Établissement recevant du public ou simple maison d'habitation proposant des colocations, une ancienne auberge reconvertie en accueil pour des seniors et personnes handicapées, à Meillac (Ille-et-Vilaine) fait l’objet d’une enquête après un avis de la commission de sécurité défavorable. La gérante de la maison familiale tient à défendre son lieu de vie et a saisi le tribunal administratif et le Conseil d'État.
À l'origine, c'est une auberge. Un hôtel-restaurant, le relais de Tournebride, tenu pendant plus de 20 ans par un couple à Meillac, petite commune d'Ille-et-Vilaine, située entre Saint-Malo et Rennes. Depuis un peu moins d'un an, le bâtiment est devenu une maison familiale proposant douze chambres meublées avec sanitaires et des espaces communs pour des seniors et personnes présentant un handicap.
Les personnes faisant le choix de venir y vivre signent un contrat de location pour leur logement et un contrat de prestation de services pour les aides annexes : les repas, l’entretien du linge, la réalisation du ménage dans leur espace de vie privé, les activités proposées…
Cette maison accueillait "jusqu'à encore quinze jours", selon sa gérante Katell Piron, des personnes âgées. Lors du reportage de notre équipe (Baptiste Garguy-Chartier et Benoit Le Vaillant) ce mercredi 22 mai 2024, la maison était vide de tout occupant.
Car, depuis décembre 2023, un arrêté communal de fermeture a été pris à l'encontre de cette maison familiale.
Un avis défavorable de la commission de sécurité
À l'automne dernier, la structure est contrôlée par une commission de sécurité qui délivre un avis défavorable. Considérant que la maison familiale n'est pas un ERP (Établissement recevant du public) car "sa demande de changement de destination en habitation a été acceptée par la mairie en mai 2023", la gérante ne veut pas entendre parler de cet avis défavorable et demande un recours gracieux au maire. Ce dernier le refuse et prend donc un arrêté de fermeture.
Katell Piron considère en effet sa structure plutôt comme une habitation avec des colocataires ayant accès à des services annexes, donc pas soumise à cette commission. "Le fait d’avoir des espaces privatifs partagés ne fait pas de ces derniers des espaces ouverts au « public »" précise-t-elle.
Elle rappelle également qu'elle a reçu en février dernier, une inspection de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP), du service répression des fraudes à la demande de la sous-Préfecture de Saint-Malo. "Les contrats de location et de prestations de services, les devis réalisés ont été contrôlés. La cuisine visitée, l’intérieur du réfrigérateur (montrant que la cuisine est réalisée sur place avec des plats « fait maison »), le plan de travail de préparation des denrées alimentaires contrôlé, la traçabilité vérifiée….Et que le compte-rendu de cette visite ne mentionne aucune remarque sur ces sujets" détaille la gérante.
Pour autant, pour Georges Dumas, maire de Meillac, il n'est pas question de faire machine arrière : "C'était un accueil pour personnes âgées non dépendantes, après, c'est devenu de la colocation puis de l'habitat partagé. Enfin, on ne sait plus où on va et on ne sait plus quel nom donner à cet établissement. Nous, on veut protéger les gens qui sont à l'intérieur. Quand ils habitent à Meillac, ce sont des habitants de la commune et ils doivent être protégés comme tous les habitants de Meillac". Surtout que des témoignages négatifs ont été remontés jusqu'à la mairie.
Des avis négatifs mais aussi positifs
Ainsi, la fille d'une ancienne résidente de la structure, âgée de 62 ans, a confié auprès de nos confrères de Ouest-France, les raisons pour lesquelles elle avait retiré sa mère une semaine après son entrée dans la maison de Tournebride : "des conditions de vie qui ne correspondaient pas à la description", "pas de place pour une chaise dans la salle de bains, pas adaptée à la station assise de sa mère qui ne pouvait plus marcher seule" ou encore "une alimentation très rudimentaire, avec des boites, et trois à quatre fois la même repas à suivre".
Des propos que cette fille de résidente n'a pas souhaité nous réitérer mais qu'elle nous a confirmés. Témoignage auquel rétorque Katell Piron en précisant par exemple que "chaque chambre dispose également d’un circuit électrique indépendant" et qu'en ce qui concerne les aides en hygiène, "ce sont soit des infirmières qui les réalisent ou un service d’aide à domicile".
Nous avons par contre réussi à joindre le fils d'un ancien colocataire qui se dit satisfait, n'ayant "rien à reprocher" à la structure, son père "étant bien" à chaque fois qu'il y était allé.
Une structure "bonne alternative entre la vie à domicile et l'Ehpad"
Ancienne infirmière, ayant exercé dans des Ehpad et ayant de l'expérience auprès de personnes en situation de handicap, selon elle, Katell Piron tient à ce projet de maison familiale et défend l'idée de structures d'accueil des seniors différentes des maisons de retraite ou des Ehpad, "surtout que l'on manque cruellement de places".
Elle légitime sa structure d'habitat partagé en colocation par le fait que "les gens sont de plus en plus à la recherche de solutions pour leurs aînés et attendent de nouveaux concepts… comme celui-ci qui est une bonne alternative entre la vie à domicile et l'Ehpad".
Suite à l'arrêté de fermeture, la gérante a déposé un recours auprès du tribunal administratif et du Conseil d'État pour débloquer la situation. Elle compte bien arriver à ce que son établissement soit reconnu comme une habitation partagée et non pas comme un établissement recevant du public. Elle espère ainsi que l'arrêté soit annulé afin de retrouver de nouveaux résidents.