Le collectif sud-africain BCUC a joué sa musique afro-psychédélique devant une vingtaine de détenues. Une véritable évasion.
"On fait tous des erreurs, moi-même, je peux me retrouver à votre place", lance, Jovi, membre du groupe sud-africain BCUC aux détenus de la prison de Rennes venus s'abreuver à sa musique afro-psychédélique, à l'occasion d'un des concerts phares des Trans Musicales.
L'espace d'un après-midi, le gymnase du centre pénitentiaire pour hommes de Rennes-Vezin s'est mué en salle de concert. Estrade, chaises, éclairages ont été installés.
L'ingénieur du son vérifie les ultimes réglages tandis que les sept membres des Bantu Continua Uluru Consciousness (BCUC) échauffent leurs voix. Une vingtaine de détenus sur la centaine d'inscrits franchissent timidement la porte d'entrée de la salle de sport.
"Ça change de la cellule!" lance un autre en dodelinant de la tête aux rythmes des percussions traditionnelles teintées de sonorités funk que distille le groupe sud-africain.
Les morceaux de musique s'enchaînent, un prisonnier plaisante: "ça permet de nous évader!"
"Il devrait y avoir des concerts plus souvent", estime Olivier. Ce jeune homme a grandi dans les Caraïbes et les airs concoctés par le groupe originaire de Soweto dans la banlieue de Johannesbourg lui "parlent".
Non loin, adossé à mur, un détenu d'une trentaine d'années écoute religieusement les paroles saccadées de Jovi, leader du groupe. "Je suis venu par curiosité. Moi, je fais du rap, je compose un peu en cellule", raconte-t-il.
Il participe aux ateliers de création musicale proposés par l'établissement pénitencier.
Le concert ainsi que ces ateliers font partie d'un projet autour de la vie musicale en prison, organisé en partenariat avec l'association Trans Musicales, la Ligue de l'Enseignement et l'orchestre symphonique de Bretagne.
Un jour, vous sortirez d'ici
Sur scène, Jovi est exalté. Le poing levé, il lance à son public : "mes frères, nous sommes tous pareils, à la fin de la journée, on souhaite tous une belle vie!"
Dans ses chansons, le Sud Africain aborde la vie quotidienne des townships, banlieues pauvres de son pays. Il évoque aussi le peuple zoulou dont il est issu.
Les tambours, les congas et le sifflet bantou aux faux airs de vuvuzela conquièrent la salle. L'énergie dégagée par les sept musiciens est communicative. Les quelques détenus installés à l'extrémité de la salle se rapprochent de l'estrade au fur et à mesure.
Yeux rivés sur le cocktail afro-psychédélique offert par BCUC, le personnel n'est pas en reste. Munis d'appareils photos, ils immortalisent tour à tour KG, Hloni, Luja, Jovi, Cheex, Skhumbuzo et Kgomotso.
Un concert en milieu carcéral n'est pas une première pour les BCUC qui en ont déjà donné un en Afrique du Sud et un autre aux Pays-Bas.
"Nous restons des professionnels quel que soit l'endroit, le public ou la couleur", juge Kgomotso, l'unique femme du groupe.
"Les personnes en prison restent des personnes, elles font partie de la communauté", poursuit Hloni, l'un des percussionnistes. "BCUC, c'est la musique du peuple pour les peuples."
Après près d'une heure de spectacle, Jovi achève le concert en s'adressant aux détenus: "un jour, vous sortirez d'ici." Un bref échange s'ensuit.
L'un demande comment se procurer les chansons du groupe. "Sur YouTube", répond Jovi. Le détenu tente d'expliquer dans un anglais approximatif qu'il n'a "pas accès à internet", rendant la salle hilare.
Quant à Mehdi, il a apprécié ce "moment de partage". "Ça fait du bien de rencontrer des gens, de sortir de sa cellule." Il compte rédiger un papier dans le prochain numéro du "canard des détenus".
La salle se vide. Olivier, le détenu caribéen, commence à ranger le gymnase. Le percussionniste Luja vient à sa rencontre, et, avec une accolade amicale, lui glisse: "merci d'être venu."