Accident de la Volvo Ocean Race: 6 mois avec sursis requis contre le skipper

Le parquet de Lorient a requis lundi une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis à l'encontre du skipper Yann Guichard, poursuivi pour blessures involontaires après la collision de son maxi-trimaran avec un canot, au départ de la Volvo Ocean Race en juin 2015 au large du Morbihan.

"C'est l'histoire d'un navire surdimensionné qui, sans s'y être annoncé, pénètre dans une zone de course", a déclaré Laureline Peyrefitte, procureure de la République de Lorient au cours de son réquisitoire, qualifiant cette affaire de "chronique d'une catastrophe annoncée".

La procureure a également requis une amende de 20 000 euros à l'encontre du skipper poursuvi pour blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois et mise en danger d'autrui, par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 12 juillet.

Un accident dans une zone où le bateau n'avait pas à y être

Le navigateur de 42 ans était à la barre de son maxi-trimaran Spindrift 2 lorsque Virginie Le Namouric, 49 ans, a été grièvement blessée aux jambes par l'un des safrans du bateau de 40 mètres. Sa jambe gauche a été amputée, tandis que l'autre a souffert de multiples fractures. La victime se trouvait dans l'embarcation de son mari, commissaire de course bénévole. Le canot pneumatique, où avaient pris place quatre personnes, faisait partie du dispositif de sécurité prévu pour le départ de la dernière étape de la Volvo Ocean Race, à laquelle ne participait pas Spindrift 2.

"Par une succession de fautes et de risques, qu'il a pris volontairement, il s'est retrouvé dans un piège", a estimé Laureline Peyrefitte à propos de Yann Guichard, évoquant le "gros, beau, magnifique Spindrift 2", en opposition au canot "lent, petit, rattrapé". "Monsieur Guichard a fait preuve d'une suffisance, d'un mépris vis-à-vis de règles de sécurité qui pourtant s'adressent à lui plus qu'à d'autres même, lui, le 'professionnel aguerri' ", a encore jugé la magistrate, assurant notamment que Spindrift 2 était arrivé "sur zone de façon imprévue".

"Marin professionnel aguerri"

Le skipper, vêtu d'un costume gris clair sur une chemise blanche, a reconnu ne pas avoir prévenu les organisateurs de la course de son intention de se rapprocher de la zone de départ. Mais c'est en "marin professionnel aguerri" qu'il s'est présenté devant le président du tribunal qui lui demandait s'il considérait être plutôt un "marin moyen ou un marin aguerri".

Les débats ont longuement porté sur les trajectoires respectives du canot et du maxi-trimaran. La défense du skipper, qui a demandé la relaxe de son client, a notamment soutenu que les deux navires avaient des trajectoires qui allaient se croiser et que l'embarcation pneumatique n'avait pas modifié sa trajectoire, alors qu'étant dotée d'un moteur, elle n'était pas prioritaire. Hervé Temime, l'un des avocats du skipper, a en outre souligné lors de sa plaidoirie "la volonté excessive de protéger l'organisation d'une course" et jugé que le skipper "était l'inverse de la suffisance et du mépris".

De leur côté, les parties civiles ont assuré que le canot était à l'arrêt et de dos, devant Spindrift 2, et que, de ce fait, ses occupants n'ont pas vu le trimaran arriver à vive allure sur eux. L'avocate de la victime et de ses proches, Christine Julienne, a demandé une provision de 330 000 euros pour Virginie Le Namouric, son mari et leurs deux enfants, dans l'attente d'expertises destinées à déterminer avec précision les séquelles des uns et des autres. "Je suis attristé et effondré de ce qui s'est passé", a déclaré d'une voix tremblante à la fin des débats Yann Guichard, qui n'a pas souhaité s'exprimer devant la presse.

"J'ai hâte de savoir ce que décidera le président" du tribunal, a réagi Virginie Le Namouric, vêtue de noir sous une veste orange vif au terme de l'audience, disant souhaiter "passer à autre chose".