Une plage, une histoire : la Touesse à Saint-Coulomb, le refuge de Colette

Située sur la commune de Saint-Coulomb, entre Saint-Malo et Cancale, la plage de la Touesse offre un cadre idyllique à l’abri du vent. Elle est aussi appelée la plage de Colette. L’auteur du «Blé en herbe», l’un des plus grands écrivains français, y passa ses étés de 1910 à 1926.
 

«  Se dire que ce que l’on voit est exactement ce que Colette a vu, ce sentiment d’éternité… c’est cela qui est frappant » s’émerveille Frédéric Maget, le président de la Société des Amis de Colette. Rien effectivement en 100 ans n’est venu gâcher le lieu : la plage, la maison où vécut Colette sont intactes.



A l’abri du monde


C’est en 1910, à la faveur d’une excursion sur la côté cancalaise, que l’écrivain et sa compagne de l’époque, Mathilde de Morny, dite Missy, découvrent la plage de la Touesse et le manoir de granit noir qui trône sur ses dunes.
 


L’endroit est calme, isolé, retiré du monde, de quoi séduire Colette qui aspire à fuir le Tout-Paris. 
Reste à convaincre la propriétaire des lieux de vendre son bien. A l’époque, les deux femmes défraient la chronique rappelle Frédéric Maget.

«  Missy est une femme qui non seulement assume librement à la ville comme dans le privé ses amours mais également son identité de genre masculin. Missy se sent un homme, elle s’habille en homme ! Pour la propriétaire, il est hors de question de signer le contrat à cette femme, fut-elle la dernière fille du duc de Morny et donc apparentée à Napoléon III ! »
 


Missy trouve un arrangement : elle fournit les fonds et c’est Colette qui signe l’acte d’achat. Mais Missy ne profitera pas bien longtemps de la maison.

« Dès 1911, le couple Colette-Missy se sépare et Missy magnanime, comme elle l’a toujours été dans sa vie, souligne Frédéric Maget, ne revendique pas la maison de Rozven qu’elle laisse à Colette.»


Au plus près des éléments


Rozven devient dès lors le quartier d’été de l’écrivain, un lieu principalement dédié au divertissement comme le précise Samia Bordji, responsable du Centre d’études Colette à Auxerre.

 « A Rozven, Colette est comme un poisson dans l’eau ! Elle adore les bains de mer ! Ce n’est pas qu’elle nage extrêmement bien mais c’est un élément qui est presque vital pour elle. Elle dit bien dans sa correspondance à quel point la plage, l’eau, le sable, ces éléments la revigorent, lui donnent l’impression de renaître» explique Samia Bordji.
 


Colette se baigne même quand la mer est déchaînée et savoure, rappelle Samia Bordji, ce qu’elle appelle « des bains de cataclysme ».

Baignade, pêche, jardinage… les étés à Rozven sont bien remplis. Rozven accueille aussi les premières amours de Colette et d’Henry de Jouvenel, rédacteur en chef du Matin, l’un des grands quotidiens de l’époque, qui deviendra son deuxième époux.

Mais cette villa du bonheur et des amours est rattrapée par l’Histoire. Colette est à Rozven quand l’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914. Colette rentre à Paris pour retrouver son mari, pour exercer aussi son métier de journaliste. Elle ne retrouvera Rozven et la Bretagne qu’au sortir de la guerre où la maison va devenir, rappelle Frédéric Maget, « moins le lieu des amours, que de l’amitié. »


Rozven, la villa de l’amitié


En 1918, la relation entre Colette et Henry de Jouvenel bat de l’aile. C’est auprès de ses amis que Colette trouve du réconfort. 

« Les textes que Colette consacre dans ces années- là à ses séjours à Rozven sont extraordinaires » rappelle Frédéric Maget.  « On sent une femme qui est heureuse physiquement. Les bains de soleil, les bains de mer, la bonne nourriture, le rire, la camaraderie… elle constitue autour d’elle ce joyeux phalanstère dont elle a toujours rêvé. »
 


Samia Bordji ajoute : « Colette raconte la répartition des chambres. Il n’y a pas assez de chambres pour le nombre d’amis qu’il faut loger. Donc on improvise, on se débrouille comme on peut, on sent la joie qui règne dans ces séjours. Quand on lit les lettres de Colette, on se dit : mais quels beaux étés elle a passés ! »


Rozven, théâtre d’un amour secret


Mais chez Colette, comme le rappelle Frédéric Maget « l’amour n’est jamais bien loin. » En 1920, elle entame une relation avec Bertrand de Jouvenel, l’un des fils qu’Henry de Jouvenel a eu avec sa première épouse. Quand elle le rencontre, il a 17 ans, elle 47.

Sa liberté, sa sensualité vont séduire le jeune garçon.

 « Il faut imaginer que Colette ne ressemble pas aux femmes de l’époque. La fausse pudeur, les faux-semblants, les manières un peu étroites… ce n’est pas du tout le genre de Colette » explique Frédéric Maget.

« Sur la plage de la Touesse, à l’occasion d’un regard, d’un geste, raconte Frédéric Maget, Colette va entreprendre son éducation sentimentale et son éducation tout court. Elle l’initie à une façon de voir, d’appréhender le monde… Ils vont nouer ensemble une relation qui va durer 5 ans, une relation régulière dont Rozven est un petit peu le cadre idéal. »
 


Cette relation, qui restera cachée, inspirera à l’écrivain l’un de ses romans les plus célèbres, « Le Blé en herbe » qu’elle publie en 1923.

Cet épisode sonnera le glas de son mariage avec Henry de Jouvenel. Il signera aussi la fin de Rozven. En 1925, Colette se sépare de Bertrand que ses parents se sont empressés de marier et elle divorce d’Henry.

Un an plus tard, en 1926, elle vend Rozven. En 15 années, son refuge breton l' aura profondément transformée.

«  La femme qui arrive à Rozven en 1910 est une femme en rupture de ban, on refuse de la recevoir. En 1925, 1926 quand elle quitte la Bretagne, elle est une gloire des Lettres françaises. On lui donne la légion d’honneur, elle est devenue un écrivain qui compte et c’est finalement la Bretagne qui aura été le creuset de cette transformation littéraire, sociale et sans doute sentimentale » analyse Frédéric Maget.
 


A la faveur d’un nouvel amour, ainsi est Colette, elle s’installera à Saint-Tropez mais elle parlera toujours de la Bretagne, sa correspondance en témoigne, avec beaucoup de nostalgie.
 

« Je veux que vous voyiez Rozven, son anse de mer verte, les rochers compliqués, le petit bois, les arbres neufs et les anciens, la terrasse chaude, les rosiers, ma chambre jaune, et la plage où la marée apporte des trésors. »

Colette


En 1929, Colette collabore même avec le peintre breton Mathurin Méheut à la publication du livre « Regarde… » dans lequel les deux artistes, l’un par les mots, l’autre par les dessins, disent tout leur amour pour la Bretagne.

 «  Colette a connu et exploré plusieurs régions de France et hormis sa terre natale la Bourgogne, qu’elle a adorée sans comparaison aucune, de toutes les régions qu’elle a découvertes par la suite, sa préférée, et de loin, est restée la Bretagne » conclut Samia Bordji.

 
 
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