Avec une centaine de fermes équipées, la Bretagne est une région en pointe dans la méthanisation. Bruno Calle est l’un des pionniers. Éleveur laitier à Arzal, il est depuis devenu une référence dans cette pratique agricole en plein essor.
La bouse, c’est de l’énergie, et au Gaec des moulins de Keriolet, Bruno Calle l’a bien compris. Fils d’agriculteur, il reprend l’exploitation familiale à l’aube de l’an 2000. L’homme est passionné, ambitieux. Progressivement, il élève 220 vaches laitières dans une exploitation robotisée dernier cri, de la traite à l’alimentation. La méthanisation s’est vite imposée pour valoriser ses effluents d’élevage.
Quand je me suis lancé il y a 8 ans, on devait être deux en Bretagne, les gens me regardaient comme un Ovni ; c’est sûr que c’est lourd comme investissement, 3 millions d’euros, on ne fait pas ça tous les jours ; mais aujourd’hui c’est une vraie valeur ajoutée locale pour nos fermes.
Rien ne se perd tout se transforme
Dans d’énormes cuves bâchées et hermétiques, s’accumulent ainsi le lisier, mélangé à des déchets d’alimentation animale, de l’herbe fauchée et quelques 20 % de déchets organiques extérieurs à l’exploitation, à l’instar du marc de pommes ou de la pulpe de citrons venus d’un industriel voisin.
Une armée de bactéries s’emploie alors à dégrader la matière organique, pour deux résultats : une matière humide, le digestat, appelée à retourner fertiliser les sols et le fameux biogaz qui entraîne deux moteurs de cogénération qui produisent de l’électricité pour le réseau Enedis.
En 2019, l’exploitation a produit 5 millions de kilowattheures, ce qui représente environ la consommation de 800 maisons sur un an. Je suis éleveur, c’est un travail manuel, mais nos métiers changent, c’est une agriculture d’investissement. A l’heure où le prix du lait ou des céréales est décidé mondialement, il faut qu’on trouve des solutions pour vivre de nos métiers. La méthanisation sécurise mon élevage.
Autre avantage surprenant, la méthanisation permet de sécher le fourrage, les moteurs activent en effet un ventilateur géant sous un bâtiment de stockage. Luzernes et trèfles récoltés sur l’exploitation conservent ainsi bien mieux leur qualité nutritive et évitent à l’éleveur de trop compenser avec le soja sud américain (en grande partie OGM).
"Un bon méthaniseur est un bon éleveur"
Fervent défenseur de cette filière encore jeune, Bruno Calle reste lucide sur les risques de pollution. Le grave incident de l'usine de Châteaulin cet été reste encore dans les esprits.
La méthanisation peut faire peur. On l’a vu cet été avec la pollution de Châteaulin, mais en tant que pionnier on a appris de nos erreurs, les vannes de sécurité sont doublées et on a endigué tout notre site pour éviter tout rejet dans le milieu naturel. C’est une machinerie exigeante, un bon méthaniseur est un éleveur, bien dans sa tête, bien dans ses bottes.
Car selon l'éleveur, le procédé permet de réduire le recours aux engrais chimiques, en fertilisant ses prairies avec son propre engrais, le digestat, Bruno a divisé par 5 ses achats d’amnonitrates, soient presque 20 000 euros d’économies. De la bouse aux champs, le cycle est complet et surtout local, l’exploitation vient d’être certifiée Haute Valeur Environnementale, à mi-chemin entre le conventionnel et le bio.