Marcher au-dessus des eaux du lac de Guerlédan, c'est l'idée de la passerelle qui fait l'objet de tensions en Centre Bretagne. Si du côté des Côtes d'Armor, le consensus semble réalisé, ce n'est pas le cas côté morbihannais : le maire de la commune de Saint-Aignan et son 3ème adjoint viennent de démissionner.
"Quand je vais être sur cette passerelle, je vais littéralement voler au-dessus du lac." Yann Jondot rêve à voie haute. L'ancien maire de Langoëlan roule en fauteuil roulant depuis des années. Il défend aujourd'hui l'accessibilité auprès des maires bretons.
"Les personnes mal-voyantes vont sentir le lac, les personnes malentendantes vont pouvoir voir des choses exceptionnelles... Ca va donner une nouvelle notion de l'accessibilité", assure l'ambassadeur qui se projette déjà.
Pourtant, l'ouvrage, accessible aux personnes handicapées, est loin d'être fait.
Trois millions d'euros
Perchée quinze mètres au-dessus de l'eau, la passerelle himalayenne rigide longue de 500 mètres n'est pas une idée nouvelle. Si le projet était d'abord d'en faire deux, les élus de la communauté de communes de Loudéac se sont ravisés.
"On est sur un budget de trois millions d'euros environ, précise Xavier Hamon, le président de Loudéac Communauté Bretagne Centre. C'est un beau projet aux nombreuses retombées," argumente-t-il.
Un projet, soutenu par Hervé Le Lu, maire de Guerlédan et 1er vice-président de Loudéac communauté en charge du tourisme. Mi-septembre, le conseil municipal de sa commune a rendu un avis favorable en très grande majorité. Si dans les Côtes d'Armor, le projet ne semble pas faire beaucoup de vagues, sur la rive d'en face au contraire, le projet a éveillé des tensions au sein de la communauté de communes de Pontivy.
Saint-Aignan divisé
Dans la commune de Saint-Aignan qui compte 625 habitants, le thème de la passerelle est devenu un point de fortes tensions. En octobre dernier, le maire et six autres élus ont voté en faveur de la poursuite des études, ce que lui reproche notamment son premier adjoint.
Outre le risque de nuisances de cet ouvrage construit sur une zone sensible (ndlr : en 2006, le bassin versant du Blavet a notamment été classé en zone sensible au titre de la Directive Eau Résiduaire Urbaine), le premier adjoint déplore surtout un manque de concertation. "On n'a pas été consulté, se plaint Eric Le Denmat. On a été mis devant le fait accompli. On a l'impression qu'on a fait passer le projet en force, c'est dommage !"
Pour ou contre ? Lui ne cache pas ses réticences, mais il dit se plier à la majorité quand elle sera consultée : "Il faudrait un débat public et que tout le monde puisse s'exprimer. Moi j'ai mon avis propre qui n'est pas favorable mais si la majorité des gens de Saint-Aignan est favorable, ben : soit !"
La consultation en question
Visiblement touché par les critiques et pressions dont il dit faire l'objet, Gilles Cadoret le maire de Saint-Aignan, a décidé de démissionner, suivi par son 3ème adjoint. Mais l'élu démissionnaire tient à se défendre et à rassurer : "Si les études environnementales disent que ce n'est pas possible pour telle et telle raison, le projet s'arrêtera. Pour l'instant, la seule chose que nous avons voté, ce sont des études."
Même son de cloche sur l'autre rive, où côté costarmoricain, le président de Loudéac communauté se dit ouvert aux critiques constructives : "On est encore dans la phase études... Quand le permis de construire de cette passerelle sera déposé, cela permettra aux administrés une forme de concertation, car le permis sera consultable en mairie et de venir émettre des avis."
En attendant, le conseil municipal de Saint-Aignan est scindé. Des élections municipales partielles pourraient bientôt avoir lieu à Saint-Aignan. Plusieurs habitants ont eux demandé la création d'une commission de réflexion, et décidé de créer un collectif de défense et sauvegarde du site de Castel Finans.
Quant à la passerelle, la fin de sa construction, si elle voit le jour, est prévue pour l'été 2023.