La musique de Joanna est un subtil mélange de pop et de RnB. Ses textes en français évoquent la liberté des corps, l'égalité entre les femmes et les hommes et le respect de l'autre. Joanna est une étoile montante de la scène musicale, c'est le festival des "Vieilles Charrues" qui le dit. Cette jeune femme est surtout le symbole d'une génération qui ose. Rencontre.
Des sucreries acidulées sur la table, de jolis canapés rouges feutrés, la loge de Joanna est lumineuse et confortable. A quelques minutes de son concert, Joanna se sait attendue. Ce soir-là la jeune chanteuse de 23 ans joue à domicile, à Rennes, la ville qui l'a vue grandir. La salle de concert flambant neuve qui l'accueille pour la soirée se situe à deux pas du quartier populaire où vivent toujours ses parents. Là où tout a commencé.
C’est dans l’une des tours de la Courrouze que Joanna a réalisé son premier morceau « Séduction ». En quelques jours la vidéo a affolé les compteurs.
Joanna : une combattante décidée à prendre sa chance
Aujourd’hui les clips de Joanna comptent des millions de vues sur YouTube, sa page Instagram Joannaclubbb gagne des abonnés chaque jour. À 23 ans Joanna est une jeune femme de son temps. Une combattante qui inspire ses fans.
En peu de temps, la Bretonne a renversé le cours de sa vie. Etudiante en 2018 en arts du spectacle à la fac de Rennes 2, son université est souvent fermée à cause des grèves. Elle, qui désire tant travailler dans le milieu de l'audiovisuel, n'a pas pu entrer dans les écoles de son choix. La jeune femme décide de tenter sa chance. "Globalement dans ma vie, rien n'allait à ce moment-là. Problèmes perso, psycho, il fallait que ça sorte, sinon je ne sais pas ce que j'aurais pu faire" lance calmement la jeune femme d'un regard presque déstabilisant.
Avec ses cheveux de feu, Joanna dégage une grande détermination, mais également des failles. Comme si malgré ce début de réussite, tout était sur un fil.
Dans ses chansons, le discours est cash, la voix calme et posée. Par ses textes Joanna délivre un part d’elle-même. "Un petit bout de ta peau coincé entre mes dents. J'imagine nos corps dépendants" ou "Viens m'rejoindre dans la salle de bain. Coller ta langue entre mes seins. Pourquoi s'retenir, on a envie. Après tout, on est samedi".
Ce premier clip autoproduit fait mouche. Le morceau ne lui appartient plus tant les vues s'additionnent. Alors forcément le téléphone se met à sonner.
Joanna se souvient de cette rencontre avec le milieu professionnel : "J'étais contactée par des maisons de disques. Les professionnels me disaient immédiatement de faire encore plus fort sur un deuxième titre. Mais moi je cherchais encore mon identité artistique, personnelle."
On a pris une claque. On a eu tout de suite eu envie de la suivre.
Jeanne Rucet. Co-programmatrice des Vieilles Charrues
Le festival des Vieilles Charrues, un des plus grands festivals de France, a programmé la chanteuse lors de son édition 2021. La programmatrice Jeanne Rucet se souvient de la découverte de Joanna. "On a pris une claque. On s'est dit : "mais d'où elle sort avec ce clip très beau, très esthétique et sa voix sensuelle ?" Elle a explosé tous les compteurs. Immédiatement nous avons été séduits par son projet hyper intéressant entre pop et RnB."
Sur scène le personnage de Joanna affiche une sensualité décomplexée. Pour l’artiste une telle attitude est le meilleur moyen de lutter contre le machisme. Ce thème est au centre de son message.
" La force de Joanna est d'être en phase avec son temps" décrypte Jeanne Rucet. Pour la programmatrice des Vieilles Charrues, le projet musical de Joanna est aussi bon dans la forme que sur le fond. "Joanna affiche une image de femme fatale avec sa pop sensuelle affirmée. Elle n'a pas peur, ses textes sont forts. Elle parle de désir, d'amour, d'égalité entre les femmes et les hommes."
Son combat : la lutte contre le patriarcat et l’homophobie
Derrière l’image de séductrice et de beauté froide conçue pour la scène, il y a un discours. Celui d’une jeune femme de 23 ans en lutte contre le patriarcat. "C’est le patriarcat qui m’a fait souffrir, et qui continue de le faire comme pour des millions des gens."
Les mots sont prononcés avec vitesse comme si le fait d’y penser faisait remonter des souvenirs. "Le patriarcat, l’homophobie, les violences faites aux femmes, je veux utiliser la musique et l’art pour dénoncer les choses".
Le patriarcat, le mot est lâché, répété. Cette organisation sociale basée sur l’autorité des hommes et particulièrement celle du père, cette organisation qui met la femme à l'écart.
Joanna, tout en pudeur, sans mentionner de moment précis de sa vie dans ce quartier populaire de Rennes, livre à demi-mots. "J'ai connu des difficultés, la pauvreté, les HLM, les problèmes de santé, les combats, je suis fille unique, et j’étais seule… Mes parents… Leur vie à l’époque c’était l’enfer. Tout ce qu’ils ont vécu… je me suis tout pris dans la gueule et cela m’a donné la force d’avancer, de faire ce que j’ai envie de faire."
Les problèmes de jeunesse ou de relation avec son père, c’est sa mère qui en parle le mieux. "Joanna, c’est la prunelle des yeux de son père. Il y a eu des problèmes de santé dans la famille et j’ai dû tout gérer. Cela s’est répercuté sur Joanna. Cela a pu être difficile pour elle."
Malgré un quotidien bouleversé, Joanna a eu accès par ses parents au monde de la culture. Josiane, sa maman témoigne : "Elle a très vite eu goût pour le milieu de l’art, la chanson, le théâtre. Avec mon mari, ne sommes pas de ce milieu. Un jour elle nous a dit vouloir tout arrêter pour faire de la musique. Nous aurions préféré qu’elle soit avocate, mais on lui a dit que l’on serait derrière elle pour l’aider."
Ce jour a été un nouveau départ pour Joanna et sa famille. Dans un sourire, la chanteuse livre une de ses joies "maintenant mon père pleure dès qu’il me voit sur scène. Il écoute tout le temps mes chansons. Il est à fond et c’est très beau, il s’est ouvert, ma mère aussi. On avance ensemble."
Dans « Sérotonine », son premier album qu’elle défend actuellement sur scène, Joanna parle d’elle, de ses souffrances. "Je pars de cela comme base pour extérioriser, pour mettre des mots sur ce qui est révoltant."
Pour Joanna la lutte fait partie de sa vie depuis toujours. "Tout est combat. Je suis habituée au combat, je suis toujours dedans, c’est la seule chose que je connais. Depuis que je suis petite il faut que je me batte pour plein de trucs, tout le temps. C’est ma manière de fonctionner. Du coup je l’applique sur mes sujets, sur mon image."
Les fans en pleine « Maladie d’amour »
Venus pour tenir le stand du « merch », les affiches et CDs, les parents de Joanna échangent avec le public de leur fille.
Sa maman apprécie ce public surexcité avant le concert. "Dans ses fans, il y a des jeunes, pas mal d’homos, des trans. Au début cela nous a surpris. Avec mon mari nous sommes vraiment très heureux de découvrir avec son public un autre monde. C’est des gens tellement gentils."
A l’extérieur de la salle de concert un fan est déjà présent. "Joanna c’est notre Mylène Farmer d’aujourd’hui. J’en suis dingue, en plus elle vient d’ici." Pour une jeune femme parler de Joanna est comme faire une déclaration "Joanna, c’est fou. C’est ma maladie d’amour."
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Les professionnels de la musique également ne la quittent pas des yeux. La chanteuse Yelle qui a une forte notoriété en France et à l’étranger soutient la jeune Bretonne en l’invitant sur de nombreuses premières parties. C’est d’ailleurs en ouverture de Yelle que la programmatrice des Vieilles Charrues, Jeanne Rucet, avait positionné Joanna le samedi 18 juillet 2021.
Jeanne Rucet, experte en groupe émergent, est certaine que Joanna sera une chanteuse avec qui la scène française va compter. Faire jouer Joanna sur la grande scène de Carhaix n’est pas sa seule manière de soutenir la jeune artiste. "Avec les Vieilles Charrues on la suit depuis ses débuts. La faire jouer juste avant Yelle était cohérent, d’ailleurs le public a offert un retour chaleureux. Le contexte de ces deux dernières années n’a pas été simple pour les artistes en développement. Notre rôle, nous programmateurs, est de ne pas oublier les artistes qui sont en train d’émerger."
Jeanne Rucet explique également soutenir Joanna autrement. "Je parle d’elle quand j’échange avec d’autres programmateurs dans nos réseaux de festivals en France ou en Europe. Je pense qu’elle reviendra aux Vieilles Charrues."
Pas étonnant d’apprendre que Joanna est si suivie. Un style qui parle aux jeunes, des millions de vues sur YouTube, un compte Instagram très actif et surtout des morceaux qui font danser les jeunes de son âge comme sur ce concert à guichets fermés à la Gaîté Lyrique à Paris.
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Joanna encore un talent que Rennes offre à la place parisienne. Après Daho et la scène rock des années 80 issue des Transmusicales et de la salle de la Cité, c’est maintenant une jeune femme qui mélange RnB et Pop qui prend la lumière.