Journées de mobilisation ce mardi 7 décembre des professionnels des secteurs médico-social et social contre le Ségur de la santé. L'occasion de rencontrer plusieurs éducateurs rennais. Ils ont choisi ce métier par passion et pour s'occuper des autres, mais demandent davantage de reconnaissance et en particulier salariale.
C’est une maison dans le sud de Rennes, pleine de vie et d’enfants… ils sont 8 à vivre ici en ce moment, le plus jeune va avoir 6 ans, la plus âgée en a 15. Dans la journée, chacun poursuit sa scolarité, à l’école ou au collège. Tout ce petit monde se retrouve ici après les cours. La maison est spacieuse, l’association s’y est réinstallée il y a quelques semaines après plus d’un an de travaux.
Une maison, un foyer
Au rez-de-chaussée, le salon - salle-à-manger donne sur un petit jardin, le sapin de Noël a été dressé près de la cheminée, on trouve aussi des jeux de société sur les étagères, des photos des enfants, un grand écran, et aux murs de la cuisine le planning et les menus de la semaine.
Le chef de service poursuit la visite à l’étage, chacun sa chambre, une salle de jeux pour les plus jeunes, Ewen Noblanc ouvre la porte sur le bureau des éducateurs, une pièce qu’ils ont voulue juste à côté des chambres, tout en étant ouvert sur l’extérieur pour garder un œil sur les allers-et-venues…
Ici l’association peut accueillir 8 enfants à partir de 6 ans jusque 18 ans, placés sur décision de justice. C’est le département d’Ille-et-Vilaine, en charge de l’aide sociale à l’enfance, qui confie ses mineurs à l’Arass, l’association qui gère ce foyer. « Dès le départ, on travaille la sortie et le retour au domicile parental, au cas par cas », explique le chef de service. Mais ces enfants et adolescents restent ici deux ans en moyenne, selon les statistiques de l’association.
"Mon rôle, une présence éducative et des repères fixes pour les enfants"
Ce jour-là, Félix a pris son service à 16h, et va rester jusque 23h… le jeune homme de 29 ans a d’abord commencé à travailler dans les métiers liés au bâtiment, avant de passer le concours d’éducateur spécialisé, attiré par le « côté social ». « Ici mon rôle c’est du travail au quotidien, assurer une présence éducative et des repères fixes pour les enfants ». Selon ses horaires, cela passe par le réveil le matin, la préparation avant d’aller à l’école, un accompagnement à un rendez-vous médical…
Ce qu’il aime dans ce métier ? « C’est très diversifié et c’est très dynamique » dit-il en souriant « on réfléchit beaucoup pour proposer les réponses éducatives les plus adaptées aux enfants, on a des enfants qui ont des profils assez particuliers, on essaye de faire en sorte qu’ils grandissent bien. » Le jeune Nantais est en CDI depuis 1 an et demi « moi je m’en sors parce que je n’ai pas d’enfant à charge, je vis seul… c’est un métier de passion mais c’est pas pour autant que ça ne doit pas suivre derrière du côté des salaires.»
Des salaires « misérables »
« Le foyer est ouvert en permanence, on travaille toute l’année, week-end et jours fériés », rappelle Malika El Ali, secrétaire du CSE et élue Force Ouvrière, et doyenne de l’équipe. Surveillante de nuit, elle prend le relais des éducateurs à 22h15, et assure une veille active jusqu’à 7h le lendemain. Elle aussi a choisi ce métier par vocation « pour prendre soin, s’occuper des autres, on travaille en relation avec les enfants et pour les enfants. »
Mais Malika explique « après plus de 10 ans d’ancienneté, je ne suis même pas à 1 500 euros net par mois » Il y a eu une avancée salariale de 183 euros nets mensuels accordée pour les salariés qui prennent soin des autres dans le public, et nous… on est des exclus, on est déçu et en colère. On demande la même égalité de traitement entre les salariés du public et du privé.
Crise des "vocations"
Une revendication partagée par son employeur, Emmanuel Panis. L’ARASS, l’association qu’il dirige, emploie 400 salariés dans les départements d’Ille et Vilaine, du Morbihan, et des Côtes d’Armor. Lui témoigne de ses difficultés à recruter de jeunes éducateurs spécialisés, qui acceptent de travailler en horaires décalés, tôt le matin et tard le soir, les week-ends et jours fériés, pour un 1er salaire à 1300 euros net, après une formation à bac+3.
« La crise est très grave. Si demain après-demain on n’a pas de professionnels pour s’occuper des enfants on ne peut plus faire notre activité, on ne peut pas les laisser tout seul, il est urgent d’agir. C’est un problème national, on a besoin que l’Etat fasse un geste », ajoute le délégué régional de la CNAPE (fédération des associations de protection de l’enfance).
Une centaine de postes est à pourvoir en Bretagne dans le secteur de la protection de l’enfance.