"Rêvons que le foot ne soit bientôt plus une histoire de gars ou de filles" quand le sport reste une affaire de sexe

La journaliste Anne Gouerou s'est intéressée à l'inégalité entre sexes, dans tous les domaines. Elle en a fait une série, diffusée tous les dimanches dans l'émission Bali Breizh sur France 3 Bretagne. Dans cet épisode elle s'interroge sur le chemin encore à parcourir dans le monde su sport.

Anne Gouérou est journaliste indépendante.  Dans la série qu'elle a réalisée, intitulée Reizh Direizh , elle aborde la question de l'inégalité des sexes, à différentes étapes de la vie. 

Chaque semaine dans Bali Breizh sur France 3 Bretagne

Les épisodes de la série d'Anne Gouérou sont diffusés chaque dimanche à 9 h 55 dans l'émission en langue bretonne Bali Breizh sur France 3 Bretagne.

Nous les publions également chaque semaine ici, sur notre site. Ils sont accompagnés d'une explication de l'auteure sur son travail et son constat. 

Ce quatrième épisode s'intéresse au "sport au féminin", sous l'angle de l'égalité des sexes. 

Regardez le 4è épisode de Reizh Direizh :

 

Le mot de l'auteure :

"Pour en savoir plus sur le foot féminin, je n'ai pas besoin d'aller chercher loin. J'ai toujours vu ma nièce jouer au ballon rond sur la pelouse familiale. Petite, Maina était membre des Paotred Briec ; aujourd'hui, jeune trentenaire, elle est affiliée au Racing Club Lesnevien. Quand je lui demande de rassembler les quelques documents qu'elle aurait pu conserver de son parcours d'enfance, je n'imagine pas une seule seconde la richesse de la moisson. Non seulement elle a conservé l'ensemble des coupures de presse, mais elle me présente également des billets d'entrée au stade pour quelques matches remarquables et aussi une vraie collection de magazines, rédigés de sa main. Certains sont bilingues et proposent, comme les vraies revues sportives, des posters à afficher dans sa chambre ! Ces archives témoignent d'un incroyable intérêt pour tous les sports. En creux, elles montrent aussi l'absence quasi-totale des sportives dans les médias. S'il n'y a pas de photos ou de monographies d'elles dans les documents de
Maina, c'est tout simplement parce qu'on en parle à peine et qu'elle n'a sans doute aucune source d'information sur les femmes des sports collectifs qu'elle suit. En 2003, elle a treize ans quand elle assiste à son premier match féminin : l'équipe de France affronte la Pologne à Quimper, ville pionnière du foot féminin. Elle avoue alors qu'elle ne savait même pas qu'il y avait une équipe de France féminine !"

Mesurer l'impact de ce désert médiatique sur les jeunes sportives.

"Il faut mesurer ce que cela signifie quand on voit le niveau d'information exceptionnel de cette adolescente. Elle se souvient qu'elle avait à peine entendu parler de Marinette Pichon, la seule footballeuse ayant un peu de notoriété à cette époque. Sachant l'importance de l'identification aux modèles dans la construction des jeunes, il faut, là aussi, mesurer l'impact de ce désert médiatique sur les jeunes sportives. Car, dans le monde du football en particulier, la situation relève de la caricature : aux garçons, les rêves de grandeur grâce aux innombrables vedettes surmédiatisées ; aux filles, le vide
intersidéral ou presque."

Des chiffres

"Sur la période 2018-2021, l'Arcom* nous apprend que le volume horaire de sport masculin à la télévision est seize fois plus élevé que celui du sport féminin. En moyenne, le sport masculin a représenté 71,5 % des diffusions contre 4,5 % pour les épreuves féminines. Les 24,1 % restants étant la part du sport mixte, tel qu'on peut le voir aux Jeux Olympiques par exemple. Sidérant ? Imaginez alors que c'était encore pire juste quelques années auparavant. En effet, ces 4,5 % de temps télévisé pour les sportives dans leur ensemble représentent une augmentation de 50 % pour elles, contre une augmentation de « seulement » 22 % pour le sport masculin sur la même période."

Coupe du monde féminine

"Elle a été la coupe du monde la plus suivie de l’histoire du football pratiqué par des femmes. On peut dire qu'elles reviennent de loin, car ce n'est qu'en 1970, acculée par l’explosion du nombre de joueuses, que la Fédération Française de Foot (FFF) reconnaît officiellement le football féminin. Tout cela serait-il de l'histoire ancienne ? Non, parce qu'aujourd'hui encore, aucune des joueuses de D1, l'équivalent de la ligue 1 pour les hommes, ne dispose d'un statut professionnel. Ce serait au programme de l'année 2024, grâce aux virulentes prises de position de personnalités contre le manque de considération de la FFF pour la pratique féminine."

"Comment peuvent-elles progresser et rivaliser à l'international sans ce statut ? Les footballeuses de plusieurs pays l'ont obtenu et les résultats sont parfois impressionnants, comme en Angleterre par exemple."

Les téléspectateurs découvrent une équipe chaleureuse et talentueuse

"En attendant, les records d'audience des matches féminins ne se démentent pas depuis les années 2010. Ainsi, face au désolant spectacle de l'équipe de France à la Coupe du monde masculine d'Afrique du Sud, la Coupe féminine de 2011 donne le change. Les téléspectateurs découvrent une équipe « aussi chaleureuse que talentueuse » explique Mickaël Correia dans son livre Histoire populaire du football**. Pour la première fois, les exploits de ces dames sont diffusés sur une chaine non payante et les quatre matches retransmis cartonnent sur D8 : plus de 17 % de part d'audience pour la demi-finale.
France/États-Unis ! En 2015, lors de la Coupe du monde au Canada, ce sont, cette fois, 22 matches qui sont retransmis en clair sur W9. Là encore, le record d’audience pour une chaîne de la TNT est battu, lors du quart de finale France-Allemagne (plus de 4 millions de téléspectateurs.trices). Ces records d’audience ouvrent un boulevard aux chaînes grand public : ce sera TF1 pour la Coupe du Monde de 2019, puis France 2, France 3 et M6 pour la Coupe 2023. On croit rêver ! Alors revenons sur terre avec les précisions de Carole Gomez, sociologue du sport, qui indique que les matchs de première division en France sont toujours filmés par une seule caméra. Inutile donc d'attendre, pour l'instant, un spectacle à niveau avec ce que nous offrent ces messieurs."

Mais les progrès sont là

"Il y aurait encore tant à dire : l'encadrement trop souvent masculin à 100 % des équipes féminines, les salaires et primes… Mais regardons plutôt le verre à moitié plein qu'à moitié vide : les progrès sont là. Alors, avec Maina, rêvons que le foot ne soit bientôt plus une histoire de gars ou de filles, mais tout simplement un sport dans lequel les questions de genre ne s'invitent plus. Si vous aimez ce sport et que vous voulez y jouer avec les autres, de la cour de récré aux stades les plus prestigieux, soyez tous·tes les bienvenus !"


Anne Gouerou


Retrouvez chaque dimanche un épisode de Reizh Direizh dans Bali Breizh, à 9h55 sur France 3 Bretagne et en replay sur France.tv.

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