Elles ne sont que trois femmes en activité à exercer le métier de scaphandrier. Une profession méconnue que Marion Moriceau est prête à défendre contre vents et marées. Il faut dire que la jeune femme a du se battre jusqu'au bout pour avoir le droit de pratiquer le métier qu'elle rêvait d'exercer. Retour sur son histoire.
L'entretien commence. Marion Moriceau a déjà le sourire dans la voix. Parler de son parcours, se souvenir des étapes importantes, des moments clés, des décisions qu'il a fallu prendre parfois rapidement ...la jeune femme aime ça. Elle raconte:
Je suis née aux Sables d'Olonne et j'ai grandi dans un environnement en connexion avec le monde maritime. Mon arrière grand-père, mon grand-père étaient marins-pêcheurs. Très tôt, ils m'ont emmenée relever des casiers. A la table familiale, ça débattait constamment autour de la mer…
Adolescente, Marion devient "accroc" au surf. C’est là qu’elle apprend à faire de l’apnée et développe une aisance aquatique importante.
Appelée par la mer
Le bac en poche, Marion quitte la maison familiale et prend la direction de la capitale pour effectuer des études de communication.
J'ai rapidement réalisé que la vie citadine m'étouffait. Je ne parvenais pas à me faire à l'environnement. J'avais le sentiment de passer à côté d'un truc. J'étais appelée par la mer et c'est à ce moment là que j'ai découvert le métier de scaphandrier."
Mais à l’époque, la formation coûte très cher et Marion a déjà un prêt étudiant à rembourser avec ses études parisiennes. Les banques refusent de la suivre.
Déterminée, Marion cherche les chemins de traverse et trouve la solution en passant par la voie de l'armée. La formation de plongeur démineur, elle en est certaine, va pouvoir répondre à ses attentes.
Mais là, il lui faut affronter une nouvelle épreuve : le recrutement n’a jamais été réellement ouvert aux femmes et Marion se heurte à des à priori importants.
« Parce que j’étais une femme, je ne pouvais pas postuler au métier de mes rêves. L'officier chargé de la sélection me riait au nez, c'était très violent, ça m'a fait mal. Seules deux femmes en 1945 et 1996 avaient obtenu le grade de plongeur démineur, mais au titre d'officier en étant dans l'encadrement. Elles n'ont jamais pu partir en intervention. Et moi, c'est ça qui m'intéressait »
Plongeur démineur dans l'armée
Elle décide de ne pas lâcher, de mener bataille pour avoir au moins le droit de participer à la sélection et part suivre une formation de maintenance navale pour se préparer au mieux. Pari gagnant!
Marion passe l'examen avec succès et devient la première femme à intervenir sur le terrain comme plongeur démineur dans l’armée.
Elle est ensuite envoyée en mission en Afghanistan puis au large de la Somalie dans le cadre des campagnes de lutte contre la piraterie dans le golfe d'Aden. La dernière mission en Libye sera la plus rude.
"On a du affronter des choses terribles où par moment, on se sentait impuissant. J'ai mis du temps à me remettre de cette période."
A la fin de son engagement avec l’armée, Marion peut enfin suivre une formation dans le civil de plongeur- scaphandrier, le rêve qu’elle a depuis la fin de son adolescence. Elle suit le cursus à l'Institut National de plongée de Marseille.
Protéger les fonds marins
Fraîchement diplômée, elle reçoit très rapidement de multiples propositions. Marion sait qu’elle ne doit pas aller trop vite et qu'il lui faut choisir les chantiers en cohérence avec son expérience. "C'est comme pour un artisan le métier de scaphandrier, on apprend en faisant, c'est du savoir faire qui nécessite beaucoup de temps".
En se perfectionnant et en s’installant dans le métier, Marion réalise que de nombreux chantiers ne sont pas respectueux de l’environnement. Beaucoup de choses heurtent la jeune-femme comme le fait de couler directement du béton dans la mer.
Avec d’autres scaphandriers, elle se mobilise pour faire changer les pratiques et notamment créer des barrages "anti-pollution" .
Désormais, à chaque intervention dans les fonds marins, tout ce qui appartient au vivant (de la faune et de la flore ) est évacué pour être mis à l'abri dans des zones protégées le temps de l'opération. Les éléments sont ensuite remis dans leur milieu d'origine une fois les travaux terminés.
Pour améliorer toutes ces pratiques professionnelles dans les fonds marins que l'on sait très fragiles, Marion travaille en coopération avec l’association « Respect Ocean ».
"J'ai encore un autre combat ", enchaîne Marion, infatigable, à la fin de l'entretien. J'aimerais aussi voir mon métier se féminiser. Je ne comprends pas que l'on soit si peu nombreuses. Nous ne sommes que 3 ou 4 femmes actives dans la profession alors que l’on peut réellement apporter des choses à l’activité. »
Alors partout où elle passe, lors de ses conférences, dans les instituts de formation...elle délivre son message. Et on ne doute pas qu'elle parvienne à atteindre son objectif.
A découvrir, Littoral : "Marion, profession scaphandrière" présentée par Marine Barnérias.