Le réseau Loisirs Pluriel, qui favorise l'inclusion des enfants en situation de handicap, est en sursis. Faute de financement suffisant, une trentaine de centres d'accueil en France ferment leurs portes au moins jusqu'à la fin décembre. Pour les familles, c'est l'inquiétude. Le réseau est leur bouffée d'oxygène.
Elles s'appellent Anouk et Amaya. Elles ont 17 ans et demi. Et sont atteintes du syndrome de Dravet, une maladie rare.
Scolarisées en journée en IME (institut médico-éducatif), les deux jumelles sont d'ordinaire accueillies le samedi, et une partie des vacances, à Cap' Ado à Rennes, l'une des 31 structures en France du réseau Loisirs Pluriel.
Mais faute d'argent, le réseau est aujourd'hui en sursis. Les portes des centres resteront fermées en décembre. 1.200 enfants se retrouvent sur le carreau en France, 400 sur la région Bretagne.
"Là bas, elles respirent. Et là tout s'arrête..."
Pour les deux adolescentes, la fermeture est vécue comme une punition. Loisirs Pluriel, qui a vu le jour à Rennes en 1992 et qui accueille les mercredi et samedi des enfants de tous âges, a fait de l'inclusion sa raison d'être.
A Cap' Ado, on danse, on chante, on sort. Y a des gens qui sont handicapés, d'autres non. A Cap' Ado, on peut vivre avec les autres. Comprendre les différences
Anouk
"Ça leur fait beaucoup de bien, souligne Mathilde, la mère des deux jumelles. Là-bas, elles font des activités qu’elles pourraient faire nulle part ailleurs. Elles vont au musée, font du sport, de l’accrobranche, c’est extraordinaire. Il y a tous les types de handicaps et des enfants valides. Ils sont tous mélangés, c'est incroyable. Les directeurs, les animateurs sont très à l’écoute, bienveillants, toujours positifs. Quand on les dépose, on sait que la journée va très bien se passer, qu'elle rentreront heureuses. Mais ce mois-ci, tout s'arrête".
Il manque 300.000 euros par an
Depuis des semaines pour le réseau, l'heure n'est plus à la sérénité. Faute de financement suffisant, Loisirs Pluriel est fragilisé et se retrouve dans une situation précaire, contraint de fermer provisoirement ses sites.
"Si nous ne fermons pas les centres de loisirs et les espaces jeunes en décembre, explique Bérénice Staedel, la présidente, nous ne pourrons pas assurer l’année 2023 et à moyen terme, nous prenons le risque de voir le réseau disparaître".
"Nous avons le soutien de nombreux partenaires publics, mais nous avons besoin de 300.000 euros par an supplémentaires pour nous permettre de maintenir la qualité d’accueil et d’accompagnement. Les effectifs réduits, l’encadrement renforcé, les activités adaptées à tous..."
Le réseau s'active donc pour trouver une solution avec ses partenaires, collectivités, Agence régionale de santé, CAF, CPAM etc. Des discussions dont les parents attendent l'issue avec anxiété. Loisirs Pluriel est aussi leur bouffée d'oxygène.
Loisirs Pluriel, un peu de répit pour les parents
L'accueil des enfants sur le réseau permet aux familles de souffler et de maintenir dans l'emploi des parents qui pourraient être contraints de diminuer voire de cesser leur activité professionnelle.
Après la naissance d'Anouk et d'Amaya, Mathilde, leur mère, a dû se résoudre a stopper sa carrière. Seul son époux travaille.
"Et même si elles sont aujourd'hui scolarisées dans un IME, dit-elle, le temps disponible est très faible, pour faire les courses, s'occuper des autres enfants, penser à soi, retrouver de la sérénité, et c'est impossible de trouver un moyen de garde. A l'adolescence, il y a beaucoup d'opposition, parfois un peu de violence. C'est lourd. Peu de gens sont formés pour gérer ça. On a aussi perdu des amis. On n'a jamais de répit."
"Si ca ne rouvre pas, c'est une catastrophe"
Mathilde ne veut pas croire que le réseau puisse mettre la clé sous la porte.
"Pour énormément de familles, ce serait une catastrophe. Quand on est parent, on peut devenir fou. Parfois on voit dans les journaux, à la télé, que certains pètent les plombs. Mais les gens ne s'imaginent pas à quel point c'est parfois très compliqué. J'espère que les pouvoirs publics vont faire quelque chose".
"On veut juste une prise en charge dignement, qu’ils puissent être heureux comme les autres" ajoute cette mère de famille.