Au restaurant le Poul Vern, on croise le commercial, le chauffeur poids lourd ou l'auto-entrepreneur qui vient de monter sa société. Le temps d'un repas, à l'approche des législatives, ils livrent leur regard et leurs incompréhensions des politiques de l'emploi et de la fiscalisation de notre pays.
À quelques mètres de la sortie 36 de la nationale 165, à Landaul dans le Morbihan se dresse le Poul Vern, un restaurant routier qui accueille chaque midi entre 150 et 200 personnes. L'établissement est ouvert jour et nuit. Stéphanie Wilhem-Bannier, la gérante, a repris l'affaire il y a 8 ans. Pour l'épauler, cinq salariés sont à ses côtés."On a pas le droit l'erreur" nous glisse Stéphanie. "Ça tourne mais mon personnel évite d'être malade. La moindre absence peut fragiliser l'équilibre du restaurant et remplacer, c'est un casse tête sans nom."
Ces dernière années, elle a vu une partie de sa clientèle plonger. "Le plus frappant, c'est pour les artisans. Avant, on avait plusieurs équipes de dix personnes qui venaient déjeuner. Mais à chaque loi, c'est une partie de ces équipes qui a disparu. Maintenant les artisans travaillent seuls ou ils changent de statut, ils s'installent auto-entrepreneur pour avoir moins de charges."
"On n'ose plus embaucher."
Installé dans un coin de la salle près de la fenêtre, Alain Laigo, artisan maçon est un habitué des lieux. Ce jour là, il partage son repas au côté d'un intérimaire et d'un artisan couvreur, Jean. Officiellement, Jean est retraité mais il est toujours en activité, pour arrondir les fins de mois.Alain Laigo lui pense tout stopper dans un an. Dans le bâtiment, il a connu les années fastes, et puis la crise est passé par là. "Dans notre métier, il y a beaucoup de yoyo alors il faudrait pouvoir adapter sa main d'oeuvre en fonction du marché. Mais licencier, ça coûte trop cher alors on ose plus embaucher et on prend des intérimaires." Quand il partira à la retraite, Alain n'aura sans doute pas de successeur pour reprendre son entreprise.
Concurrence déloyale
Au centre de la pièce, une grande tablée de chauffeurs routiers ne passe pas inaperçue. Autrefois, ils étaient eux aussi plus nombreux à fréquenter le restaurant. Fabrice le Corvic ne mâche pas ses mots. Il prend la parole pour le groupe. "Aujourd'hui, beaucoup de chauffeurs restent manger dans leur cabine avec leur gamelle."Avec le retour de la fiscalisation des heures supplémentaires, tout le monde en a pris un coup. Stéphanie la gérante nous le confirme, les chauffeurs routiers ne représentent plus la majorité de sa clientèle. "On l'a vu au nombre de café le matin. On pouvait aller jusqu'à 100 cafés servi au petit jour, c'est terminé."
Il est bientôt 14h ce 17 mai 2017. La salle de restaurant s'est quasiment vidée. Le coup de chauffe est passé. Seule une table d'une quinzaine de retraité prend le temps d'apprécier la fin de son repas. Sur l'écran de la télévision suspendue dans la salle du bar, le nouveau gouvernement doit être annoncé. "On va bien voir si ça change quelque chose, mais franchement, je demande à voir" lance un client en buvant son café.