments - rien qu'en France, nous en avons consommé 3,12 milliards de boîtes en 2011 - ne serait pas sans risques pour notre environnement et pour notre santé".