Anne-Cécile Estève est une photographe bretonne qui propose aux femmes victimes d'un cancer du sein de se reconstruire par l'image, de retrouver la confiance et l'estime de soi en se confiant à son objectif. Un travail intitulé "Mue" qui est présenté au Centre Eugène Marquis à Rennes jusqu'à la fin du mois d'octobre.
L'enregistreur de son interlocutrice est branché, Marion se livre. En novembre 2021, lors d'une mammographie de contrôle, un cancer du sein lui est diagnostiqué. "C'est un mur en pleine face, même si on sait avec les antécédents familiaux qu'il y a un risque, on ne s'y attend pas." Ensuite Marion raconte cette déflagration pour elle, ses proches, le tourbillon médical et puis l'après... "Après, on se retrouve seule, l'entourage a l'impression qu'on est guéri, que tout est oublié, ce n'est pas le cas".
Retrouver l'estime de soi derrière l'objectif
C'est justement à cet "après" qu'Anne-Cécile Estève a décidé de s'intéresser. Photographe autodidacte, elle monte le projet avec une chirurgienne plasticienne. L'idée est simple: proposer des séances photos à des femmes qui ont traversé un cancer du sein, ont subi des opérations, des ablations, avec l'envie de leur redonner confiance et des les aider à retrouver de l'estime de soi.
Ce projet a déjà donné lieu à une première exposition à l'Hôtel Dieu à Rennes au mois de mars dernier. C'est d'ailleurs en la visitant, alors qu'elle était en plein traitement que Marion a eu le déclic. "J'ai vu ces femmes, je les ai toutes trouvées belles, dignes, fortes, elles me transmettaient leur puissance. Cela m'a aidée à cheminer."
A son tour, désormais de se confier à Anne-Cécile Estève et à son objectif. Après une première prise de contact au téléphone, un premier rendez-vous pour partager son histoire et l'épreuve qu'elle a affrontée, vient ensuite la séance photo . "Ce qui permet ces photos, c'est le lien de confiance. Ces femmes ont d'ailleurs le choix de quitter le projet quand elles veulent," précise la jeune femme.
Dévoiler son corps pour se le réapproprier
La séance est organisée à domicile, avec un petit studio installé sur place, un fond noir, des projecteurs. Les premières prises se font d'abord habillées pour apprivoiser l'objectif et le regard de l'artiste, puis ensuite en dévoilant leur buste. "Ce n'est pas évident car certaines n'ont pas encore réussi à se montrer à leur conjoint, mais cela leur permet d'avancer. Quand on se regarde dans la glace, on se juge plus sévèrement que les autres nous voient. Moi je les trouve belles et j'ai envie qu'elles se voient à travers mon regard".
Après avoir choisi ensemble la meilleure photo, la dernière étape est la plus émouvante, l'exposition au public, en noir et blanc et grand format 80 cm par 120 cm. Il est bien sûr question de se réapproprier un corps qui a été blessé, mutilé, et de se retrouver femme, malgré la maladie. Parfois les cicatrices sont visibles, parfois les femmes choisissent d'en montrer moins. Marion l'affirme : "C'est une étape dans ma reconstruction, un nouveau départ".
La force de la "photothérapie"
Anne-Cécile Estève n'est pas thérapeute mais pourtant le mot qu'elle trouve le plus approprié à son travail est bien celui de "photothérapie", "C'est de la photo qui fait du bien".
Un travail qui donne aussi des ailes à celle qui le pratique, donnant encore davantage de sens à son art. Pour prolonger cette expérience, elle vient de créer une association "Diapositives" qui a pour mission de mener des projets photographiques où l'on œuvre sur l'image de soi, des projets qui, au delà de la maladie, s'intéresseront à tous ceux qui ont été fragilisés au cours de leur vie.
Dès le 4 octobre et jusqu'au 30 octobre, Marion pourra ainsi se découvrir belle et résiliente, au côté de seize autre femmes, dans l'exposition "Mue" qui se tiendra au Centre Eugène Marquis à Rennes.
Une autre exposition est organisée à Vannes après un travail en résidence et la rencontre d'autres femmes éprouvées par un cancer du sein, du 7 au 23 octobre au B.R.E.F à Vannes.