"Travailler l'huître, c'est du vivant", Yvonnick Jegat défend la production d'huîtres naturelles dans le Golfe du Morbihan

Dans ce qu'il appelle "son jardin" du Golfe du Morbihan, Yvonnick Jegat cultive l'art de l'huître au naturel. Ses parcs ostréicoles sont composés uniquement de naissains d'huîtres nés en mer, puis élevés sur le sable. La maison "Jegat", fondée en 1925, est pionnière dans la défense de l'ostréiculture traditionnelle. Rencontre.

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Yvonnick Jegat aime son métier, les gens, le Golfe du Morbihan et l'huître qu'il travaille avec passion depuis plus de 30 ans. 

Il a repris l'affaire familiale en gardant en tête ce qu'avait commencé son père: élever les huîtres plates et les huîtres creuses en respectant une certaine éthique. 

La technique d’ostréiculture ancestrale que pratique Yvonnick est plus contraignante que celle du parc à huîtres classique mais ses résultats la justifient largement. Les huîtres sont semées sur toute la zone de culture dont il dispose, répartie entre Arradon et l’île d’Arz.

Je dis souvent que l’on a plein d’incertitudes dans ce métier parce que l’on travaille avec la nature, le froid, les tempêtes. Mais l'huître c'est du vivant, c'est une remise en question perpétuelle.

Yvonnick Jegat

La part du colibri 

Yvonnick raconte l'arrivée de l'huitre creuse dans le Golfe du Morbihan. "Jusqu'à la fin des années 70, il n'était pas possible d'élever ni de stocker des huîtres creuses ici, c'était interdit par l'administration. L’huître creuse filtre 6 fois de plus qu’une huître plate. L’administration avait peur qu’en intégrant l’huître creuse, il n’y ait plus assez de nourriture pour l’huître plate et qu’elle disparaisse.

Et puis à la fin des années 70, deux maladies ont fait disparaitre l'huître plate. Avec mon père , on a  toujours essayé de sauver le moindre naissain que l’on voyait. On a voulu garder un petit cheptel d’huîtres plates dans le Golfe.

Dans la famille Jegat, on ne parle pas d'huître d'écloserie et encore moins de triploïde ou diploïde. Yvonnick, et, avant lui, son père se sont résolument engagés pour l’ostréiculture traditionnelle et donc pour l’huître naturelle née en mer. 

"Lorsque les écloseries sont apparues, cela a fait beaucoup de mal à l’huître. Sur ces huîtres là, on a gagné en croissance mais on a appauvri l’huître d’un autre côté, on a affaibli son potentiel génétique". 

Yvonnick aime alors illustrer ses propos avec l'histoire du colibri:

"Il y a un incendie et le colibri passe son temps à cracher des gorgées d’eau. Un autre oiseau lui demande : mais que fais-tu ? Le colibri répond, c’est ma part. Et si tous les oiseaux s’y mettent, on pourra peut-être éteindre l’incendie. Pour l’huître plate, j’aime bien ma petite part de colibri. Je veux re-semer le naissain et faire ma part pour le Golfe. Je suis un anti-écloserie…"

"Le goût de noisette, c'est l'arlésienne"

Juste avant les fêtes, c'est le grand rush. Les huîtres Jegat sont recherchées et appréciées. Elles ont plusieurs fois étaient distinguées dans les restaurants gastronomiques et primées au salon de l'agriculture. 

L'ostréiculteur sait que chaque année, son huître sera différente, comme pour un viticulteur avec le vin. "Il faut travailler, être observateur, si on n'est pas passionné par le produit, ça ne peut pas marcher". 

Lorsque l'on parle du goût de l'huître à Yvvonnick, il sourit:

Les gens qui viennent me voir et qui me disent que l’huître plate à le goût de noisette…moi ça fait marrer, ça fait 30 ans que je le cherche. Le goût de noisette c’est un peu l’arlésienne. Ca fait bien de dire ça. Je trouve qu’il faut avoir du croquant dans l’huître, plus on a du croquant, plus on a un goût prononcé. 

Le portable se remet à sonner. Yvonnick et ses salariés ont du pain sur la planche. Défendre les huîtres naturelles, ça prend du temps et de l'énergie. L'ostréiculteur conclut en évoquant son terrain de jeu favori, le Golfe du Morbihan. 

"Tant qu'il y aura des huîtres qui pourront grandir ici naturellement, ça sera plutôt bon signe pour la qualité et la biodiversité du Golfe du Morbihan. Si les ostréiculteurs disparaissent, il y aura de vraies questions à se poser". 

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