Témoignages d'orthophonistes. “Il est honteux de ne pas rémunérer les salariés à la hauteur de leur diplôme” : la colère d'une profession

Les orthophonistes se disent méprisées, non reconnues financièrement à la hauteur de leur diplôme. Paris, Rennes, Brest, Lyon, ce 5 octobre elles manifestent pour être enfin reconnues. Témoignages.

Un diplôme reconnu Bac +5, mais des salaires au niveau Bac+3. "Déjà 10 ans que les orthophonistes ne sont pas reconnues à la hauteur de leur diplôme" alerte Sophie Postic, orthophoniste à Quimper et représentante des 1.000 orthophonistes de Bretagne.

1700 euros net pour un Bac +5

La rémunération des orthophonistes est la première des revendications pour cette journée de grève nationale, ce 5 octobre 2023. “Il est honteux de ne pas rémunérer les salariées à la hauteur de leur diplôme” s'insurge Sophie Postic.

"En début de carrière, une orthophoniste salariée touche en moyenne 2000 euros brut par mois, soit 1700 euros net par mois" détaille Typhaine Poitrenaud, orthophoniste à Hennebont dans le Morbihan. "Il faut être réaliste, le salaire n'est pas à la hauteur. Avec ce niveau d'étude, pour toucher si peu, les étudiants préfèrent partir en libéral" regrette la salariée du centre médico-psychologique Sud-Bretagne.

Pas assez d'orthophonistes à l'hôpital

Ce sont les patients qui sont les victimes de ce système vécu comme une injustice par les orthophonistes. "Les orthophonistes salariées à l'hôpital, ou structure médico-social, interviennent très tôt sur des patients ayant un besoin urgent de rééducation" constate Anne Michel, orthophoniste en neurologie à CHU de Rennes. 

Après un AVC, un traumatisme crânien, une opération due à un cancer de la gorge ou de la langue, les patients bénéficient d'un suivi orthophonique. Une rééducation pour réapprendre à parler, manger ou raisonner. "Cette rééducation doit se faire le plus tôt possible. C'est un travail intense avec plusieurs séances par jour. Il faut travailler très tôt après l'opération sinon cela fonctionne moins bien" souffle la spécialiste. 

Mais en sortie d'hôpital les patients ne trouvent pas les soins utiles à leur situation. "Et parfois même les hôpitaux ne peuvent leur fournir faute de personnel" souffle la syndicaliste, Sophie Postic.

Faute d'une grille salariale raccord avec leur diplôme, la profession d'orthophoniste salariée est menacée de disparition constate la présidente du syndicat des orthophonistes de Bretagne. "Il n'y a même plus de fiches de postes pour embaucher dans certains hôpitaux. Ils savent qu'ils ne trouveront personne" certifie Sophie Postic.

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Des listes d'attente trop longues dans le privé

Et les orthophonistes libérales ne sont pas à la fête. "Un an d'attente pour un rendez-vous", grimace l'orthophoniste de Quimper. "Nous avons créé une plateforme commune pour tous les orthophonistes en Bretagne. À Quimper dans un rayon de 50 kilomètres, il y a 1.000 personnes en attente de rendez-vous. Nous sommes submergés. Les patients ne peuvent recevoir les soins qu'ils devraient avoir". Les professionnels s'interrogent, quel avenir pour leur profession ?

Pour Sophie Postic, le gouvernement doit valoriser les salaires des orthophonistes salariées travaillant à l'hôpital et en structure médico-social. "Avec un meilleur salaire, il y aura plus de jeunes motivées pour se faire embaucher et cela désengorgera les cabinets privés".

"On va être payé des cacahouètes. Par manque de reconnaissance salariale, je ne sais pas si j'irai travailler à l'hôpital et pourtant c'est mon souhait".

Laëtitia Lucchesi, étudiante en 3e année d'orthophonie à Rennes

Laëtitia Lucchesi et Elisa Hoorne sont deux étudiantes en 3e année de formation à Rennes. Elles souhaitent toutes les deux déboucher sur un poste à l'hôpital. "Travailler en équipe pluridisciplinaire, offrir le meilleur aux patients", les deux jeunes femmes en rêve. La réalité risque d'être différente.

"On va être payé des cacahouètes. Par manque de reconnaissance salariale, je ne sais pas si j'irai travailler à l'hôpital et pourtant c'est mon souhait" se désole Laëtitia. "Le jour où je voudrai une famille ou un prêt pour un logement, je devrais aller en libéral", s'indigne Elisa.

"Notre profession sauve des vies mais il n'est pas reconnu à la valeur de son utilité et de son diplôme". Les deux étudiantes rennaises gonfleront les rangs des professionnels qui feront grève ce jeudi 5 octobre.

"A Paris, elles vont organiser un sit-in devant le ministère, à Brest des membres du collectif vont rencontrer des parlementaires." dévoilent avec espoir les étudiantes. À Rennes le collectif, compte aborder les passants pour faire connaître leurs revendications.

Cette profession fait partie "des métiers passion" assurent ces étudiantes dont 97% des professionnelles sont des femmes. "Peut-être qu'il y a une corrélation" s'interrogent les étudiantes.

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