Justice. Il reste en prison pour tentative d'assassinat après avoir arrosé de chevrotine la façade de ses voisins pour "un bruit de moteur"

La cour d'assises d'appel de la Loire-Atlantique a confirmé ce vendredi 11 octobre 2024 la peine de 18 ans de réclusion criminelle qui avait été infligée à un ancien militaire qui avait criblé de 18 balles en 2020 les ouvertures de la maison de ses voisins à Monterblanc (Morbihan).

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Ancien grenadier-voltigeur (GV) au 3ᵉ Régiment d'infanterie et de marine (RIMA) de Vannes, l'accusé avait fait appel de la peine "excessive" de 18 ans de réclusion criminelle qui lui avait été infligée en première instance par la cour d'assises du Morbihan pour "tentative d'assassinat".

Mon affaire a fait le tour [du centre pénitentiaire, ndlr] de Ploemeur... Tout le monde le dit, que ce soit les surveillants ou les détenus : j'ai pris trop cher.

L'accusé,

lors du premier des quatres jours de son procès en appel

Il avait arrosé de chevrotine la façade de ses voisins

Pour rappel, ce fils d'un ancien gendarme avait eu un premier esclandre avec ces voisins qu'il n'avait jamais croisés jusqu'alors. Locataire d'un logement social dans un petit immeuble à Monterblanc, près de Vannes (Morbihan), il se plaignait du "bruit du moteur" que faisait le camion du mari, chauffeur routier, quand celui-ci le faisait tourner devant sa maison tôt le lundi matin avant de prendre la route pour la semaine. Il ne s'en était pourtant jamais plaint auparavant, que ce soit auprès de la famille, de la mairie ou des gendarmes. Le fils de la famille l'avait alors éconduit en lui disant qu'il avait "le temps de dormir le matin" puisqu'il était "chômeur"... 

Cet ancien chasseur était alors revenu cinq jours plus tard, à l'heure de la sortie des écoles, et avait "arrosé avec de la chevrotine pour les sangliers" la façade de la famille, selon le parquet.

Sa voisine, assistante maternelle de métier, s'y trouvait alors avec deux enfants qu'elle gardait. "Elle leur chantait des chansons pour les rassurer", a rappelé l'avocat général aux jurés de la cour d'assises d'appel de la Loire-Atlantique.

Des "traits de personnalité paranoïaque"

Dans ces conditions, l'avocat général avait donc requis vingt ans de réclusion criminelle pour ce "crime du ressentiment" et cette "tentative de tuerie de masse en plein bourg" : le "bruit de moteur" du camion n'était "qu'un prétexte" pour l'accusé, qui avait déjà été condamné pour avoir frappé avec un démonte-pneu un autre automobiliste qui s'arrêtait trop fréquemment devant lui. C'était en réalité "la remarque d'un ado énervé" qui avait fait sortir de ses gonds cet homme "seul, sans travail et sans amis", a analysé ce 11 octobre le magistrat.

Surtout, l'accusé a des "traits de personnalité paranoïaque" : il était convaincu que ces voisins "passaient leurs journées à lui chier dessus". Les psychiatres n'ont pas pu vraiment se pencher sur son cas : pendant l'enquête, il a refusé d'être extrait de sa cellule pour en rencontrer un, préférant "faire la sieste". Il a aussi refusé de donner à une assesseure ses lectures en détention, persuadé que les jurés "voient le Mal partout". "J'aime beaucoup l'idée d'avoir une arme, c'est rassurant car le monde est fou", a encore dit l'ancien militaire.

Cet allocataire du Revenu de solidarité active (RSA) - qui avait rejoint l'armée "pour voir du pays" et "pour l'aventure" mais qui l'a quittée "sans préavis" à cause des "ordres abusifs" de ses chefs - avait en fait renoncé à trouver du travail après la perte de son dernier emploi de chauffeur routier. Il passait donc ses journées "sur internet et avec les jeux vidéo"... mais "ne jouait pas à Call of Duty", avait-il tenu à préciser au premier jour de son procès, en référence au jeu vidéo de guerre où le joueur incarne un soldat armé.

"Je me sentais dans un monde à part par rapport à ceux qui travaillent, j'avais une sensation de stand-by pendant que les autres avançaient", avait confié ce jour-là cet amateur de ball-trap qui se voyait comme "le raté, le mauvais, le vilain" pour reprendre les mots de la présidente. "Les gens sont méprisants jusqu'au jour où ils se retrouvent eux-mêmes au chômage."

Un environnement familial compliqué

Sa mère Monique, elle-même ancienne assistante maternelle, ne l'a pas aidé à se départir de ce sentiment de persécution : cette femme de 67 ans a encore dit cette semaine aux jurés que "personne n'aime" son fils "à part moi". "On est les deux rejetés de la famille", avait-elle ajouté sans être interrogée sur les dires de sa fille "rancunière" et "délinquante".

Sa propre fille Sandra - qui a elle décrit le "climat incestueux" qui régnait sa famille - a en effet coupé les ponts avec cette mère qui aurait dit avoir "donné de la mort-aux-rats" à son mari. Sur ce point, son frère avait appelé la présidente à faire "un petit peu attention à ce qu'elle dit" car elle reprenait à son compte une "calomnie" qui ne vise qu'à "salir les parents".

Bien vivant, leur père s'est d'ailleurs présenté à la cour pour témoigner ; cet homme qui "évite de contredire" sa femme n'a pas non plus été interrogé sur cet épisode. "J'ai la faculté d'oublier et d'évacuer... Cela tient à mon passé professionnel", avait simplement dit l'ancien gendarme pour expliquer pourquoi il n'avait jamais interrogé son fils sur son crime.

Désormais retraité, le père n'avait auparavant "pas très bonne réputation" à Monterblanc, selon d'anciens voisins de son lotissement : "rigide" et "craint"il les avait assignés au tribunal pour faire élaguer leurs arbres. "Il nous a harcelés, nous n'en pouvions plus", avait raconté le couple. "Il nous a dit 'Je ne vais pas vous lâcher, je vais trouver autre chose pour vous faire cracher'." Le fils de l'ancien gendarme n'était alors pas en reste puisqu'il "se collait au portail" et qu'il voulait leur "mettre un poing", avaient raconté les voisins.

Le maire de Monterblanc de l'époque avait d'ailleurs confirmé aux gendarmes que leur ancien collègue "cherchait à ennuyer ses voisins" et que c'était "devenu une obsession". Selon l'élu, cet homme originaire de Sérent (Morbihan) aurait "agi de la même façon avec d'autres voisins quand la famille habitait à Ploërmel".

"Il voulait simplement leur faire la peur de leur vie"

En attendant, l'avocat de son fils avait lui plaidé l'acquittement pour la "tentative d'assassinat" de l'accusé sur ses propres voisins puisqu'il n'y a "pas eu de projet de tuerie". Les cartouches de son client étaient "des restes de l'époque où il chassait" et il n'avait "pas tiré depuis quatre ans", avait-il ainsi fait remarquer.

"Tirer dix-huit fois et ne toucher personne, ce n'est pas un miracle et cela n'a rien à voir avec la chance : il voulait simplement leur faire la peur de leur vie", a expliqué l'avocat du prévenu qui avait appelé les jurés à ne pas céder au "chantage affectif" de l'avocat général, pour qui un acquittement pour "tentative d'assassinat" car cela reviendrait à ne condamner son client que pour de simples "dégradations" alors que son client pouvait parfaitement être condamné pour le "crime" de "violences", selon lui.

Confirmation des 18 ans de réclusion

Un avocat avait ainsi suggéré une peine de 12 ans de prison, alors que son client en a déjà purgé cinq à l'heure actuelle. Son client a finalement été condamné à 18 ans de réclusion criminelle, comme en première instance. Il sera astreint à un suivi-socio judiciaire de cinq ans à sa sortie de détention, sera banni du Morbihan pendant dix ans et inéligible pour la même période. Il lui sera aussi interdit de détenir une arme pendant quinze ans, et son permis de chasse lui a été retiré avec interdiction de le repasser avant quinze ans. Ses fusils et munitions lui ont enfin été confisqués.

La présidente a justifié la décision par "l'extrême gravité" de sa "tentative d'assassinat", mais aussi par son "retentissement extrême sur les parties civiles et sur la commune".

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