Après la publication de la liste des licences définitives de pêche dans les eaux de Jersey, c'est un sentiment de colère mêlée d'incompréhension qui domine à Saint-Malo. Accès refusé à certains bateaux, mesures restrictives, la cacophonie est totale. Et des blocages sont annoncés par les pêcheurs.
Toute la semaine, il a pêché dans les eaux françaises. Mais à partir du vendredi 7 mai, il va rester à quai, au port de Saint-Malo. Le "Franck Annie" est un catamaran de 16 mètres de long appartenant à la société Escoffier Pêche.
Le 30 avril, Loïc Escoffier, le patron de l'armement, a appris que son bateau ne figurait pas dans la liste des bateaux français autorisés à pêcher dans les eaux des îles anglo-normandes.
"Il y a quelques semaines, l'administrateur m'avait dit que c'était bon, que le bateau était sur la liste des licences délivrées par les autorités de Jersey, le bateau était à 100% éligible", fulmine Loïc Escoffier. "On ne m'a donné aucun motif. Je sais juste que le bateau serait peut-être sur une autre liste, mais on ne sait pas quand elle sortira". Vendredi, les huits marins encore à bord mettront donc pied à terre.
Pour mieux comprendre l'importance que revêt la pêche dans cette zone des îles anglo-normandes, nous avions suivi un équipage malouin au début de l'année 2020. Celui de Franck Le Doussal, qui lui, a obtenu la fameuse licence. "J'éspère qu'il y aura toujours une cohabitation avec les Anglais" nous disait-il à l'époque.
Licences à géométrie variable
Au total, 41 licences définitives de pêche ont été délivrées aux navires bretons et normands. Mais tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, avec des mesures spécifiques, différentes d'une licence à l'autre.
C'est le constat dressé par les comités Régionaux des pêches de Bretagne et de Normandie qui dénoncent des "mesures en totale violation des dispositions prévues dans le Traité" entre l'Union Européenne et le Royaume-Uni.
Diviser pour mieux régner
Pour les deux Comités, il s'agit là clairement "d'une démarche volontairement provocatrice de l'administration de Jersey". Dans leur communiqué publié conjointement, ils appellent à une suspension de toutes relations économiques avec l'île anglo-normande, et notamment la liaison ferry avec le continent.
Pour Loïc Escoffier, ces licences à géométrie variable sont un moyen d'opposer les pêcheurs entre eux, "diviser pour mieux régner". C'est pourquoi il se dit prêt à rejoindre le blocus du port de Saint-Hélier annoncé pour la fin de semaine.
Des actions similaires pourraient également avoir lieu à Saint-Malo "pour empêcher les Jersiais de venir débarquer leurs marchandises chez nous".
La menace de mesures de rétorsion
En attendant, les pêcheurs français ont reçu un soutien franc et massif de la part de leur ministre de tutelle.
Devant les députés, à l'Assemblée Nationale, Annick Girardin, la ministre de la mer, a déclaré que les nouvelles exigences britanniques étaient "nulles et non avenues" et que la France était prête à recourir à des mesures de rétorsion.
"En ce qui concerne Jersey, je rappelle par exemple le transport de l’électricité par câbles sous-marins", a ainsi précisé la ministre. La menace est claire.