Les sages-femmes sont appelées à faire grève du vendredi 22 au lundi 25 octobre. Elles demandent une amélioration de leurs conditions de travail et une reconnaissance de leur métier. Charlotte Godet, sage-femme au CHU de Rennes dresse un portrait inquiétant de la situation.
Charlotte Godet a 37 ans. Elle exerce son métier de sage-femme depuis 14 ans. Après une année de médecine et 5 années d’école de sage-femme, Charlotte a exercé dans différentes maternités et hôpitaux privés et publics. Depuis 2009 elle est installée à Rennes et travaille au sein de la filière physiologique de l’hôpital Sud.
"Dans la filière physiologique de la maternité de Rennes, nous proposons aux femmes d’accoucher de la plus naturelle des façons. Notre philosophie est une femme = une sage-femme. Ce devrait être la norme partout mais malheureusement nous sommes l’exception" explique tout de suite Charlotte.
Des services à flux tendu
Quand elle n’a pas d’accouchement physiologique en cours, Charlotte Godet vient renforcer les équipes du service « classique ». Elle connaît bien leur rythme de travail.
"Il y a quelques jours je suis arrivée à 20h15 pour prendre ma garde et je n’ai pas pu m’assoir ni manger avant 3h du matin. Parfois on peut se faire10h ou 12h sans pouvoir se poser." La sage-femme explique que les services de maternité sont tous à flux tendu. Quand beaucoup de femmes prêtes à accoucher arrivent en même temps, les sages-femmes doivent tout rationnaliser, anticiper et prendre des décisions dans l’urgence sans parfois pouvoir tenir compte du projet de naissance du couple.
Nous sommes nombreuses à trouver que nous devenons maltraitantes à force de devoir aller toujours plus vite
« La grossesse, l’accouchement et la maternité sont des moments très importants et très précieux dans la vie d’une femme. Elles ont besoin d’être accompagnées dans ces étapes, d’être écoutées et d’être en confiance. Malheureusement on n’a plus le temps d’être à leur côté » ajoute cette maman qui connaît l’envers du décor.
3800 accouchements par an et le risque médico-légal en épée de Damoclès
Au CHU de Rennes, quatre sages-femmes se relaient en permanence. Chaque année, elles réalisent 3800 accouchements, soit 10 accouchements toutes les 24 heures, en moyenne. Mais cette moyenne cache bien des écarts et des périodes de fortes tensions. La peur de l’accident et le risque médico-légal sont extrêmement présents. "Aujourd’hui 40% de la profession est en souffrance psychologique ! Nous sommes arrivées à un stade où on se demande comment on va faire pour continuer. Les maternités sont en train de craquer !" prévient Charlotte Godet.
Une profession qui peine à recruter
La situation est d’autant plus inquiétante que le métier ne fait plus rêver. "Les sages-femmes stagiaires qui viennent passer du temps chez nous voient bien comment on travaille et à quelles cadences on est contraintes. Elles n’ont pas envie de se lancer là-dedans et se dirigent vers le privé ou le libéral" rapporte Charlotte.
Des études exigeantes, des conditions de travail très difficiles et un salaire peu attractif (1700 euros nets pour une sage-femme débutante), le métier désormais rebute plus qu’il n’attire alors que les besoins sont grandissants à mesure que le nombre de gynécologues diminue.
"Je ne comprends pas. Comment la France, un pays riche, peut-elle négliger à ce point les femmes dans leur maternité ?", s’interroge Charlotte Godet. L‘institution est maltraitante et nous le devenons aussi de force."
Pour la quatrième fois de sa carrière Charlotte Godet est descendue dans la rue le 7 octobre dernier et s’est mise en grève ce vendredi pour dire son exaspération et sa colère.
Avec ses consœurs elle demande un renforcement des effectifs mais aussi une plus grande reconnaissance du métier.