Le sentier de la discorde à Saint-Briac : le maire saisit la justice

A peine inauguré et déjà fermé : à Saint-Briac, en Ille-et-Vilaine, la fermeture partielle du sentier littoral quelques mois seulement après son ouverture suscite de vives tensions entre randonneurs et riverains. Le maire Vincent Denby-Wilkes, a saisi la justice ce jeudi.


Tout en appelant au calme dans l’intérêt de tous, et en alertant sur le caractère extrêmement conflictuel du contexte, le maire de la commune de la Côte d’Emeraude, qui recevait les riverains propriétaires ce jeudi matin, a saisi la justice. En début de semaine, il leur avait demandé de retirer sous 48h, les obstacles installés sur le sentier littoral pour en empêcher l’accès. "J'espère que les riverains rouvriront le sentier", observe t-il, en signalant que les promeneurs devront malgré tout être prévenus que les propriétaires seront déchargés de toutes responsabilités en cas de souci, eux qui évoquent des risques d'éboulement, pour justifier de la fermeture du chemin. 
 

Des installations dégradées ces dernières nuits


Et puis, "lors des nuits du 23 au 24 et du 24 au 25 juillet, cette semaine, remarque encore le maire Vincent Denby-Wilkes, des exactions ont été commises sur les installations", les panneaux ont été enlevés, des tags inscrits et une des portes a été retrouvée en contre-bas. Mais tout a été remis en place ce jeudi matin.
 


 


Le Tribunal de Grande Instance devra se prononcer


Ces riverains, qui refusent depuis près de 40 ans le passage sur le sentier des douaniers, le long du littoral, et de leur propriété, ont posé portes et portails le 20 juillet dernier, pour en bloquer l'accès. Ce faisant, ils n’ont pas respecté le code de l’urbanisme, qui les oblige à demander une autorisation préalable de travaux à la commune pour mettre en place ce type d'installations. La requête de l’élu, de tout retirer, étant restée sans effet, il a donc saisi ce jeudi le Tribunal de Grande Instance de Saint-Malo, qui à son tour reprendra l’histoire, entendra  les différents protagonistes et fixera une date pour rendre un jugement. Le feuilleton se poursuit. 
    

Inauguré au mois de mai 2019, fermé en juin


Pour rappeler les épisodes précédents. Inauguré en grande pompe début mai par la préfète de Bretagne Michèle Kirry et le président du département d'Ille-et-Vilaine Jean-Luc Chenut, le sentier a été fermé par l'un de ses riverains moins de trois mois plus tard. "Cette partie du sentier est supprimée", pouvait-on lire sur des affichettes ornées d'un drapeau tricolore à quelques centaines de mètres de distance. A marée haute, les promeneurs sont désormais contraints de faire un détour de plusieurs centaines de mètres par la route.
 

"De la provocation à l'état pur"


"Ce type de comportement est inacceptable, c'est de la provocation à l'état pur", peste Patrice Petitjean, président des Amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine (ACR 35), devant la porte verrouillée qui barre le passage au-dessus de la plage de la petite Salinette. "Faut pas céder! Sinon ça va finir comme en Corse", approuve un estivant en maillot
et casquette. "Vive le sentier fermé", rétorque un autre homme, lui aussi en maillot. 


Risques d'éboulements ?


A l'origine de cette fermeture, un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes de juin 2019, qui a annulé partiellement le tracé en raison de risques d'éboulement,  contestés par la préfecture. "C'est honteux, révoltant. On nous retire nos balades: le littoral, ça appartient à tout le monde", s'énerve Jean-Marc Simon, promeneur rennais, accompagné de son fils. "C'est l'une des seules choses gratuites qui restent et on nous l'enlève."
  

Une discorde vieille de 37 ans


La fermeture du sentier n'est que l'énième rebondissement d'une bataille vieille de près de 40 ans. Dès 1982, un arrêté préfectoral devait permettre le cheminement des promeneurs le long de la côte d'Émeraude, conformément à une loi de 1976. Mais il a été annulé par le Conseil d'Etat en 1988 après des recours de riverains. Un nouvel arrêté préfectoral, pris en 2015, a été lui aussi immédiatement attaqué et partiellement annulé en première instance, puis en appel. Parmi les requérants, figurent notamment l'héritier d'une grande entreprise de transports routiers (domicilié au Panama), un président de chambre à la Cour des comptes ou encore la famille Forbes, dont sont issus l'ancien secrétaire d'État américain John Kerry et l'ancien ministre de l'Environnement Brice Lalonde.
 

"Une dimension symbolique"


"Cela donne l'impression que la loi n'est pas la même pour tous", reconnaît le maire Vincent Denby Wilkes, qui a demandé aux riverains de retirer les portes. "C'est très, très mal perçu par les Briacins, d'autant plus mal que le tracé réalisé par l'Etat est remarquable, à l'exception d'une maison. Dès l'ouverture, la fréquentation a été spectaculaire."  Ancien magistrat, Patrice Petitjean envisage de déposer une plainte et d'organiser "une méga manifestation pacifique". "Il y a une dimension symbolique", explique le président de l'ACR 35. "Le sentier littoral en France, il est attaqué de partout. De plus en plus, des propriétaires sans vergogne ferment le sentier et interdisent par là-même aux randonneurs de se promener le long de la mer".
 

"On n'inaugure pas un chemin qui est en contentieux"


 Tout cela ne semble pas perturber outre mesure Philippe Labouret qui reçoit dans sa maison en pierres, aux baies vitrées donnant sur la mer. "Dans cette affaire, les seuls gens calmes, pondérés et intelligents, ce sont les riverains propriétaires. En face, on a une bande d'excités, un peu jusqu'au-boutistes, un peu gilets jaunes", assure l'ancien officier de marine de 78 ans. "Le maire est un ami mais je ne le comprends pas, il perd un peu les pédales", dit-il. Quant à la préfète, "je serais ministre, je la relèverais de ses fonctions"
car "on n'inaugure pas un chemin qui est en contentieux", ajoute le chef d'entreprise, se targuant du soutien de riverains "très haut placés". Pour lui, le sentier ne doit pas passer dans sa propriété "quoi qu'il arrive", en raison des risques d'éboulement.
 

La Préfecture, prête à se pourvoir en cassation


Assurant être "attentive aux conditions de sécurité", la préfecture s'est au contraire dite "déterminée à poursuivre son action". Un pourvoi en cassation est à l'étude.
 


 
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