Jean-Yves Le Drian est apprécié des militaires, et des industriels. Et pour cause, il a, entre 2013 et 2015, boosté les exportations françaises d’armements. Et remporté son plus beau contrat vendredi dernier, en signât la vente de 26 Rafales en Inde.
Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, qui a signé vendredi à New Delhi le contrat pour la vente de 36 chasseurs Rafale à l'Inde, a engrangé sans bruit les succès depuis sa prise de fonction en 2012.
Les exportations françaises d'armements ont rapporté 16,9 milliards d'euros l'an dernier, soit le double de l'année précédente.
Les industriels du secteur jubilent. Notamment Serge Dassault, sénateur d’opposition et ancien PDG du groupe du même nom, qui fabrique le rafale.
L'avion de combat multirôles, qui n'avait jamais trouvé preneur à l'étranger, s'est vendu en Egypte (24 exemplaires), au Qatar (24), avant de séduire l'Inde après de longues années de négociations.
A chaque fois, le ministre de la défense a multiplié les voyages officiels sur place.
Autre succès: le choix par l'Australie du constructeur français DCNS pour renouveler sa flotte de sous-marins, un contrat géant de près de 40 milliards de dollars.
Tout en discrétion
Dans chaque négociation, le compagnon de route du président François Hollande, qui a réussi à conserver la présidence de la région, déploie la même méthode : discrétion, liens personnels, confiance.Avec ses interlocuteurs, "il discute enjeux régionaux, partenariats stratégiques mais ne se montre jamais insistant en affaires", résume un militaire qui l'a côtoyé.
Il faudra "labelliser" sa méthode, renchérit le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier. "On ne peut pas vendre ce genre de matériel s'il n'y a pas de confiance entre deux pays. En revanche il nous a laissé le volet industriel et n'est jamais venu nous dire +le Rafale est trop cher+. Ça change !", se félicite-t-il.
En Afrique subsaharienne comme au Moyen-Orient, Jean-Yves Le Drian est reçu par les chefs d'Etat, loin du protocole et des caméras, et assume sans complexe des liens avec des régimes souvent décriés en matière de droits de l'Homme.
Il a rencontré une dizaine de fois le nouveau roi Salmane d'Arabie saoudite, notamment quand ce dernier était encore ministre de la Défense. Il connaît personnellement le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
Chef du front antijihadiste en Afrique, Jean-Yves Le Drian a aussi imprimé sa marque sur ce continent, au point d'éclipser ses homologues des Affaires étrangères Laurent Fabius puis Jean-Marc Ayrault.
"La diplomatie s'est logiquement effacée devant la guerre. Et Le Drian s'est progressivement installé dans la position du +ministre de l'Afrique+", écrit le journaliste David Revault d'Allones dans "Les guerres du président".
Depuis son arrivée à la Défense, l'armée française s'est engagée sur trois fronts, un record - Sahel, Centrafrique, Irak/Syrie. Sans oublier son implication dans l'opération antiterroriste Sentinelle en France.
Atout France
Sur le front commercial, l'industrie française de défense bénéficie d'un contexte porteur. Contrariés par la diplomatie américaine au Moyen-Orient, certains pays de la région ont décidé de diversifier leurs partenariats.
"Le Rafale est aussi très sollicité dans les opérations extérieures (notamment contre le groupe Etat islamique en Irak et Syrie). C'est un réel atout" commercial, relève Corentin Brustlein, expert à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Apprécié des militaires, pour sa maîtrise des dossiers et la défense des armées face aux contraintes budgétaires, Jean-Yves Le Drian figure également parmi les ministres préférés des Français.
Il y a, bien sûr, quelques ombres au tableau. Il s'est notamment vu reprocher d'avoir tardé à dévoiler des accusations de viol visant des soldats français en Centrafrique, même s'il avait saisi la justice.
D'ici la fin du quinquennat en mai 2017 -et la fin de son mandat de ministre-, il espère enrichir son palmarès, en reprenant la ville de Mossoul à l'EI au côté des forces irakiennes et de la coalition internationale.
Et déjouer la malveillance dont le "made in France" a été la cible - avec la fuite dans la presse d'informations confidentielles sur des sous-marins vendus à l'Inde - en arrachant d'ultimes contrats pour l'industrie de défense.