Loi immigration. "Ajouter une caution, c'est une barrière qui dit : Ne venez plus !" Les étudiants étrangers réagissent

Le projet de loi immigration concerne les étudiants étrangers en France. Ils devront verser une caution et justifier chaque année le sérieux de leurs études. Nous avons rencontré les premiers concernés sur le campus de l'université de Rennes. Leurs réactions.

Que pensent Ikrame, Walid, Hockmah et Hao du projet de loi immigration ? Nous les avons rencontrés aujourd'hui sur le campus universitaire de Beaulieu, à Rennes. Le texte prévoit un durcissement de l'accueil des étudiants étrangers. France Université, qui représente la communauté universitaire, s'oppose à la disposition sur la caution demandée aux étudiants et souhaite une nouvelle délibération. L'immigration étudiante représente la plus grande part du flux migratoire (un étranger sur trois). En 2021, 87 700 titres de séjour étudiants ont été délivrés, selon l'Insee.

"L'administration vérifie nos salaires"

"Je ne suis pas d'accord avec la caution pour la délivrance de titre de séjour. Nous mettons déjà 8 000 euros de côté pour venir en France". Originaire du Maroc, Ikrame est étudiante en mécanique des matériaux à Rennes. Elle rappelle que "pour demander une carte de séjour, nous devons montrer que nous disposons des ressources. L'administration vérifie nos bulletins de salaire, et si l'on ne travaille pas, notre banque doit attester que nos parents envoient de l'argent, au minimum 615 euros par mois. Si une caution est demandée, certaines familles ne pourront pas envoyer leur enfant étudier ".

VOIR AUSSI : "Cette loi s’attaque aux valeurs sur lesquelles se fonde l’université française". Rennes 1 et Rennes 2 manifestent leur opposition.

Walid, également étudiant en mécanique arrive du Gabon, confirme que "cette caution va être compliquée pour les familles qui n'ont pas assez de revenus. Mes parents avaient mis 5 millions de francs CFA (soit 7600 euros) pour que je vienne étudier la première année."

L'entrée sur le territoire français est déjà très encadrée par les ambassades. Il faut justifier de plus de 6000 euros par an

Hockmah, étudiant congolais

"L'entrée sur le territoire français est déjà très encadrée par les ambassades, s'étonne Hockmah, étudiant en droit des affaires internationales, qui vient de la République du Congo. Il faut justifier l'obtention de moyens, soit plus de 6 000 euros par an. C'est une somme importante. S'il faut ajouter une caution, c'est une barrière qui dit : "Ne venez plus" !" Pour l'étudiant congolais "demander cette caution est infantilisant. Elle ne permettra pas de maintenir le potentiel de la France en matière de recherche et d'enseignement, car plus de 25% des doctorants viennent de l'étranger".

Le projet de loi prévoit que le caractère « réel et sérieux » des études doit être vérifié chaque année. "C'est déjà fait, poursuit Hockmah. Lorsque vous échouez, l'administration vous rappelle à l'ordre ! Une année, quand je suis allé renouveler mon titre de séjour, la dame m'a dit "Attention monsieur ! Vous avez redoublé deux fois !" Les agents de l'administration font leur travail." Ce suivi du sérieux des études inquiète Hao, étudiant chinois en dessin industriel : "Je ne suis pas très doué en français, c'est difficile pour moi, j'ai besoin de plus de temps qu'un étudiant français !". 

Les étudiants avec les meilleurs notes sont sélectionnés, nous présentons nos projets professionnels et personnels. Je ne vois pas ce qu'ils veulent vérifier en plus

Ikrame, étudiante marocaine

Ce suivi du sérieux des études fait aussi réagir Ikrame. "Pour venir étudier ici, c'est une longue procédure qui dure plus d'un an. Seuls les étudiants ayant des bonnes notes sont sélectionnés. Nous avons présenté une lettre de motivation et nos diplômes. Lors d'un entretien, nous expliquons nos projets professionnels et personnels Je ne vois pas ce qu'ils peuvent vérifier en plus."

Des associations d'étudiants étrangers s'inquiètent aussi du projet de loi. " La caution demandée pourrait précariser les étudiants, craint Douceline, la présidente du collectif Ubuntu, qui soutient les étudiants africains à Rennes. Quand on arrive en France et qu'on cherche un logement, c'est difficile. Il faut justifier de trois mois de présence pour bénéficier des APL. Pour être logé en cité universitaire, il faut un master". La jeune femme, originaire du Burundi, conclut en estimant que "ce projet de loi pourrait avoir une incidence sur le choix de venir en France. Les étudiants pourraient privilégier le Canada ou la Chine, où il y a beaucoup d'étudiants de leur pays. Seuls les étudiants riches viendront en France, mais les étudiants plus riches préfèrent les pays anglophones". 

Le 19 décembre sur France 5, Emmanuel Macron a jugé que la caution demandée aux étudiants étrangers n’était "pas une bonne idée" et estimé "qu’on a besoin de continuer à attirer des talents et des étudiants du monde entier".  Selon France Info, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche Sylvie Retailleau, qui avait exprimé son désaccord sur les mesures de la loi concernant les étudiants, a présenté sa démission mercredi 20 décembre, qui a été refusée par l'Elysée.

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